La France doit cesser d’être un satellite des Etats Unis (un allié, comme disent certains leaders politiques de droite et de « gauche ») dans sa politique néocolonialiste et belliciste, menée sous le masque de la lutte pour la démocratie dans le monde, contre les dictatures et le terrorisme.
La France doit cesser d’être un satellite des Etats Unis (un allié, comme disent certains leaders politiques de droite et de « gauche ») dans sa politique néocolonialiste et belliciste, menée sous le masque de la lutte pour la démocratie dans le monde, contre les dictatures et le terrorisme.
Le refus de participer dans l’agression contre l’Irak, attitude remarquable en soi même, a été un acte isolé dans la politique étrangère de la France.
La France doit pratiquer, défendre et promouvoir sans détour le droit à l’autodétermination des peuples et des Etats, le respect par tous les Etats du droit international en vigueur, des droits de l’homme à l’échelle internationale et du droit humanitaire (Conventions de Genève), rejetant l’idée de son application « à la charte », selon le principe « deux poids deux mesures» et selon les intérêts particuliers des grandes puissances.
Par exemple, le Traité de non-Prolifération Nucléaire qu’interdit la fabrication des armes nucléaires mais que permet le développement de l’industrie nucléaire a des fins pacifiques doit être appliqué sans exception aux Etats possédant illicitement des armes nucléaires mais aussi pour rejeter la prétention de certains d’interdire à l’Iran le développement de son industrie nucléaire a des fins civils.
Et cela dans la perspective de l’élimination totale à l’échelle planétaire des armes nucléaires et du désarmement général et complet.
De manière générale, il faut dénoncer et rejeter fermement et sans complexe toutes les violations du droit international et des droits de l’homme sans céder au chantage idéologique de ceux qui essayent de légitimer les guerres d’agression et le néocolonialisme au nom de la démocratie et de la liberté.
Sur le plan européen il faut agir pour une Europe démocratique et sociale et finir avec la dictature de la Commission européenne, fidèle exécutant de la stratégie du pouvoir économique transnational.
La reforme en profondeur de l’ONU, avec l’objectif de sa démocratisation, en particulier du Conseil de Sécurité, doit être une priorité dans la politique internationale de la France.
Les contradictions entre le discours et la pratique ne sont pas étrangères à la Charte et à l’ONU. Le préambule et divers articles proclament une série de principes et de droits de portée universelle, alors que la partie reprenant les dispositions concernant le fonctionnement de l’organisation est la négation de tels principes et consacre la domination planétaire des Grandes Puissances sorties victorieuses de la Deuxième Guerre mondiale.
Le Conseil de sécurité
Parmi les organes de l’ONU, le Conseil de sécurité concentre l’essentiel des pouvoirs de l’institution, étant donné qu’il est en charge du maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, le but principal de l’ONU. En tant qu’organe « exécutif », les dérives et dysfonctionnements de cet organe affectent tout le système des Nations Unies, ternissant son image auprès de l’opinion publique. C’est pourquoi nous nous concentrerons sur le fonctionnement du Conseil de sécurité.
L’hégémonie des Grandes Puissances sorties victorieuses de la Deuxième Guerre mondiale se reflète dans le fonctionnement du Conseil de sécurité, organe pensé pour un monde bipolaire dans le contexte de la guerre froide.
Les Chapitres V, VI et VII de la Charte des Nations Unies traitent de la composition et des fonctions du Conseil de sécurité. Selon l’article 23 de la Charte, le Conseil comporte cinq membres permanents, la Chine, la France, l’Union soviétique, la Grande Bretagne et les Etats-Unis, et dix membres non permanents. Les membres permanents jouissent d’un droit de veto ou, pour être plus précis, chaque décision est soumise à la règle d’unanimité des cinq membres permanents, celle-ci étant nécessaire pour approuver les décisions de fond du Conseil (article 27.3 de la Charte) . L’article 25 consacre le caractère obligatoire pour tous les Etats des décisions adoptées par le Conseil de sécurité. Enfin les Chapitres VI et VII de la Charte établissent les mécanismes d’action du Conseil pour accomplir sa mission de «responsabilité principale de maintien de la paix et de la sécurité internationales »…comme précisé à l’article 24.
Ces dispositions, accordant un statut spécial et privilégié à cinq Etats membres, vont à l’encontre d’un principe fondamental qui figure aussi à l’article 2 de la Charte, à savoir l’égalité souveraine de tous les Etats membres des Nations Unies.
1. Le coup d’état au sein du Conseil de sécurité
L’éclatement de l’Union soviétique (URSS) à la fin de 1991 transforma le monde bipolaire, si l’on fait abstraction des pays non alignés, en un monde unipolaire. La désintégration de l’URSS rendit obsolète l’article 23.1 de la Charte où l’URSS figurait comme membre permanent du Conseil de sécurité et l’article 27.3 relatif au vote affirmatif (appelé droit de veto) des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. L’URSS disparue, le principe d’unanimité des cinq membres permanents devenait impossible à appliquer.
C’était le moment historique, politique et juridique d’en finir avec les accords de Yalta de 1945, qui partagèrent le monde entre cinq puissances, en particulier entre les USA et l’URSS, au détriment de la souveraineté et de l’autodétermination des autres Etats de la planète.
Mais cela n’a pas été fait. Par contre, le 24 décembre 1991, Boris Eltsine adressa une lettre au Secrétaire général de l’ONU, Pérez de Cuellar, pour lui dire que la Russie, avec l’appui de la Communauté des États indépendants (les pays anciens membres de l’Union soviétique), prenait la place de l’URSS, avec tous ses droits et obligations, au Conseil de sécurité et dans tous les autres organismes des Nations Unies.
Cela fut un véritable coup d’Etat au sein des Nations Unies. En acceptant que la Russie prenne la place de l’URSS, l’article 4 de la Charte relative à la procédure d’adhésion aux Nations Unies a été violé ainsi que la résolution de l’Assemblée générale de 1947 (A/C.1/212 du 11/10/47) interdisant d’appliquer le principe de la succession d’Etats à la condition de membre de l’ONU. La procédure correcte a été employée dans d’autres cas semblables. Par exemple, après la désintégration de la République fédérative de Yougoslavie et la division de la Tchécoslovaquie, les Etats successeurs ont demandé leur admission à l’ONU et ont été admis par l’Assemblée générale. Par contre, la Russie a pris de fait la place de l’URSS à l’ONU et, qui plus est, au Conseil de sécurité avec tous les droits et privilèges de membre permanent, sans avis, ni consultation ni résolution de l’Assemblée générale ou du Conseil de sécurité. Le seul document existant servant de base à la présence de la Fédération de Russie au Conseil de sécurité est la lettre de B. Eltsine du 24 décembre 1991 adressée au Secrétaire général de l’ONU.
2. Le glissement du Conseil de sécurité vers l’illégalitéEn décembre 1991, les Grandes Puissances occidentales, menées par les Etats-Unis, considérèrent qu’avec le coup d’Etat au sein du Conseil de sécurité, elles avaient les mains libres pour mettre entièrement à leur service le Conseil et violer le droit international en son nom, pour créer de nouvelles institutions, changer celles qui existaient déjà et modifier de manière régressive les normes internationales en fonction de leurs intérêts.
A partir de ce moment, on peut considérer que les résolutions du Conseil de sécurité adoptées dans le cadre de l’article 27.3 de la Charte manquent de légitimité. L’objet de ces résolutions est aussi par conséquent marqué de cette illégitimité.
De plus, le Conseil a adopté nombre de ses résolutions dans le cadre du Chapitre VII de la Charte (menaces contre la paix) en utilisant de façon arbitraire ce qualificatif pour déborder des attributions conférées par la Charte dans ce domaine spécifique (« les pouvoirs spécifiques accordés au Conseil… » précise l’article 24.2).
Il s’agit par exemple de la création (en invoquant abusivement le Chapitre VII de la Charte) des tribunaux « ad hoc » pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda. Il est pourtant certain que la création de tribunaux internationaux n’entre pas dans les attributions du Conseil de sécurité.
La résolution 687 (voté par la France) , adoptée en avril 1991 à la fin de la guerre du Golfe, permit au Conseil de sécurité de s’attribuer des fonctions de justicier international, en débordant sur-le-champ de compétence de la Cour internationale de justice, organe judiciaire des Nations Unies. En effet, par cette résolution, le Conseil de sécurité condamna l’Irak à payer des indemnisations, en fixant les montants et les conditions.
Il y a eu par la suite une véritable avalanche de résolutions du Conseil de sécurité, illégitimes, arbitraires et contraires au droit international, avec pour conséquence la configuration d’un gouvernement mondial de fait qui cumule les fonctions normatives, exécutives et judiciaires comme n’importe quelle dictature du Tiers Monde – à juste titre – stigmatisée.
Voici les résolutions du Conseil de sécurité les plus récentes comportant ces caractéristiques :
Les résolutions 1368 et 1373 du 12 et 28 septembre 2001 (votés par la France) , adoptées dans le cadre du Chapitre VII de la Charte, traitent de la légitime défense, (« droit inhérent de légitime défense individuelle ou collective conformément à la Charte ») pour essayer de donner une légitimité juridique internationale aux bombardements de l’Afghanistan. Cela n’a pas de sens, puisque la légitime défense est la réponse immédiate contre un agresseur, pour mettre fin à l’agression là où elle est en train de se produire. Attaquer plus tard et ailleurs un territoire dont on présume qu’il est la base d’opération des agresseurs est, dans le meilleur des cas, une attaque armée de représailles, si ce n’est une agression pure et simple, interdite par le droit international.
La résolution 1422 de juillet 2002 (voté par la France) , renouvelée en 2003 avec la résolution 1487 (cette fois-ci la France s’est abstenue) . Par cette résolution, le Conseil de sécurité ordonne à la Cour pénale internationale de s’abstenir, pendant douze mois, d’enquêter sur les accusations contre des ressortissants d’Etats qui ne font pas partie du Traité de Rome (Statut de la Cour pénale internationale), dont les Etats-Unis, pour des faits ou omissions qui puissent leur être imputés dans le cadre de missions autorisées par l’ONU. En votant les résolutions 1422 et 1487, le Conseil de sécurité n’a pas interprété l’article 16 du Traité de Rome mais il l’a violé. Il a donc violé le Traité de Rome, de même que les Etats membres du Conseil de sécurité qui sont liés à ce traité (dont la France).
Le processus de dégradation du système international a effectué un saut qualitatif avec l’agression contre l’Irak en mars 2003. Les Etats agresseurs ont bafoué le droit international et les lois de la guerre, c’est-à-dire le droit international humanitaire. Ni le Conseil de sécurité, ni le Secrétaire général de l’ONU, ni l’Assemblée générale n’ont fait ce qu’ils pouvaient faire pour tenter d’empêcher l’agression. Par contre le 22 mai 2003, le Conseil de sécurité adopta, à l’unanimité des 14 Etats membres présents (dont la France, la Syrie était absente), la résolution 1483. Cette dernière résolution octroie aux Etats occupants de l’Irak le contrôle de l’économie et de l’avenir politique de l’Irak en violation de la 3ème section du Titre III (territoires occupés) de la 4ème Convention de Genève.
Les décisions du Conseil de sécurité sont illégitimes car elles émanent d’un organisme constitué en violation du principe d’égalité souveraine de tous les Etats. Elles sont doublement illégales car : 1) depuis 1991 la composition du Conseil ne correspond pas à ce qu’établit la Charte de l’ONU, et 2) presque toutes les décisions adoptées depuis par cette instance violent les principes fondamentaux du droit international en vigueur.
La doctrine de la guerre préventive formulée par le Président Bush dans son document « Stratégie de la sécurité nationale de Etats-Unis » présenté au Congrès des Etats-Unis le 20 septembre 2002 a été relayée par le Secrétaire général de l’ONU Koffi Annan.
Le Secrétaire général fait ainsi des interprétations abusives de l’article 51 de la Charte , se contredit lui même et affirme des contrevérités manifestes : « Les menaces imminentes sont pleinement couvertes par l’Article 51 de la Charte, qui garantit le droit naturel de légitime défense de tout État souverain, dans le cas où il est l’objet d’une agression armée. Koffi Annan écrit : « Lorsque les menaces ne sont pas imminentes mais latentes, la Charte donne au Conseil de sécurité pleine autorité pour employer la force armée, y compris de manière préventive, afin de préserver la paix et la sécurité internationales ».
L’article 51 parle de légitime défense quand un Etat est l’objet d’une agression armée et ne parle pas de menaces imminentes.
Certains juristes parlent d’un droit à la légitime défense anticipée qui découlerait de l’article 51 de la Charte des Nations Unies. Mais il ne faut confondre mesures préventives, face à une menace réelle d’agression et légitime défense qu’implique l’emploi des moyens militaires contre un agresseur actuel .
Enfin, contrairement à ce que dit le Secrétaire général, en cas de menace contre la paix, le chapitre VII de la Charte ne préconise pas directement le recours à la force armée. Le Chapitre VII propose des mesures provisoires graduelles, et ce n’est qu’en cas d’inadéquation de celles-ci que le Conseil peut prendre des actions telles que des démonstrations, des mesures de blocus et d’autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de membres des Nations Unies (art. 42).
Il est évident qu’en aucun cas, conformément à la lettre et à l’esprit de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité ne peut prendre l’initiative de déclencher une guerre préventive. Et moins encore, légitimer ex post facto une guerre d’agression, comme c’est le cas de l’Irak.
LES REFORMES NECESSAIRES
Une réforme visant à rétablir le rôle des Nations Unies au service de la paix et du développement humain devrait accorder aux petits pays, qui n’ont pas de projets hégémoniques ou mondiaux, qui ne se consacrent pas au commerce des armes à l’échelle planétaire comme le font les membres permanents du Conseil de sécurité, les mêmes droits et la même participation que les Grandes Puissances, en ce qui concerne l’adoption de décisions.
I. Le Conseil de sécurité manque actuellement de légitimité et fonctionne dans l’illégalité, comme nous l’avons indiqué plus haut.
Il faudrait donc le réformer en profondeur :
a) augmenter le nombre de membres (actuellement 15) à 24, six par région (Afrique, Asie et le Pacifique, Europe et Amérique) avec une équitable répartition sous-régionale et établir la rotation périodique de tous les membres.
b) supprimer le principe d’unanimité des cinq membres permanents ou « droit de veto »
c) abolir le système des membres permanents
d) En outre, les décisions devraient être approuvées à la double majorité de 20 voix, afin de s’assurer que les Etats des quatre régions puissent effectivement participer à l’adoption de la décision, et représentant deux tiers de la population mondiale, afin d’assurer la participation dans les décisions de toutes les régions et d’une véritable majorité démographique.
e) En cas de blocage d’une décision au Conseil de sécurité par manque des majorités requises, le Conseil de sécurité, par la simple majorité des voix, devrait pouvoir décider de renvoyer la question à l’Assemblée générale, qui pourra décider à la double majorité de deux tiers de voix et deux tiers de la population mondiale.
Cette dernière proposition de remettre la question à l’Assemblée générale en cas de blocage au Conseil de sécurité est fondée sur la Charte et se base sur des précédents importants :
a) Le Conseil de Sécurité peut convoquer des sessions extraordinaires de l’Assemblée générale (art. 20 de la Charte) ;
b) L’Assemblée générale peut « discuter toutes questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, dont elle aura été saisie par quelconque partie des Nations Unies… » (article 11, § 2, et article 34 et 35 de la Charte des Nations Unies) ;
c) « L’Assemblée Générale peut recommander les mesures propres à assurer l’ajustement pacifique de toute situation… » (article 14);
d) Le 3 novembre 1950, l’Assemblée générale adopta la résolution 377 (V) « Union pour le maintien de la paix », plus connue comme « la résolution Dean Acheson », dans laquelle il est établit que lorsque sont réunies certaines conditions (défaillance du Conseil de sécurité, décision de réunir l’Assemblée générale, etc.), l’Assemblée générale « examinera immédiatement la question afin de faire les recommandations appropriées aux Etats membres sur les mesures collectives à adopter… ». L’Assemblée générale utilisa la « procédure Acheson » en plusieurs occasion et dans des époques diverses: intervention militaire en Egypte (1956), en Hongrie (1956), au Liban (1958), lors du conflit indo-pakistanais (1971), en Jordanie (1980), en Afghanistan (1980), au Namibie (1981), en Bosnie-Herzégovine (1992), etc. Dans le cas de l’Egypte (agression d’ Israël et invasion anglo-française), l’Assemblée générale créa une force d’interposition de 6000 hommes qui resta sur le terrain plusieurs années.
Elle va en outre dans le sens de renforcer en pratique les prérogatives de l’Assemblée générale, ce qui est plus que souhaitable.
Il faudrait établir un contrôle sur la légalité des décisions du Conseil de sécurité. La question de savoir qui devrait exercer le contrôle de la légalité des décisions du Conseil de sécurité et de quelle manière offre des thèmes de discussion aux juristes spécialisés, y compris au sein même de la Cour internationale de justice. Cette dernière apparaît être l’organisme le plus indiqué pour exercer un tel contrôle.
II. L’Assemblée généraleEn ce qui concerne l’Assemblée générale, son rôle devrait être renforcé et valorisé. Une démocratisation pourrait être amorcée en incorporant aux délégations étatiques, avec voix et sans droit de vote, des représentants des parlements, des associations professionnelles, du milieu académique, et d’autres secteurs sociaux comme on peut interpréter que le permet l’article 9 (2) de la Charte des Nations Unies.
Lyon, le 10 novembre 2006