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Crise environnementale/ Négociation sur changement climatique – Position des mouvements sociaux haïtiens

Du 28 novembre au 9 décembre, le gouvernement haïtien sera présent à Duban, Afrique du Sud, pour participer à un colloque sur le changement climatique. Les mouvements sociaux habitués au comportement des autorités locales face aux questions climatiques et environnementales se questionnent perplexes sur l’opportunité de la présence haïtienne à Duban. Le gouvernement d’Haïti saura-t-elle défendre une position sur la problématique du réchauffement climatique ?


Quelle pourrait être, cette position ?

L’année dernière, à Cancun, Mexique, le ministre haïtien de l’environnement n’avait même pas une feuille de route sur la question. Le nouveau Premier ministre, ratifié par le parlement, le 15 octobre dernier, a fait circuler le document de sa déclaration de politique générale de 87 pages. Celle-ci est muette sur la problématique du rechauffement climatique qui pourtant divise profondément les blocs de pays. Fort de ce constat, on se demande, perplexe, en quoi consistera le voyage des officiels haïtiens en Afrique du Sud, du 28 novembre au 9 décembre 2011.

En attendant, le Programme Souveraineté Alimentaire de la Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (PAPDA) a souhaité rendre public l’état d’avancement des dernières discussions sur la question et interpeller du même coup les autorités nationales à prendre une position claire et ferme.

La conférence des chefs d’Etats sur le changement climatique qui s’est tenue du 2 au 10 décembre 2010 à Cancun, Mexique, a offert un véritable spectacle de polarisation autour d’une question centrale pour la survie de la planète. Une observation attentive a permis de distinguer quatre positions :

1- Les pays industrialisés s’accrochant au REDD (Réduction des Émissions de Dégradation et de Déforestation) refusent d’aller plus loin que le protocole de Kyoto et Copenhague;

2- Des pays comme le Mexique, la République Dominicaine et d’autres se montrant prêts à faire un petit effort de plus à condition que les pays industrialisés s’engagent plus fermement à fournir plus d’argent et à le faire réellement sans contrainte;

3- D’autres Etats qui n’ont aucune position. C’est le cas d’Haïti, représenté par son ex-ministre de l’environnement;

4- Des pays comme la Bolivie, le Venezuela ou l’Equateur qui sont contre le REDD et qui proposent comme alternative la position adoptée lors du sommet des Peuples de Cochabamba.

Mais en réalité, deux grands pôles ont dominé la conférence : le premier, emmené par le président mexicain, Felipe Carderon, défend les politiques capitalistes sauvages qui refusent de mettre fin à l’exploitation abusive des ressources naturelles sur la planète. L’autre, avec pour chef de file le président bolivien, Evo Morales, engagé corps et âme dans la défense de la terre-mère comme patrimoine de l’humanité.

Cette conférence de Chefs d’Etats a montré comment les pays développés, historiquement responsables de la plus grande partie des émissions de gaz à effet de serre, continuent à inventer toutes sortes d’artifices pour éviter d’avoir à réduire leurs propres émissions, payant en contrepartie une pitance pour que les pays en développement réduisent leurs émissions. Le mécanisme pour un développement propre établi par le protocole de Kyoto permet aux pays industrialisés de continuer à polluer et à consommer comme toujours. Ce qui fait dire à l’organisation Via Campesina que les négociations sur le climat ressemblent de plus en plus à de vastes marchés.

En effet, Via Compesina a figuré parmi plusieurs centaines d’organisations, d’ONG, d’intellectuels et de mouvements sociaux du monde entier rassemblés à Cancun en la même circonstance. La partie haïtienne était représentée par la PAPDA, TètKole ti Peyizan, MPP, MPNKP, CROSE et ActionAid qui, en accord avec les autres, ont réalisé un forum parallèle baptisé pour la vie et la justice climatique et environnementale. Ils voulaient dégager une compréhension commune de la réalité de la crise climatique, et identifier un moyen d’influencer les décisions que s’apprêtaient à prendre les Chefs d’Etats.

Notre forum parallèle n’a pas été insensible à la conférence des chefs d’Etats. Il s’est clairement positionné en faveur de la proposition de Cochabamba qui fait de la terre un patrimoine qui doit être protégé en toute circonstance. Aussi entendaient-ils également élaborer des propositions en vue de porter les gouvernements à établir un accord cohérent, vérifiable et juste ainsi que des sanctions contre les pays contrevenants.

De l’avis des tenants du forum parallèle, les accords devraient s’attaquer aux causes profondes, structurelles de la crise climatique et environnementale dont la base se trouve dans le modèle de production et de consommation capitaliste qui se contente de piller les ressources d’où qu’elles se localisent en vue de faire des profits, sans aucun respect pour la vie et l’équilibre écologique. Personne aujourd’hui ne peut nier que le monde souffre du changement climatique, lequel aggrave la crise de la pauvreté ainsi que la migration. La sécheresse, les terribles inondations causées par les fortes intempéries, la pollution des eaux, l’érosion et la dégradation des sols et tant d’autres calamités tout aussi terribles sont à mettre à l’actif de ce même modèle de consommation.

Aujourd’hui, l’Europe, les Etats-Unis et le Canada ne veulent pas aller plus loin, c’est-à-dire dépasser le protocole de Copenhague. Ils sont cloués sur la (REDD) Réduction des Emissions résultant du processus de Déboisement et de la Dégradation des forêts dans les pays en développement. Le forum des mouvements rejette cette proposition qui anime la négociation. Protéger les forêts et reconstruire les forêts dégradées est une obligation de tous les gouvernements sans pour autant limiter l’autonomie, les droits et le contrôle des peuples autochtones et des paysans sur leurs terres et leurs territoires et sans que cela serve d’excuse pour que d’autres pays et entreprises puissent continuer à polluer et à propager leurs monocultures. C’est pourquoi, les droits territoriaux et culturels des peuples autochtones et des paysans devraient explicitement être reconnus dans tout accord sur le climat, défendent les participants au forum pour la vie, pour la justice globale et sociale.

On ne saurait donc assez insister sur la responsabilité historique des pays du Nord dans la dégradation socioéconomique et environnementale des pays du Sud comme Haïti qui est en train de subir les conséquences aujourd’hui avec les multiples inondations, cyclones et tremblement de terre presque de manière systématique.

Selon l’OIM, (Organisation Internationale pour les Migrations) 50 millions de personnes de ces 200 millions humains migrants ont été obligées d’abandonner leurs communautés au motif des changements climatiques. Dans ce phénomène se trouvent plus de deux millions d’Haïtiens dont la grande majorité est en train de subir de manière systématique des actions de xénophobie, d’humiliation, de privation de droits et de liberté surtout dans les pays caribéens et en Amérique du Nord.

La situationd’Haïti

Haïti représente un cas particulier, tenant compte de son appauvrissement dû aux modes d’exploitations des ressources, à la position géographique et qui en fait un pays vulnérable par le passage systématique des cyclones et le tremblement de terre. C’est un pays affaibli, soumis à un processus d’extraction de richesses depuis la colonisation, passant par les occupations étrangères en particulier celles de 1915 et plus récemment les politiques néolibérales appliquées par nos dirigeants malhonnêtes, antinationaux et corrompus.

60 % de la population haïtienne se situent en-dessous de 36 ans. Cela veut dire que ce sont des jeunes qui ont vécu dans le pays les terribles inondations, les cyclones et les phénomènes naturels. Du 28 novembre au 9 décembre 2011, le gouvernement haïtien sera présent à Duban, Afrique du Sud, pour participer à un nouveau colloque sur le changement climatique. C’est le moment d’être attentif au comportement que les autorités haïtiennes adopteront face à cette question.

Car, tout porte à croire que face au panorama local, l’Etat haïtien n’a aucun plan de redressement de la situation selon la présentation du Ministre de l’environnement dans la conférence des chefs d’Etats. L’ex-ministre haïtien, dans son allocution officielle, a rabaissé Haïti à une province de la République Dominicaine. Le nouveau Premier ministre ratifié par le parlement, le 15 octobre dernier, a fait circuler le document de sa déclaration de politique générale de 87 pages. Celle-ci reste muette sur la problématique du réchauffement climatique qui pourtant divise profondément les blocs de pays. Cela veut dire que la pollution de la mer caribéenne à partir de notre système de gestion des déchets, les mornes haïtiens dégradés et dénudés, les villes entassées de gens et de plastiques, le bois encore comme la principale source énergétique, le problème foncier comme handicap à toute initiative de relance de la régénération de l’environnement physique du pays, l’éducation des haïtiens en matière de gestion environnementale ne sont pas des défis majeurs pour le pays si l’on base sur ce qui a été publié jusqu’ici. Alors que ce sont justement ces problèmes qui devraient être considérés comme des éléments de base pour monter un plan stratégique national et qui sans doute argumenterait le choix politique du gouvernement pour le pays dans toute négociation avec la communauté internationale.

Fort de ce constant, on se demande, perplexe, en quoi consistera le voyage des officiels haïtiens en Afrique du Sud, du 28 novembre au 9 décembre 2011. Le gouvernement d’Haïti défendra-t-elle une position sur la problématique du réchauffement climatique ? Il faut donc croire que nous allons continuer à assister que la télévision nationale sert de moyen de promotion pour le riz Tchaco et autres produits importés pendant qu’un patriote haïtien tire à la rue, devant le palais national,devant les ambassades, les écoles, la bouteille plastique du Busta qu’il vient de boire. Nos autorités vont-ils continuer à faire leur purée avec des fonds décaissés pour le redressement des bassins versants ? Il est nécessaire que ce pays s’engage à mettre en place des politiques fermes afin de résoudre ses problèmes environnementaux. D’ailleurs, tous les pays ont besoin de prendre des engagements clairs et contraignants pour réduire les émissions de gaz et changer radicalement leurs modes de production et de consommation.

Les résolutions adoptées

Justement, dans cette même veine, les organisations, ONG et autres entités présentes n’entendaient pas faire du climat une affaire de négoce. Elles cherchent à changer le système comme la seule forme capable de dépasser la crise climatique et d’assurer la survie de l’espèce et des générations à venir. Aussi ont-elles adopté les résolutions suivantes :

1. Nous exigeons des gouvernements qu’ils cessent de tergiverser et qu’ils prennent des résolutions pour réduire obligatoirement les émissions de gaz à effet de serre à 50% en vue de stabiliser le réchauffement global de la température.

2. Le niveau nécessaire de réduction d’émissions ne peut se faire sans une transition juste vers un changement profond du modèle de production et de consommation, qui inclut un changement de matrice énergétique vers des énergies propres, qui n’occupent ni les territoires indigènes ni les territoires indispensables à l’agriculture, la sécurité et la souveraineté alimentaire. La transition doit aussi être juste envers les travailleurs et ne pas détruire les emplois mais créer plus d’emplois décents et une politique publique visant la réinsertion des travailleurs de leurs anciens emplois vers un nouveau type d’emploi décent aujourd’hui nécessaire.

3. Nous exigeons de la justice climatique. Ceux qui ont causé le plus de tort à la Mère Terre doivent réduire plus leurs émissions, réparer les dommages et transférer des appuis financiers et technologiques aux pays du Sud, en vue de faire face aux problèmes. Les appuis financiers et technologiques ne doivent pas consister en des prêts mais des réparations et de la reconnaissance de la dette environnementale. […] Ces ressources ne doivent pas être gérées par la Banque Mondiale ni aucune institution financière internationales ou banque privée fonctionnant selon le modèle néolibéral et prédateur.

4. La crise climatique non seulement a des causes claires, mais également des responsables évidents : les pays hautement industrialisés et leurs entreprises transnationales. Personne ne doit fuir ses responsabilités mais tous doivent ratifier le principe de la Convention « nous sommes tous responsables, mais les dites responsabilités sont différenciées ».

5. Nous nous opposons aux fausses solutions : Marchés de carbone et de biodiversité, agro-combustibles, captation et stockage de carbone et de bio charbon. Nous nous opposons à la marchandisation de la vie, la solution doit être d’affronter les causes systémiques des formes de produire et de consommer.

6. On doit reboiser les forets par des plantes natives, en ayant recours aux pratiques ancestrales des peuples indigènes et des communautés paysannes et des femmes, éviter la déforestation et la dégradation des sols, générée par la même exploitation des bosquets et l’extraction des ressources naturelles des forets […]

7. Nous assistons avec une profonde indignation aux tactiques des pays industrialisés qui prétendent mettre fin au protocole de Kyoto et la convention et qui utilisent les promesses de financement pour diluer des volontés, diviser des groupes comme le G-77+ la Chine et isoler la Bolivie et les pays de l’ALBA, les rendant coupables de l’échec de la COP16. Les vrais coupables de cet échec sont les pays qui continuent de promouvoir de fausses solutions.
[…]

9. Nous exigeons des solutions réelles autres que le libre marché, mais qui responsabilisent les gouvernements.

10.Défendre la survie de notre Mère Terre et de la vie qu’elle contient, implique de diminuer drastiquement les émissions en adoptant des compromis et en créant un tribunal capable de sanctionner les coupables. Ceci, à partir de la perspective de Justice Climatique implique des responsabilités différenciées, des fonds d’appui public national et étranger (non pas de crédit) qui ne soient pas gérés par la banque mondiale.

* Transiter justement vers un nouveau modèle de production et de consommation non développementiste,

* Limites croissantes de toutes les formes de déprédation de la nature,

* Transition vers une nouvelle matrice énergétique,

* Privilégier les marchés locaux qui évitent une grande émission de gaz à effet de serre […]

* Toutes les vraies solutions incluent le plein respect de tous les droits civiles, politiques, économiques, sociaux, environnementaux, culturels des peuples indigènes et des femmes qui jouent un rôle central dans la préservation de notre patrimoine commun.

Agr. Franck Saint Jean

Directeur Programme Souveraineté Alimentaire de la PAPDA

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