Note de presse, 13 juillet 2010
Le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR) a pris l’initiative d’une journée de réflexion, le 12 juillet 2010, sur la situation des droits humains des déplacés-es haïtiens, 6 mois après le séisme. A travers les interventions produites, les témoignages rendus ainsi que les travaux en atelier réalisés, un constat s’impose : les droits humains des familles déplacées se présentent à la fois comme un défi et un combat.
Le premier intervenant du jour, le juriste Patrick Camille, responsable de la section Droits Humains et Migration au GARR, a rappelé à l’assistance, les instruments juridiques internationaux qui gouvernent la problématique des déplacés. Il a cité la Charte humanitaire et les Principes directeurs qui précisent de nombreux droits à garantir aux personnes déplacées. Le juriste a relevé des manquements à ces droits dans divers camps de déplacés observés par le GARR. Le droit à un logement décent et sécuritaire, à l’alimentation et à un environnement sain sont pratiquement ignorés par les autorités haïtiennes.
Autre sujet abordé au cours de cette journée de réflexion dans les jardins du GARR : la situation des femmes dans les camps. L’intervenante Anite Marseille, responsable des interventions psycho-sociales au GARR, a souligné les menaces et risques divers auxquels sont exposés les Haïtiennes : insécurité, atteinte à leur intégrité physique, viols, peur constante doublée d’un sentiment d’humiliation de ne pouvoir dénoncer leurs agresseurs qui vivent à proximité de leur habitation de fortune.
A travers l’exposé du Père Wismith Lazard, représentant de Solidarite Frontalière, un organisme du Service Jésuite aux Migrants(SJRM) basé à la frontière du Nord-Est, l’assistance a pu s’informer du vécu des déplacés installés dans ce département frontalier. Soulignons que les intervenants dominicains attendus à cette journée de réflexion, ont été empêchés.
Autre exposé marquant de cette journée, celui de Magguy Mathurin, directrice du GHRAP (Groupe Haitien de Recherche et d’Action Pedagogique), une organisation membre de la Plateforme Nationale de Securite Alimentaire (PNSA) et qui a initié un ensemble de réflexions sur diverses problématiques touchant le vécu des personnes déplacées tant a la capitale que dans les provinces après le séisme. Mme Mathurin a évoqué la situation trop souvent oubliée de nombreuses familles paysannes qui ont accueilli des centaines de milliers de déplacés-es partis vers la province au lendemain du séisme (600 000 selon les chiffres officiels). La coordonnatrice de la PNSA a souligné également la situation de sous-alimentation d’un groupe important de déplacés-es : «56 à 60% des familles haïtiennes sous les tentes ne peuvent pas se nourrir» a-t-elle indiqué.
Avec l’intervention de Me Beaubrun St Pierre, chargé d’assistance légale au GARR, les participants-es ont réalisé combien la question de l’Etat Civil haïtien s’est compliquée après le séisme. L’avocat a rappelé le nombre élevé de décès enregistrés, soit 300 000. Dans cet ordre d’idées, il a déploré le fait que, 6 mois après le séisme, aucune campagne systématique d’information sur l’importance de l’acte de décès et les procédures à suivre pour son obtention, n’ait été initiée. Plusieurs familles de déplacés-es ont besoin de ce document d’Etat Civil dans l’accomplissement de différentes démarches comme celle de récupérer les avoirs de leurs proches disparus.
Les témoignages qui ont suivi les exposés dans le cadre de cette journée de réflexion, ont été produits par des personnes déplacées installées dans les camps Kid, Vallée de Bourdon, Tabarre Issa et Corail. D’autres déplacés en provenance du village de rapatriés de Fond Bayard, non loin du portail frontalier de Malpasse, ont été également entendus. Précarité du logement, insécurité alimentaire, environnement malsain, absence des autorités nationales, tels sont les principaux défis auxquels font face la plupart des déplacés-es, selon les témoignages. En outre, un déplacé installé au camp de Tabarre Issa, a dénoncé des cas d’agression sexuelle qui auraient été commis par des agents de la MINUSTAH postés aux abords du camp.
Cette journée de réflexion réalisée à 6 mois du séisme du 12 janvier, a été ponctuée par trois ateliers de travail sur les défis, priorités et perspectives des six prochains mois avec les participants-es. Un riche débat a suivi l’ensemble des exposés, témoignages et ateliers de travail au cours desquels sont intervenus des représentants de l’Office National d’Identification (ONI) et l’ex-ambassadeur d’Haïti en République Dominicaine, Guy Alexandre.
Plusieurs recommandations ont surgi de ces échanges, notamment la nécessité de travailler pour un consensus politique entre les différents acteurs et l’émergence d’un leadership politique capable de mobiliser les énergies de la nation en vue de faire face aux principaux défis de l’heure: Logement, Emploi, Alimentation, Education, Santé, Sécurité sociale en faveur des personnes déplacées les plus vulnérables. Les participants et participantes ont critiqué le rôle actuellement joué par la communauté internationale qui ne contribue guère au renforcement de l’Etat ni au dialogue inter-haïtien. Ils ont invité les pays et gouvernements intéressés à l’avenir d’Haïti à appuyer tout effort de dialogue entre les Haïtiens plutôt qu’à travailler à plus de division au sein de la société. A l’issue de la rencontre, des membres de l’assemblée ont réclamé une formation en secourisme dirigée vers les jeunes, dans l’éventualité de nouveaux cataclysmes.
Un document synthétisant toutes les propositions issues de cette journée sera rédigé et acheminé à l’opinion publique haïtienne, aux autorités nationales et à la communauté internationale.
Les participants-es ont insisté sur la nécessité pour les citoyens-citoyennes et les organisations de la société civile, de rompre avec une attitude d’attentisme ; mais d’instaurer plutôt la vigilance et de lutter jusqu’à la prise en compte des recommandations formulées. En ce sens, la mise en place d’un comité de suivi a été convenue et une réunion y relative est prévue dans les huit prochains jours. (Fin de texte)
Lisane andré
Responsable de la Section Communication & Plaidoyer GARR