Haïti n’a jamais connu jusqu’à nos jours une ère réellement démocratique, qu’elle soit représentative ou participative. Les premiers élans, les premiers balbutiements de l’indépendance en 1804, après que les membres fondateurs eurent chassé l’armée napoléonienne réduite en lambeaux sous les assauts des esclaves en armes, sont marqués par l’exclusion de ces derniers. Ceux-ci, sous la force des choses, sont convertis en de nouvelles masses paysannes sans avoir obtenu ni la terre, ni la liberté effective pour lesquelles ils ont versé leur sang. Les anciens privilégiés de la période de grâce de l’époque coloniale se sont transformés en la nouvelle classe dirigeante et régnante qui a accaparé toutes les sphères militaires, politiques et économiques qu’un tel statut pouvait leur accorder. La formation sociale haïtienne est ainsi née. Si elle a évolué en épousant de multiples formes au cours de nos deux cents ans d’une certaine souveraineté nationale, au moins inscrite dans toutes nos Chartes fondamentales, elle a conservé encore en ce début du vingt et unième siècle sa nature exclusiviste. Car, tous les chefs d’État qui ont précédé l’avènement de l’ex-président Aristide en 1991 ont été élus sous la pression des baïonnettes et ont perpétué les mêmes crimes d’apartheid sociale. Les élections de décembre 1990 ont imprimé de nouveaux cours dans l’implantation de la démocratie formelle dans le pays. Elles ont dans une certaine mesure clôturé le cycle des joutes préparées dans les casernes et dans certaines ambassades qui nous ont, entre autres, concocté le duvaliérisme. Pourtant, les masses populaires, même de façon démagogique, n’ont jamais participé à la gestion du pouvoir politique.
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