Nous, organisations signataires de cette note, saluons la tenue de la réunion conjointe entre les présidents Joseph Michel Martelly et Leonel Fernandez. Nous estimons que la réactivation de la Commission Mixte Bilatérale doit laisser le stade de promesses pour se traduire en actes tout en priorisant les droits des citoyens-citoyennes des deux pays et pas seulement les intérêts des élites économiques et du grand capital.
Nous continuons à nous interroger sur ce retard observé dans l’établissement de la Commission Mixte Bilatérale. Nous savons qu’il existe une direction technique en République Dominicaine mais nous ignorons s’il en est de même pour la contrepartie haïtienne. Nous ne savons pas non plus en quoi consistent les avancées et les résultats ou encore les actions concrètes au sujet desquels la commission pourrait informer les sociétés des deux pays.
La Commission Mixte Bilatérale, étant un organisme créé pour travailler des thèmes prioritaires entre Haïti et la République Dominicaine, a besoin d’être renforcée à partir de plusieurs aspects-clé :
1- La Commission doit fonctionner dans la transparence, en établissant des mécanismes de reddition de comptes dans le cadre des transferts et de l’exécution des ressources du Fonds Bolivarien de Solidarité avec Haïti.
2- La question des relations haïtiano-dominicaines n’est pas uniquement celle des deux présidents, et pour cela la Commission requiert un secrétariat avec un siège stable, un personnel technique et la participation permanente de la société civile des deux pays.
3- L’agenda bilatéral de la Commission doit inclure une stratégie pour la gestion des flux migratoires sur l’île, en considérant les éléments suivants : 1) admettre un recours judiciaire obligatoire lors des déportations 2) assurer un processus transparent, rapide, effectif et accessible de la documentation en vue de la régularisation migratoire ordinaire et 3) mettre en marche un Programme Spécial de Régularisation de migrants-es reconnaissant les droits acquis, en particulier ceux des travailleurs/euses, étudiants/es en conformité avec l’article 151 de la Loi migratoire 285-04.
4- L’établissement d’un programme intégral de protection de l’environnement qui va au-delà de la simple distribution de fours à gaz et qui aborde de manière globale la complexité des défis dans la gestion des ressources naturelles de l’île. Par exemple, le trafic de charbon de bois entre les deux pays, n’obéit pas seulement à des pratiques traditionnelles en Haïti, mais aussi révèle les intérêts de commerçants dominicains, auteurs directs de la déforestation du coté dominicain de la frontière.
5- La Commission doit amener à la frontière dominico-haïtienne une structure civile pour promouvoir l’institutionnalisation, les bonnes relations et le respect des droits humains dans une région ou ont été documentées des violations systématiques, depuis la traversée incontrôlée des personnes, en passant par les pots-de-vin pour tolérer la contrebande de marchandises d’un pays à l’autre, jusqu’à la traite et au trafic de migrants, pratiques permises et stimulées par les mafias civiles et militaires des deux pays.
Nous nourrissons l’espoir que ces thèmes seront abordés avec un engagement authentique au niveau de la Commission Mixte Bilatérale et le respect des accords signés. Pour cela, nous demandons que soient prises en compte les voix de la société civile, active des deux côtés de la frontière, et comptant une expérience qui pourrait être utile aux membres de la Commission ; notamment sur les thèmes de la régularisation migratoire, les processus de rapatriement et d’échanges commerciaux institutionnels justes au bénéfice des populations frontalières.
Les organisations signataires de ce communiqué:
El Centro Bonó / RD
Servicio Jesuita a Migrantes, / RD
Centro de Formación y Acción Social y Agraria (CEFASA) /RD
Groupe d’Appui aux Rapatriés et Refugiés (GARR) – Haïti