Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), ayant appris que le 15 juin 2012, des agents de la Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) ont tenté de violer l’enceinte de la Faculté des Sciences Humaines (FASCH), a délégué les 18 et 19 juin 2012 une équipe sur les lieux aux fins d’enquête.
Dans le cadre de cette investigation, le RNDDH s’est entretenu avec :
• Hancy PIERRE, Professeur et Coordonnateur de la FASCH ;
• Dieu BRICE, le gardien de la Faculté qui était sur les lieux lors de l’événement ;
• Des étudiants qui se trouvaient dans l’enceinte de la Faculté le 15 juin 2012 ;
• Des riverains de l’Impasse le Hasard.
Le RNDDH confirme qu’en effet, le vendredi 15 juin 2012, vers onze heures trente minutes (11 : 30) du matin, au moins quatre (4) agents du contingent brésilien de la MINUSTAH se sont présentés à la barrière de la Faculté des Sciences Humaines (FASCH) et ont demandé le droit de l’investir. Le gardien qui était sur les lieux a stoppé le véhicule. Trois (3) agents en sont descendus et se sont entretenus en créole avec le gardien qui leur a expliqué qu’ils ne peuvent être admis dans l’enceinte de la Faculté avec leurs armes à la main.
N’ayant pas voulu laisser leurs armes dans la voiture, sur insistance du gardien, ils ont dû rebrousser chemin.
Il était aux environs de trois (3) heures de l’après-midi lorsque le même contingent, renforcé par environ dix (10) autres agents brésiliens, s’est présenté une seconde fois à la barrière de la Faculté, demandant d’y entrer. Cependant, contrairement à leur première tentative, ils ont laissé leur véhicule à mi-chemin et sont montés à pied, munis d’armes à feu et d’armes sublétales. Les conditions d’accès leur ayant été rappelées par le gardien, ils ont rebroussé chemin pour la seconde fois. Toutefois, avant de partir, ils ont tiré deux (2) balles en caoutchouc en direction de la Faculté. L’une des balles a atteint une ampoule au néon placée dans la salle 13 du Hangar B de la Faculté (salle HB 13). Les étudiants qui étaient dans la salle se sont enfuis dans la panique, désaxant la porte de la salle susmentionnée.
Pour une troisième fois, vers cinq (5) heures de l’après-midi, des agents de la MINUSTAH, estimés à plus de vingt-cinq (25), ont encore tenté de s’introduire dans l’enceinte de la Faculté. Ils se sont présentés à la barrière, lourdement armés, avec leur bouclier en visière. Ils ont bouclé l’Impasse le Hasard, portant le gardien à enchainer la barrière de la Faculté de peur qu’ils n’assiègent le bâtiment et n’attaquent les étudiants. Des enseignants ainsi que des étudiants qui étaient sur les lieux ont dû abandonner les salles de classe et se réfugier à l’arrière-cour du bâtiment. Des examens en cours ont été renvoyés. Des riverains, dont une traiteuse qui prépare dans la zone des plats cuisinés, ont été obligés de quitter les environs de la Faculté, par peur d’être victimes si la situation devait se dégrader. D’autres se sont cachés.
Parallèlement, dans une tentative désespérée de défendre ces agents, la porte-parole de la MINUSTAH a accordé une interview à la presse, infirmant une partie des faits. Elle a fait savoir que les agents ne se sont présentés à la porte de la Faculté qu’une seule fois et qu’ils recherchaient un camp dont les réfugiés seraient attaqués par des jets de pierre et de tessons de bouteille.
Le RNDDH note qu’il n’a remarqué aucun camp d’hébergement aux environs ou à proximité de la zone de la Faculté, elle-même située au faîte d’un monticule, fermant l’Impasse le Hasard.
Le RNDDH souligne qu’en raison de la vitesse avec laquelle les agents conduisaient leur véhicule lorsqu’ils se sont introduits dans l’Impasse Le Hasard la première fois, ils ont donné aux riverains l’impression de s’être perdus. En ce sens, le RNDDH estime qu’il est déjà inconcevable que des agents de la MINUSTAH, militaires de formation, se soient égarés. Mais, lors même c’aurait été le cas, il est incompréhensible qu’ils se soient présentés à la barrière de la Faculté deux (2) fois de plus, exigeant
que l’accès leur soit accordé.
Le RNDDH rappelle qu’au cours de ces quatre (4) dernières années, des agents de la MINUSTAH ont violé l’espace universitaire à maintes reprises, s’introduisant de force dansles Facultés, brutalisant des étudiants et procédant même à des arrestations. De plus, le RNDDH déplore que des agents de la MINUSTAH soient impliqués dans toutes sortes d’exactions dont des viols, des vols, des assassinats, des cas de pédophilie, de bastonnade, d’intimidation, etc.
En ce sens, le RNDDH souligne à l’attention des agents de la MINUSTAH qu’ils sont tenus, conformément à l’Accord entre l’Organisation des Nations Unies et le Gouvernement Haïtien concernant le Statut de l’Opération des Nations Unies en Haïti, signé le 9 juillet 2004, de se soumettre aux Législations en vigueur dans le pays. Conséquemment, ils doivent respecter les lieux dits inviolables dont les espaces d’enseignement car, c’est justement pour éviter des intrusions et des tentatives d’intrusions de ce genre par des forces répressives, que les espaces d’enseignement restent et demeurent libres, selon la Constitution de 1987 qui, en son article 24, dispose qu’«Hormis les cas de flagrant délit, l’enceinte des établissements d’enseignement est inviolable. Aucune force de l’ordre ne peut y pénétrer qu’en accord avec la direction desdits établissements.»
Aujourd’hui plus que jamais, en tentant d’intimider la population estudiantine, les agents de la MINUSTAH alimentent chez les citoyens en général et les étudiants en particulier, un sentiment de peur bien fondé. C’est pourquoi le RNDDH désapprouve le fait que, trop souvent, des responsables de la MINUSTAH, dans une volonté manifeste de défendre à tout prix les agents, nient leur implication dans les actes répréhensibles qui leur sont reprochés.
Fort de tout ce qui précède, le RNDDH enjoint les autorités haïtiennes et les autorités de la MINUSTAH à diligenter une enquête afin de punir les agents impliqués dans l’incident malheureux survenu à la Faculté des Sciences Humaines (FASCH) le 15 juin 2012, de prévenir des incidents similaires et de contraindre une fois pour toutes, tous les agents de la MINUSTAH à se soumettre à la Loi, à la morale publique et aux conventions protectrices des droits des citoyens. C’est à ce prix qu’ils parviendront à faire honneur à l’institution onusienne prestigieuse à laquelle ils appartiennent.
Port-au-Prince, le 20 juin 2012.
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