La Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif a tenu une conférence de presse ce mardi 31 janvier 2012 pour saluer la convocation du Parlement haïtien en Assemblée nationale afin de ratifier des conventions et accords internationaux signés par l’Etat haïtien ces dernières années. Ces accords qui provoquent souvent des changements structurels profonds dans le mode de fonctionnement de notre société (principalement en matière politique, économique et sociale) méritent d’être analysés et débattus avec minutie dans le but d’éviter de funestes conséquences comme c’était le cas de la signature en 1983, sous la dictature des Duvalier, des accords standby du Fonds Monétaire International (FMI) qui préconisent la libéralisation de l’économie et qui sont responsables, en majeure partie, de la situation de paupérisation, de dépendance et de la déstructuration de l’Etat que connaît actuelle du pays , a expliqué Camille Chalmers, Directeur exécutif de la PAPDA.
La plupart de ces accords, souligne Monsieur Chalmers, sont signés dans des périodes d’instabilité politique chronique en dehors des priorités nationales ; en l’absence totale de planification stratégique du développement du pays par des responsables des gouvernements ; sans une analyse des avantages et inconvénients ; dans des conditions très néfastes pour l’économie du pays. Selon le responsable de la PAPDA, il est une nécessité urgente de procéder à un bilan des différentes conventions signées depuis les années 1980 afin de déterminer la modalité d’insertion du pays dans l’économie mondiale et réfléchir sur la portée de ces accords en rapport avec la stratégie de développement nationale et de planification de long terme du pays, a préconisé M. Chalmers.
Le Directeur Exécutif de la PAPDA salue l’introduction du Pacte Internationale Relatif aux Droits Economique, Sociaux et Culturel (PIDESC) dans l’agenda cette Assemblée nationale. Cependant, il lance une mise en garde contre la ratification de certains autres accords tel que l’Accord de Partenariat Economique(APE) qui constitue un danger imminent pour le renforcement et le développement de la production nationale et l’accès des populations aux services publics de base. Selon lui, les APE ne font qu’enfoncer davantage le pays dans la voie de la dépendance notamment dans le secteur alimentaire quand on sait qu’ils exigent une libéralisation de l’ordre de 82% de tous les secteurs productifs du pays et une libéralisation à outrance du secteur des services. Nos producteurs agricoles seront obligés de rentrer en compétition directe avec les agriculteurs de l’Union Européenne ayant toutes les dernières technologies à leur portée et des subventions croissantes de la part de leurs gouvernements. La ratification des APE représenterait tout simplement les funérailles de la production nationale et un mécanisme d’accroissement de la pauvreté, a martelé Camille Chalmers.
L’Economiste conseille à l’Etat haïtien de donner la priorité aux conventions internationales qui contribueraient à la consolidation de nos valeurs et des exigences de l’heure comme la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles qui offrirait au Gouvernement haïtien la possibilité de négocier la situation de nos compatriotes qui travaillent dans des conditions difficiles aux Etats-Unis, au Canada et en République Dominicaine. A noter que les Nations unies estiment que 86% des cadres haïtiens travaillent à l’étranger, notamment dans ces trois pays précités.
D’autres accords comme la convention de Ramsar (1971) qui protège les zones humides, la Convention sur la diversité biologique (1992), la Convention pour la répression de la traite des Etres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui (2 décembre 1949), la convention des Nations-Unies contre la corruption (2003), la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification entre autres devraient être signées et ratifiées par les autorités haïtiennes, ajoute-t-il.
M. Chalmers recommande à l’Etat haïtien de protéger les industries naissantes du pays victimes des compétitions déloyales liées à la mondialisation et de travailler à une augmentation sélective des tarifs douaniers en prenant en compte certaines des exigences de la CARICOM. Il prend en exemple la filière du lait qui est un secteur d’activité qu’on peut même arriver à atteindre l’autosuffisance sans grands efforts d’investissement avec les 400.000 vaches que comptent le pays. A rappeler que la protection des industries naissantes d’un pays est un droit que reconnaît l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Le Professeur a fait savoir que le pays n’exploite nullement la position de Pays Moins Avancé (PMA) qui offre des avantages dans les négociations avec les partenaires internationaux, même si ce statut n’a rien de réjouissant pour un pays.
Haïti représente 50% de la population des pays de la CARICOM et compte tenu de nos faiblesses dans l’enseignement supérieur, l’Etat haïtien de concert avec l’Université d’Etat d’Haïti pourrait exiger la mise en place d’un campus des universités West Indies dans le pays ; un exemple en plus des différentes possibilités que le pays n’exploite pas, a dit M. Chalmers.
Dans cette même lancée, il salue la participation du Gouvernement haïtien au dernier sommet des pays d’Afrique. Selon lui, la coopération Sud-Sud est la solution idéale pour parvenir à insérer le pays dans l’économie mondiale. Il prône une nouvelle alliance avec les pays du sud et suggère aux autorités haïtiennes d’intégrer rapidement l’Alliance bolivarienne pour l’Amérique (ALBA) afin d’en tirer le maximum de profit, on ne peut plus stratégique, accordé par cette instance de coopération internationale.