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Crise alimentaire et les défis de la relance agricole en Haïti : Quelles réponses aujourd’hui ?

Au début du mois d’Avril 2008, des manifestations de rue ont éclaté dans plusieurs villes d’Haïti, comme expression du ras-le-bol de la population contre l’incapacité du Gouvernement à apprécier la situation de famine aigue dans laquelle se trouvent des couches de plus en plus larges de la population et à y apporter une réponse urgente, structurelle et coordonnée. Les manifestations ont surtout été suivies et orchestrées par des groupes vulnérables de la société et ceux dont la situation de pauvreté était la plus criante. Un fort pourcentage de jeunes et de femmes originaires des quartiers défavorisés de plusieurs villes y ont en effet participé et ont fustigé l’indifférence dans laquelle l’Etat assistait à l’extension de la famine et de la pauvreté extrême dans le pays. Ces manifestations ont été dans un premier temps interprétées par le Premier Ministre d’alors, Jacques Edouard Alexis, comme étant une manipulation des dealers de drogue et des gangs désireux d’entretenir un climat d’insécurité. Il a fallu que ces manifestations s’intensifient pour que le Gouvernement réalise en fin de compte leur ampleur et leur importance. Pendant plusieurs jours, il est resté cependant comme tétanisé par les évènements, incapable d’apporter une réponse à l’étendue des manifestations.

Les manifestations enregistrées en Avril de cette année ont été l’expression de plusieurs revendications centrales du peuple non satisfaites : a) la dénonciation de l’échec des politiques néolibérales appliquées dans le pays depuis vingt ans et qui ont conduit à la décapitalisation de l’économie du pays, la perte de notre autonomie alimentaire, l’élargissement du fossé entre pauvres et riches au sein de la population, b) la dénonciation du Gouvernement Préval/Alexis, issu certes du vote populaire, mais qui s’est éloigné dès son installation des principales préoccupations du peuple et ne montre nullement la volonté d’apporter des solutions à ses problèmes quotidiens, c) un franc rejet de la présence de la MINUSTHA dans le pays et un appel à la reconquête de notre souveraineté. En ce sens, les manifestations d’Avril ont constitué la première expression d’une profonde désillusion populaire face à un gouvernement absent et n’exerçant aucun leadership sur les défis fondamentaux du pays.

LES FACTEURS AGGRAVANTS DE LA CRISE ALIMENTAIRE

Plusieurs facteurs conjoncturels sont venus s’ajouter aux facteurs structurels pour aiguiser, dans les pays pauvres, la crise alimentaire. Parmi les facteurs à l’origine de la crise alimentaire et de la flambée des prix des produits alimentaires enregistrés depuis le début de l’année 2008, il faut mentionner :

– la hausse vertigineuse du prix du pétrole sur le marché mondial
– l’augmentation de la demande de céréales en provenance de pays émergents
– l’interdiction des exportations de pays grands producteurs comme l’Indonésie afin de répondre à leur demande interne
– l’extension de la production d’agro-carburants à partir de céréales
– les graves dégâts causés par les cyclones Fay, Gustav, Hanna, Ike sur les plantations et infrastructures agricoles
– la spéculation croissante sur les stocks de céréales devenues plus attrayantes dans une conjoncture marquée par une crise du marché financier spéculatif sur le plan international.

Ces facteurs ont contribué à augmenter la vulnérabilité des pays pauvres en matière d’importations de produits alimentaires et dans le cas d’Haïti ils sont venus renforcer une tendance vers la hausse des prix locaux. En effet, déjà pour le mois d’Août 2007, la CNSA signalait une tendance à la hausse des prix des produits alimentaires, due à un retour de l’inflation après qu’elle ait été stabilisée autour de 9% (elle atteint entre Mars et Avril 2008, 12%). L’indice des prix pour les principaux produits alimentaires a augmenté entre 10 et 24% au cours de l’année 2007. D’autres facteurs internes tels que les catastrophes naturelles qui ont frappé le pays au cours de l’année 2007 et 2008 ou des facteurs plus structurels tels que l’implantation de zones franches industrielles (ZFI) sur des terres à vocation agricole, l’absence d’infrastructures routières pouvant permettre la circulation des produits venant des zones de production, l’absence de crédit et/ou de subventions disponibles pour le secteur agricole, la hausse des prix des intrants, un changement radical dans les habitudes alimentaires des populations, entre autres, ont contribué à aggraver la situation de crise alimentaire. Selon une estimation de la CNSA près de 2,500 000 personnes sont affectées actuellement par l’insécurité alimentaire et dans plusieurs communes du pays, la population développe des stratégies traditionnelles pour faire face à la crise en réduisant de manière drastique leur consommation de produits alimentaires.

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