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De nouvelles voix s’élèvent contre la Minustah et le pillage des ressources du pays

Le retrait des troupes de la mission des Nations Unies de stabilisation en Haïti (Minustah), la relation entre l’occupation du pays et l’offensive multiforme des transnationales, notamment dans le domaine des mines, ont été des thèmes dominants au cours d’une activité ayant réuni environ 800 participantes et participants, dans le cadre du sommet des peuples tenu à Rio au Brésil du 15 au 23 juin 2012, selon les informations parvenues à l’agence en ligne AlterPresse.


A ce sommet, Haïti a été représentée par une délégation de huit (8) personnes, dont l’économiste Camille Chalmers de la plateforme de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda) et Chavannes Jean-Baptiste du mouvement des paysans de Papaye (Mpp – Hinche/ Plateau central)), rejoint par des étudiants et professeurs haïtiens des universités de Rio.

« Nous avons compris la nécessité de développer de nouvelles formes de solidarité envers Haïti, autour de la lutte contre la Minustah et de la tendance actuelle à liquider les richesses du pays au nom d’une ouverture du pays au business », indique Chalmers à AlterPresse.

« Des représentants de la société civile brésilienne et des députés brésiliens y ont aussi pris part. Ils ont fait des propositions intéressantes en ce sens », ajoute le secrétaire exécutif de la Papda.

Le sommet des peuples, qui a réuni des « représentants des mouvements sociaux – qui luttent contre le capitalisme et la globalisation néolibérale – et des délégations de plus de 30 pays » a été placé sous le signe de « la justice sociale et environnementale, contre la marchandisation de la vie et de la nature et pour la défense des biens communs ».

Organisé en parallèle au colloque international Rio+20 sur le développement durable, le sommet des peuples qualifie le sommet des Nations Unies pour le développement durable Rio+20 d’ « espace illégitime », dans une déclaration publique.

« C’est illégitime, parce qu’ils sont 20 et nous sommes 7 mille millions. Ils créent l’exclusion, nous créons l’inclusion » argumente le sommet des peuples.

« Le 23 juin 2012, plus de 80,000 personnes se sont réunies dans les rues de Rio. C’est une démonstration de la puissance des alternatives », signale Chalmers, aux yeux de qui cette manifestation a été un « moment de très grande émotion ».

Une grande banderole, exigeant le retrait de la Minustah, a été « grandement remarquée » à cette mobilisation.

Des centaines d’entrevues ont également été accordées aux médias par la délégation haïtienne sur cette question, selon les informations rassemblées par AlterPresse.


Halte aux fausses solutions à la crise !

Les causes structurelles de la crise actuelle, les « fausses solutions » proposées par les puissances capitalistes, des propositions critiques et alternatives, un agenda et une campagne d’actions, ont été débattues en plénière et en assemblée.

« Nous avons pris conscience de l’urgence d’agir et de dénoncer les causes structurelles de la crise. Nous devons sortir du système capitaliste, qui est le seul moyen de résoudre la crise actuelle », estime Chalmers.

Depuis quelques décennies, le monde vit une crise profonde, imputee au système capitaliste par plusieurs intellectuels, militants et mouvements sociaux.

La crise d’aujourd’hui dans le monde se manifeste par des crashs de banques, de l’insécurité alimentaire, une augmentation sans cesse croissante du chômage, les changements climatiques et le risque de destruction de la planète.

Pour le sommet des peuples, cette situation – qui affecte « le monde entier » – a pour cause unique « l’appétit démesuré du gain, essence du capitalisme qui, dans ces dernières décennies, prend une forme spéculative, prédatrice, sauvage et antidémocratique ».

La question de l’économie verte, discours très à la mode, a été abordée et vue comme « une proposition de marchandisation de la nature. [C’est-à-dire la volonté de faire payer] l’air que nous respirons, l’eau des rivières qu’on utilise et les services environnementaux offerts gratuitement par la nature », explique Camille Charlmers de la Papda.

« Nous nous opposons à cette solution et pensons qu’il faut faire le constat de l’échec de la civilisation capitaliste : une civilisation non soutenable, qui ne permet pas de satisfaire les besoins fondamentaux des individus, l’incapacité à résoudre les grands problèmes de l’humanité aujourd’hui », argue l’économiste.

Dans sa déclaration publique du 20 juin 2012, le sommet des peuples affirme lutter pour « une nouvelle civilisation, dont la rationalité n’est pas le gain et la consommation sans le bien-vivre ».

La question de la dette externe

Chalmers voit dans le processus d’endettement, un « mécanisme fondamental de domination du système capitaliste ».

Le sommet a proposé un audit des dettes externes afin de ne pas payer les dettes illégitimes et les corrompus.

Le professeur et économiste Chalmers lie la dette financière à « d’autres types d’échanges, notamment le rapatriement des profits des transnationales, l’échange mondial et la fuite des cerveaux », pour pouvoir cerner la question de la dette dans sa totalité et ne pas négliger la dimension historique.

« La dette – qui absorbe une grande partie des ressources du pays- doit être révisée et analysée sous le regard des conventions internationales et des dispositions constitutionnelles internes. Et tout ce qui a été mal fait représente des dettes à ne pas payer », préconise Chalmers.

Plus de 70% de la dette externe de l’Équateur est illégitime, car contractée illégalement ou sous pression, révèle la commission d’audit de la dette en Équateur, après deux années d’investigation.

L’administration politique du président équatorien Rafael Correas aurait décidé de ne pas payer ces dettes.

« C’est la pire des erreurs que nous avons commise en acceptant l’annulation de la dette du pays. Ce choix équivaut à une déclaration de faillite et nous ferme la voie aux marchés financiers », estime la ministre de l’économie et des finances en Haïti, Marie Carmelle Jean-Marie, intervenant sur une station de radio de la capitale.

Pourtant, « ce sont les pays du Nord qui doivent à ceux du Sud, si nous suivons le processus historique de destruction qui empêche les pays appauvris de se développer », d’après Chalmers, évoquant le « rôle important de l’entreprise [étasunienne] Shada (cf. http://www.alterpresse.org/spip.php…) dans la déforestation de notre pays ».

Après Rio ?

Rappelant combien la « participation à Rio entre dans le processus de mobilisation, dans lequel nous sommes engagés depuis de longues années », le dirigeant de la Papda annonce l’organisation prochaine d’un « forum de restitution, de manière à ce que les idées sorties de Rio soient diffusées et débattues en Haïti ».

La Papda n’entend pas démordre de ses « revendications antérieures au sommet des peuples, notamment sur la question des études d’impact environnemental et l’éducation environnementale ».

« Tout investissement important doit être précédé d’études sur l’impact environnemental. Le cas de Caracol [Nord-Est d’Haïti] est une preuve de catastrophe », soutient Chalmers, qui s’inquiète de l’importance de la menace au niveau des projets miniers.

« Dans les différents niveaux de l’enseignement, il faudrait mettre en place des cours d’éducation environnementale, qui permettra à chaque Haïtienne et à chaque Haïtien de connaitre les forces et faiblesses de leur environnement, les différents cycles de production agricole, les écosystèmes », recommande la Papda.

« Ces espaces d’éducation ne doivent pas être uniquement théoriques, mais doivent erre plutôt massivement intégrés dans des campagnes de reforestation, de recyclage de déchets, etc. », poursuit la plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif.

L’une des propositions les plus actuelles est celle de « Jean Anil Louis-Juste, ce grand intellectuel militant [qui] a été l’un des tout premiers à lancer cette idée de restructurer le système éducatif [haïtien], autour d’une nouvelle relation entre la population et son environnement, une nouvelle responsabilité citoyenne autour de la question environnementale », rappelle Chalmers.

Assassiné le 12 janvier 2010, quelques heures avant le séisme, Louis-Juste a plaidé, durant sa vie, pour une « école écologique de citoyenneté pleine ».

En attendant, la Papda pense « Faire de Rio, un momentum fort, dans le cadre de la convergence des différents mouvements sociaux autour des objectifs clés qui doivent permettre au pays de se relever ».