Souveraineté alimentaire
Depuis plus de huit années, la Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) qui est un regroupement d’organisations syndicales, de femmes, de paysans, travaille dans les domaines de la formation, de la sensibilisation en vue d’influencer les instances de décisions par le biais des analyses socio-économiques leur permettant de faire des choix en faveur des intérêts fondamentaux des couches populaires de la nation. Durant les huit dernières années, la PAPDA avait également procédé à la diffusion d’une masse d’information pertinente sur les luttes menées en Haïti, dans la caraïbe, l’Amérique Latine et le monde entier contre les politiques d’ajustement structurel et jeter les bases d’une alternative politique et économique. Tout cela, avec une méthodologie accordant la parole aux groupes de base dans leur lutte pour la réorientation des choix politiques, macro-économique et sectorielle. Ainsi, conformément à ses objectifs fondamentaux et, en dépit de certaines restrictions eu égard à ses propres moyens de fonctionnement, la PAPDA dans une stratégie de concertation avec les organisations partenaires, a donc toujours œuvré contre l’ajustement structurel et les politiques d’inspiration néolibérale et travaillé, dans la mesure de ses possibilités au processus de construction d’une authentique alternative populaire et démocratique.
La production agricole haïtienne ne suffit pas à nourrir la population et ne fournirait actuellement un peu plus que 44 % des besoins en calories alimentaires. Les causes fondamentales de ce problème ne datent pas d’hier. Il s’agit essentiellement d’un système d’exclusion sociale au profit d’une bour¬geoi¬sie de bord-de-mer, basé sur le modèle colonial que l’Etat haïtien n’a pas osé remettre en cause durant le XIXe siècle vu qu’il s’était engagé à payer des dédommagements aux anciens colons et que c’est la plus-value sur la production des denrées par les paysans qui représentait la principale source de rentrées pour faire face à cette obligation. Ce système inclut des facilités inégales d’accès à la propriété de la terre entre d’une part, les militaires et les politiciens d’une part et les paysans d’autres part, entre les hommes d’une part et les femmes d’autre part. Ces inégalités de chances se sont répercutées telles quelles dans le domaine de l’instruction. Ce système a amené la surexploitation des ressources naturelles, l’érosion des sols, une baisse de la productivité des terres et surtout, un mépris pour la profession d’agriculteur.
Cela rend la nation de plus en plus dépendante du commerce international pour un besoin essentiel et cela a un impact significatif sur le coût de la vie vu que l’économie du pays demeure encore dépendante essen¬tiel¬lement d’activités de services (offerts à travers des circuits informatisés) et de l’activité agricole mais que c’est une minorité de transactions effectuées dans ces secteurs qui vise la génération de devises.
Pire, depuis le début des années 80s, la politique macro-économique de l’Etat, dominée par l’idéologie néo-libérale, tend à accroître la tendance à « consommer étranger » et à négliger l’accès des couches défavorisées aux services sociaux de base et aux facilités d’investissement. Cela accroît les difficultés de survie de la paysannerie en butte à une compétition inégale avec des fermiers de pays industrialisés fortement subventionnés.
Le défi est de bâtir un sentiment de solidarité entre les consommateurs et les producteurs haïtiens tout en développant des filières qui soient porteuses pour le tissu social et pour l’écologie du pays et dans lesquelles les producteurs puissent être plus efficaces. Le défi est aussi d’arriver à influen¬cer favorablement les politiques macro-économiques à l’échelle nationale et internatio¬nale.
Depuis quelque quatre années, la PAPDA a retenu la sécurité alimentaire comme une des problématiques de référence pour évaluer la pertinence et la qualité des politiques mises en oeuvre aussi bien au niveau local que national ou international.
Dans le contexte actuel dominé par les mesures de libéralisation économique et financière néo-libérale tous azimuts au profits des grands groupes financiers et au détriment des droits des états dont les moyens de fonctionnement dépendent de l’appui de la communauté internationale, les valeurs citées plus haut sont menacées bien plus encore que du temps où le capitalisme interna¬tional comptait sur des régimes dictatoriaux dans les pays producteurs de matière première. Chez nous, par un processus de crises en chaîne dans tous les secteurs, les structures sociales en géné¬ral, les institutions de référence et les valeurs culturelles sont menacées d’ensevelissement.
Relevons enfin que, depuis le forum international tenu à la Havane en septembre 2001, la PAPDA s’est ralliée à l’objectif de souveraineté alimentaire plutôt que la sécurité alimen¬taire pour éviter l’ambiguïté d’un concept galvaudé au niveau des instances internationales promou¬vant la libéralisation commerciale et financière internationale.