Au cours d’une discussion sur la conjoncture nationale, le professeur Camille Chalmers a diagnostiqué la situation actuelle du pays comme « Un État dans un état de pourrissement avancé ». Effectivement, même les observateurs les moins avertis avec des mots différents, sont parvenus au même constat. La nation haïtienne, en effet, offre le malheureux spectacle d’un pays qui s’en va à vau-l’eau. Le capitaine et les matelots sont bel et bien installés à leur poste, mais malheureusement, ils ont enfoui leur boussole quelque part sur la terre ferme. Le président Préval, au début de son premier mandat, avait préconisé le mode d’ordre : < Restaurer l'autorité de l'État>. Il en avait fait le principal leitmotiv de sa campagne électorale de 1995. Le résultat obtenu au cours de son premier quinquennat s’était révélé maigrelet. Aujourd’hui, au cours de son second mandat, il n’en parle guère alors que la perte de cette autorité s’amplifie. L’impression d’un pays abandonné à lui-même n’est pas due seulement à la situation économique nationale qui frise la banqueroute. Cette impression provient aussi d’un relâchement progressif de la morale collective, caractérisé par la multiplication des actions indescriptibles des gangs de divers acabits, les magouilles des classes dominantes et celles d’un nombre élevé de leurs suppôts de la classe politique traditionnelle. L’État haïtien a perdu dans sa capacité de jouer son rôle historique et traditionnel, celui de protéger ses classes dominantes tout en ayant soin d’amadouer les masses populaires par certaines mesures qui sont propres à ces dernières. Il lui est devenu difficile de maintenir l’illusion de conduire la barque nationale de façon désintéressée au profit de toutes les classes sociales. L’actuelle conjoncture, émaillée de scandales les uns plus burlesques que les autres, a simplement mis en exergue quelques symptômes de la décomposition de la formation sociale haïtienne.
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