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Le Profit pour quelques uns ou l’alimentation pour tous?

La PAPDA vous recommande la lecture de ce texte qui date déjà de 4 ans mais qui reste très actuel concernant la lutte pour une souveraineté alimentaire.

Document préparé pour le Forum des ONG sur la souveraineté alimentaire et pour le processus de consultation régionale des ONG en vue du Sommet mondial de l’alimentation + 6. Plus d’informations http://www.forumfoodsovereignty.org/


L’Alimentation : cinq ans après (SMA:CAA)

Document politique condensé. La deuxième version du projet du document politique condensé est un texte qui devra être discuté dans toutes les réunions régionales d’ONG lors de la préparation du SMA:CAA. Tous les commentaires devront être envoyés à l’équipe de rédaction composée de Sarojeni V. Rengam de PAN-Asie & Pacifique (panap@panap.po.my) et de Michael Windfuhr de FIAN-International (windfuhr@fian.org). Tous les commentaires reçus par l’équipe de rédaction seront intégrés. Ce texte servira de base au document politique commun des ONG / OSC qui sera présenté au SMA:CAA en juin à Rome. La structure et le fond du « Document Politique » ont été décidés lors de la dernière réunion des membres du Forum international des ONG / OSC en novembre 2001 à Rome.

« LE PROFIT POUR QUELQUES UNS OU L’ALIMENTATION POUR TOUS  » NOUVELLE PERSPECTIVE CINQ ANS APRÈS

Souveraineté alimentaire, Droit à l’Alimentation et Alternatives au Modèle Industriel de Production Agricole sont des éléments clefs de toute stratégie visant à éliminer la faim et la malnutrition.

A la fin du Sommet Mondial de l’Alimentation de 1996, les ONG /OSC présentes avaient adopté une déclaration portant le titre « Le profit pour quelques uns ou l’alimentation pour tous », indiquant que les mesures et les activités envisagées dans le Plan d’Action ne suffiraient pas à réaliser des avancées majeures dans la réduction du nombre des affamés dans le monde. Malheureusement, cette analyse de la société civile s’est avérée juste. Jusqu’ici, la réduction du nombre des personnes souffrant de la faim que l’on a réussi à atteindre reste mineure. La FAO et les Etats membres doivent reconnaître que la mise en oeuvre du Plan d’Action est lente et que le monde est loin de se rapprocher de l’objectif déjà bien modeste de 1996 qui prévoyait la réduction de moitié du nombre de pauvres dans le monde d’ici 2015. Dans son analyse actuelle présentée au Comité de la sécurité alimentaire mondiale, la FAO a identifié les deux principaux obstacles à une meilleure mise en oeuvre : (1) manque de volonté politique et (2) manque de moyens financiers suffisants. Ces deux observations sont certes des descriptions justes des éléments faisant défaut pour une mise en oeuvre réussie. Cependant, nous ne croyons pas qu’investir plus de ressources dans le même modèle de développement agricole permettra de réaliser l’objectif du SMA.

Dans leurs analyses de 1996, les ONG et les OSC avaient insisté sur le fait que ce n’est pas en augmentant un peu plus les doses du même médicament que l’on trouvera le remède approprié au problème de la faim et de la malnutrition. « Nous proposons un nouveau modèle pour atteindre la sécurité alimentaire qui remet en question beaucoup des hypothèses, politiques et pratiques existantes. Ce modèle, basé sur la décentralisation, est un défi pour le modèle actuel, qui lui repose sur la concentration de la richesse et du pouvoir, menaçant aujourd’hui la sécurité alimentaire mondiale, la diversité culturelle et les écosystèmes mêmes qui permettent la vie sur la planète ». Les deux vont de pair. Alors que l’on n’a pas mis à disposition assez de ressources (financières et politiques) et que la cohérence de la Déclaration et du Plan d’Action de Rome n’a pas été vérifiée, le texte comporte des recommandations contradictoires. Un examen complet des raisons expliquant l’impossibilité de remplir l’objectif de 1996 (la réduction de moitié du nombre des affamés d’ici 2015) doit également évaluer et remettre en cause le modèle actuel de développement agricole.
Trois thèmes principaux ont été identifiés par les ONG et les OSC au cours de la préparation du Sommet Mondial de l’Alimentation : Cinq ans après. Ces thèmes devront être traités de façon beaucoup plus sérieuse et devenir des éléments clefs du processus de suivi, si l’on veut que les objectifs définis soient atteints.

(1) Nous avons besoin d’une approche basée sur les droits des questions de faim et de malnutrition. Le but devrait être de donner au droit à une nourriture suffisante une place centrale dans chacune des activités visant la mise en oeuvre du Sommet Mondial de l’Alimentation : en rendant les Etats légalement responsables vis-à-vis des individus vivant sur leur territoire et en traitant la question des responsabilités des autres acteurs outre les Etats (qu’il s’agisse d’organisations intergouvernementales ou d’entreprises transnationales).

(2) Le modèle actuel de l’agriculture industrialisée, des méthodes d’élevage intensif, et la surexploitation des ressources halieutiques détruisent les modèles d’agriculture traditionnels et la variété des écosystèmes offerts par la planète. Il est urgent de développer des alternatives à ces modèles de production agricole afin d’aider à protéger la diversité culturelle et biologique de notre planète, ainsi que de faire un usage durable des écosystèmes disponibles.

(3) Les subventions à l’exportation, les prix artificiellement bas, le dumping rendu légal par l’OMC sont des éléments caractéristiques du modèle actuel du commerce de produits agricoles. Ces éléments ont un énorme impact négatif sur la majorité des personnes vivant en milieu rural : familles de paysans traditionnels ou communautés indigènes. Il est important de reconnaître le besoin de garantir une souveraineté alimentaire assurée par les paysans et qui offre à ces derniers des opportunités de bénéficier d’un revenu décent et qui limite la main mise de grandes compagnies sur le système alimentaire.

Ces trois thèmes principaux sont repris en détail ci-dessous, décomposés en 11 éléments contenant les revendications politiques correspondantes des ONG et OSC.

I. Une approche de la faim et de la malnutrition basée sur les droits:

1. Le droit à une nourriture suffisante

La Déclaration de Rome commence en réaffirmant le droit essentiel à une nourriture suffisante. Le droit à une nourriture suffisante engendre pour les Etats l’obligation de respecter, protéger et garantir le droit à une nourriture suffisante pour toute personne vivant sur leur territoire. Une approche de la faim et de la malnutrition basée sur les droits est un outil puissant dans la mesure où elle permet à chaque individu et aux acteurs de la société civile de tenir leur Etat légalement responsable. Dans notre optique, le refus ou l’incapacité des gouvernements de se conformer à leurs obligations est en partie à l’origine de la prédominance de la faim et de la malnutrition. Les individus ont droit à une nourriture suffisante (cela fait partie intégrante de leurs droits humains), ce qui leur donne la possibilité de mettre en cause leur gouvernement et de solliciter les changements de politiques nécessaires. Dans les situations où l’Etat a perdu son pouvoir souverain d’assumer ses responsabilités légales (par le biais d’interventions d’autorités internationales telles que les règles de commerce international ou les programmes d’ajustement structurel ayant des conséquences en matière politique et budgétaire), les organisations intergouvernementales doivent également être tenues légalement responsables. Le droit à une nourriture suffisante exige que chaque homme, chaque femme et chaque enfant seul et en communauté avec d’autres aient, à tout moment, un accès physique et économique à une alimentation suffisante, en utilisant pour se la procurer une base de ressource approriée, dans le respect de la dignité humaine. La réalisation du droit à une nourriture suffisante requiert la disponibilité de nourriture, exempte de substances nocives et acceptable sur le plan culturel, en quantité et qualité permettant aux individus de satisfaire leurs besoins alimentaires. L’accessibilité d’une telle nourriture ne doit pas interférer avec la jouissance d’autres droits humains et doit se faire de manière durable.

* Recommandations : Les ONG et les OSC qui travaillent ensemble à la préparation du Sommet Mondial de l’Alimentation encouragent les Etats à prendre en juin la décision de rédiger un Code de Conduite International sur le Droit à une Nourriture Suffisante, prenant en compte l’avant-projet des ONG internationales établi à la suite du Sommet de Rome. Un tel Code devra régir les activités des Etats et autres acteurs visant à réaliser le droit à une nourriture suffisante aux niveaux national et international. Il devra inclure, d’une part, des règles, conseils, propositions et réglementations pour la mise en oeuvre nationale par les gouvernements, et devra, d’autre part, décrire précisément les responsabilités d’autres acteurs dans la pleine réalisation des droits humains.

2. Accès aux ressources de production

La faim et la malnutrition sont souvent engendrées ou causées par un manque d’accès aux ressources de production ou à l’exclusion des individus de ces ressources, parmi lesquelles la terre, les forêts, les mers, l’eau, les semences, la technologie, le crédit, etc… Il ne faut pas sous-estimer le fait que l’exclusion sociale, notamment en milieu rural, est probablement la cause majeure de la persistance de la faim et de la malnutrition. Si ces problèmes fondamentaux ne sont pas traités de façon adéquate et si les questions d’accès aux ressources de production ne sont pas placées en tête de l’ordre du jour politique, l’objectif du SMA ne sera pas atteint.

Fréquemment, les normes et réglementations nationales discriminent certains groupes de la société en ce qui concerne l’accès à une ou plusieurs de ces ressources de production. Par exemple, les personnes sans-terre sont exclues de la définition et mise en œuvre de politiques de réforme agraire significatives. Les femmes n’ont pas accès au crédit ou sont exclues dans le droit successif. L’accès aux variétés de graines traditionnelles devient de plus en plus difficile du fait de la monopolisation croissante des marchés. L’accès des paysans, des cultivateurs et des cultivateurs indigènes aux graines ainsi que leur capacité d’exploiter ces graines sont restreints par les brevets déposés sur les semences. Dans un nombre croissant de sociétés, l’accès à l’eau devient un élément essentiel dont dépend la capacité de produire des biens agricoles.

* Recommandations : Permettre aux individus de se nourrir par eux-mêmes exige un processus de réforme agraire intégrale adaptée aux conditions de chaque pays et région. Cette réforme fournira aux paysans et cultivateurs indigènes – offrant aux femmes l’égalité des chances – un accès équitable aux ressources de production (en premier lieu la terre, l’eau et les forêts) ainsi qu’aux moyens de production tels que le financement, la formation et le renforcement des capacités. La réforme agraire doit être reconnue comme une obligation au titre des droits humains incombant aux gouvernements nationaux, et comme une politique publique efficace pour combattre la pauvreté.

3. Droits de la main d’oeuvre agricole

De nombreuses personnes en milieu rural vivent et travaillent en tant qu’ouvriers agricoles, souvent de façon irrégulière comme saisonniers ou journaliers. Ces personnes forment un groupe fréquemment confronté aux problèmes de faim et de malnutrition. Les ouvriers agricoles et les petits paysans qui produisent une grande partie de la nourriture et des produits de base mondiaux sont parmi les plus vulnérables en terme de sécurité alimentaire. En effet, ils représentent, avec leur famille, l’essentiel de la population rurale pauvre dans le monde. Leur vulnérabilité est liée aux difficultés qu’ils ont à s’organiser dans des syndicats en tant qu’ouvriers ou dans des associations de petits producteurs afin d’améliorer leurs propres conditions de travail et de vie. La réalisation du droit des ouvriers agricoles et des petits paysans à une nourriture suffisante ne peut être atteinte que dans un cadre plus large de mesures assurant les droits sociaux et politiques. Les ouvriers agricoles sont les femmes et les hommes qui travaillent à la production mondiale de nourriture et de marchandises dans les champs, les vergers, les serres, l’élevage du bétail, les établissements de transformation primaire que les activités associées telles que la transformation des récoltes et le conditionnement, la préparation de nourriture d’origine animale, l’irrigation, la gestion des maladies et le stockage des semences. Ils sont ouvriers salariés parce qu’ils ne possèdent ou ne louent ni la terre sur laquelle ils travaillent, ni les outils et équipements qu’ils utilisent. En cela, ils forment un groupe distinct de celui des paysans. Ils travaillent souvent dans des conditions d’exploitation pour un salaire très bas, sans sécurité sociale et exposés à des risques sanitaires (tels que les pesticides…). Améliorer le statut de ces groupes devrait être un élément primordial de toutes stratégies de lutte contre la faim et la malnutrition.

* Recommandations : Il est nécessaire de reconnaître pleinement le droit de tous les travailleurs agricoles salariés y compris les travailleurs saisonniers et migrants d’investir dans des méthodes sûres, durables et productives. Ceci inclut le droit de former des syndicats et les droits à la sécurité sociale, les droits au travail et le droit de refuser le travail dans des conditions dangereuses. Dans le cas des ouvriers agricoles, ces droits doivent être basés sur les droits humains fondamentaux tels qu’ils sont définis dans les Normes Internationales du Travail repris dans la Déclaration de 1998 de l’OIT sur les principes et droits fondamentaux, et comme ils apparaissent dans les Conventions de l’OIT No. 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical de 1948 ; No. 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective de 1949 ; No. 29 sur le travail forcé de 1930 ; No. 105 sur l’abolition du travail forcé de 1957 ; No. 100 sur l’égalité de rémunération de 1951 ; No.111 concernant la discrimination (emploi et profession) de 1958 ; No. 138 sur l’âge minimum de 1973. Nous exigeons que tous les gouvernements ratifient et mettent en œuvre les conventions OIT existantes qui protègent ces droits. Le droit à une nourriture suffisante comprend le besoin de salaire/revenu décent et de conditions de travail décentes pour les ouvriers agricoles et les petits paysans (notamment de normes de santé, de sécurité et de protection environnementales strictes). En ce qui concerne les travailleurs vivant dans des fermes et sur des plantations, des conditions de vie décentes sont nécessaires.

4. Droits indigènes

Dans de nombreuses régions du monde, les communautés indigènes font face à d’énormes difficultés quand il s’agit de faire reconnaître leurs droits sur leurs territoires, en raison des conflits sur la terre tels que les expulsions forcées ou les aliénations de terre, et en raison de politiques nombreuses et variées qui affectent leur capacité à disposer de leur territoire traditionnel de manière autonome. Les communautés indigènes ont besoin de la pleine reconnaissance de la part de la société de leur statut et identité culturels, économiques, politiques et sociaux.

* Recommandations : Nous considérons la reconnaissance des droits, de l’autonomie et de la culture indigènes dans tous les pays comme une condition préalable impérative dans la lutte contre la faim et la malnutrition. Toute aussi impérative est la garantie du droit à une nourriture suffisante de cette population. La reconnaissance des droits de ces groupes comprend l’autodétermination et le contrôle sur leurs territoires, ressources naturelles, système de production et gestion dans les zones rurales, semences, savoir et formes d’organisation.

5. Surveillance de la mise en oeuvre des droits humains et approche basée sur les droits au sein de la FAO

Au cours du processus de suivi de Rome + 5, la FAO a certes commencé à travailler avec le droit humain à une nourriture suffisante. Cependant, il manque encore une réelle approche basée sur les droits. La surveillance du processus de suivi du Plan d’Action est assurée au moyen de rapports sur la mise en oeuvre générale, résumant les documents nationaux que la FAO reçoit des gouvernements. Tout mécanisme au sein de la FAO qui pourrait permettre de discuter des progrès ou difficultés des gouvernements nationaux dans leurs programmes de mise en oeuvre et leurs résultats représenterait un premier pas donnant son sens à l’ensemble du processus d’application. La création d’un bureau de la FAO chargé du suivi du SMA permettrait aux membres de la FAO d’identifier les obstacles empêchant la réalisation des objectifs du SMA aux niveaux national et international. Ceci permettrait également aux membres et aux acteurs non étatiques concernés de remédier à ces problèmes. En outre, concernant les projets et le soutien techniques et financiers, la FAO n’a pas encore identifié les domaines ou méthodes de travail permettant de définir précisément comment soutenir la réalisation du droit à une nourriture suffisante des personnes ou communautés affectées.

* Recommandations : L’adoption d’une approche intégrale reposant sur les droits humains à tous les niveaux des politiques de la FAO est fortement souhaitée. Ceci inclura le travail sur les projets techniques et financiers ainsi que le travail de documentation. Les instruments de surveillance utilisés par la FAO devront être élargis pour intégrer la documentation des éventuelles violations du droit à une nourriture suffisante.

II. Alternatives au modèle de production agricole:

6. L’Agro-écologie : une option importante

Le modèle actuel d’agriculture industrialisée n’est pas durable. Les taux actuels d’utilisation de l’eau, la destruction des sols, le niveau d’érosion du sol, le niveau d’érosion de la diversité biologique (entre autres choses) sont énormes et non durables. Il est évident que l’agriculture industrialisée exploite lourdement la terre et l’environnement. Ironiquement, le système actuelle veut que les formes d’agriculture les plus destructrices reçoivent le plus de subventions et d’attention en ce qui concerne la recherche agricole, la formation et les services annexes. Une évaluation des coûts environnementaux et sociaux de l’agriculture industrialisée fait défaut et devrait être menée de façon régulière au sein des Nations Unies. Les ONG ont déjà rassemblé de nombreuses preuves montrant que les dommages environnementaux et sociaux vont souvent de pair. La croissance de la taille des exploitations dans de nombreux pays est directement liée à l’expulsion forcée de petits paysans. Il est à noter que certains modèles agricoles traditionnels ont eux aussi besoin d’adaptations afin de réduire leurs conséquences néfastes sur l’environnement.

* Recommandations : Nous croyons qu’il faut changer les systèmes d’agriculture et de production alimentaire reposant sur des ressources non renouvelables et sur la surexploitation des ressources et qu’il faut se tourner vers un modèle basé sur des principes agro-écologiques. Plus précisément, ceci exige de nouvelles priorités dans les programmes de recherche et de formation aux niveaux national et international intégrant la recherche paysanne en tant que partie inévitable du processus. Un modèle agro-écologique implique la conservation et l’utilisation durable de la végétation naturelle afin d’empêcher et de réduire l’impact de la sécheresse et de la désertification, et la gestion durable des ressources en eau disponibles. L’utilisation de pesticides et de produits chimiques agricoles devrait être réduite. Des politiques et programmes qui encouragent l’agriculture biologique doivent être mis en oeuvre. Plus généralement, les investissements sociaux et économiques en milieu rural et dans les villages doivent être beaucoup plus importants si l’on veut atteindre l’objectif du SMA. Ceci inclut la création d’emplois diversifiés rendue possible par une solide économie paysanne décentralisée.

7. OGM / Biotechnologie / Technologie agricole

La quantité existante de ressources génétiques est à notre disposition aujourd’hui en grande partie grâce à des milliers d’années de culture soigneuse et de développement de la part de petits paysans et de communautés indigènes. C’est pourquoi les semences doivent être considérées comme patrimoine de l’humanité. L’accès aux ressources génétiques est essentiel pour la garantie de la sécurité alimentaire.

Toute forme de protection par brevets représente un grave obstacle à l’accès des groupes marginaux au point de départ même de l’agriculture. La recherche agronomique aux niveaux national et international devrait moins s’orienter vers l’agriculture industrialisée. La recherche néglige souvent le développement des techniques agricoles nécessitant moins d’intrants et dont le contrôle est facile. Le système actuel des institutions publiques de recherche, pourvues de fonds internationaux, n’accorde pas suffisamment d’attention aux changements à effectuer dans l’ordre du jour de la recherche. Plus généralement, la recherche agricole devrait être avant tout basée sur le domaine public et devrait reconnaître les droits des paysans de développer les variétés existantes de plantes et les races existantes d’animaux.

Les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) sont une menace non seulement pour les familles de paysans et la population rurale pauvre, qui ne peuvent pas se permettre cette alternative coûteuse, mais également pour l’agriculture en général. Les OGM représentent l’__expression extrême du paradigme de la révolution verte – faisant de la nature une marchandise -et va produire une uniformité de chaque culture potentiellement très dangereuse. A l’encontre d’un modèle de recherche agricole reposant sur le domaine public, les OGM encouragent la propriété privée des semences. La stratégie des compagnies privées, consistant à provoquer une contamination extensive des cultures dans le but de forcer les paysans à accepter leurs graines onéreuses et les produits chimiques allant de pair, représente un danger pour l’agro-biodiversité (y compris la pollution génétique de variétés sauvages parentes).

* Recommandations : Les ONG et OSC présentes demandent une interdiction de la biopiraterie et des brevets sur les organismes vivants, y compris du développement de variétés rendues stériles par des procédés de manipulation génétique. L’ordre du jour de la recherche agronomique internationale doit être revu et doit inclure les préoccupations des secteurs plus faibles des sociétés rurales, qui sont souvent négligés par la recherche et les politiques agricoles nationales et internationales. De plus, nous appelons à la décision d’un moratoire sur la diffusion des OGM jusqu’à ce que toutes les questions de contamination environnementale et d’implications sanitaires soient entièrement réglées en conformité avec le principe de précaution et avec la pleine participation des ONG/ OSC et du public. Les produits à base d’OGM ne doivent pas être utilisés dans l’ aide alimentaire (…).

III. Souveraineté alimentaire:

8. Questions commerciales

Perpétués par les pays du G8 et encouragés par la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International ainsi que des institutions financières régionales, les normes internationales du commerce de produits agricoles institutionnalisées par l’Organisation Mondiale du Commerce et d’autres accords commerciaux régionaux ont porté gravement atteinte à la sécurité alimentaire et au niveau de vie des petits paysans, notamment dans les pays en développement. Alors que l’Accord sur l’Agriculture de l’OMC autorise l’exportation de produits lourdement subventionnés, la plupart des pays en développement se voient contraints par les règles commerciales ou les politiques d’ajustement d’ouvrir leurs marchés locaux (l’utilisation de subventions comme celles autorisées aux pays riches leurs étant refusées). L’essentiel des subventions dans les pays industrialisés va non pas aux petites exploitations familiales mais aux gros producteurs, aux grosses affaires et aux entreprises transnationales qui investissent dans des méthodes agricoles et commerciales non durables. Dans nombre de zones rurales, la production alimentaire locale a été fortement découragée et la population rurale ne dispose que de très peu de solutions de rechange pour percevoir le revenu dont elle dépend alors pour acheter la nourriture importée  » à bas prix « . Les politiques commerciales devraient être conçues de manière à permettre la prospérité de plus de groupes marginalisés en milieu rural. C’est pourquoi les ONG et OSC utilisent le terme  » souveraineté alimentaire  » qui montre qu’un changement de politique est nécessaire pour mettre en place des politiques agricoles et commerciales favorables aux petits producteurs, aux paysans indigènes et aux communautés de pêcheurs. Par le terme  » souveraineté alimentaire « , nous exprimons la revendication des organisations de la société civile de leur droit de définir leurs propres politiques et stratégies en vue d’une production, distribution et consommation durables de la nourriture. En respectant les différentes cultures, la diversité de la production agricole paysanne et indigène, et la pêche artisanale, il est possible que la production à petite et moyenne échelle devienne la norme. Souveraineté alimentaire ne veut donc pas dire autarcie ou protectionnisme. La souveraineté alimentaire ne vise pas la fin du commerce international des produits agricoles et de la pêche.

* Recommandations : Les ONG et les OSC demandent en tout premier lieu de mettre fin à toutes formes de dumping, c’est-à-dire la vente de biens à des prix inférieurs au coût de production. Les règles du commerce doivent être modifiées de manière à permettre aux familles paysannes et aux groupes vulnérables en milieu rural de conserver un revenu et de continuer à produire de la nourriture. Nous demandons l’exclusion de la nourriture et de l’agriculture des domaines de l’OMC, la rédaction par la FAO d’un protocole pour la sécurité alimentaire dans les relations commerciales et (pour une souveraineté alimentaire non basée sur le commerce pour les nations). Nous proposons la création d’un nouvel ordre transparent et démocratique pour la réglementation du commerce international.

9. Questions liées à la privatisation (Eau, marchés de la terre, etc…)

Les ONG et les OSC sont préoccupées par le fait que de plus en plus d’espoirs reposent sur la stratégie consistant à privatiser les biens publics et à rendre payantes des ressources rares afin d’éviter les problèmes d’accès et de pénurie. A la tête de ce processus, la Banque Mondiale soutient la création de marchés fonciers dans toutes les zones rurales dans le but de résoudre la question de l’accès à la terre. Il est certes positif que la question de la réforme agraire revienne à l’ordre du jour de l’agenda politique. Cependant, les ONG et les OSC notent avec préoccupation que les marchés de la terre ne fonctionnent pas correctement, la plupart du temps en raison des différentes ressources avec lesquelles les acteurs du marché ont à négocier. Par exemple, les grands propriétaires vont tenter de vendre leurs terres de mauvaise qualité. De plus, la privatisation de terres communales peut entraîner l’effondrement de systèmes de gestion des ressources communales tels que les terrasses et l’irrigation à petite échelle. On ne devrait pas oublier que la redistribution de la terre aux sans-terre et aux familles possédant de très petites parcelles demeure l’une des étapes les plus importantes vers un développement rural réussi. En outre, les ONG et les OSC doutent qu’un système privatisé d’approvisionnement en eau puisse bénéficier aux groupes les plus marginalisés en milieu rural. Les marchés peuvent fonctionner dans des cas où les acteurs disposent plus équitablement du pouvoir et de l’information.

* Recommandations : Les ONG et les OSC sont contre les politiques et programmes visant à remplacer les activités de réforme agraire intégrale par des mesures introduisant un système basé sur les marchés fonciers. Elles redoutent qu’une privatisation rapide et sans discernement des biens publics ne porte atteinte à l’accessibilité et à la disponibilité de ces biens pour les groupes les plus marginalisés.

10. Besoin d’un modèle de démocratie basé sur le concept de participation sociale et économique

Afin de mettre en oeuvre toutes les propositions faites dans ce document, nous devons clarifier notre conception d’une démocratie qui fonctionne. Pour les ONG et les OSC présentes, une démocratie qui fonctionne correctement est une démocratie « intégratrice ». Cette dernière a un double sens.

Premièrement, elle signifie que tous les individus et groupes concernés doivent avoir l’opportunité de participer à la prise de décision. Dans cette optique, les gouvernements nationaux et locaux, qui ont une responsabilité importante dans la lutte contre la faim et la malnutrition, doivent être renforcés. Un mécanisme efficace pour pouvoir engager leur responsabilité légale doit être mis en place et étendu.

Simultanément, la participation des organisations populaires et des ONG à tous les niveaux de la prise de décision politique doit également être renforcée et approfondie. Deuxièmement, une démocratie intégratrice signifie que les politiques doivent fournir des garanties contre l’exclusion sociale. Actuellement, la répartition des richesses et l’accès aux ressources de production connaît un processus de concentration rapide et de monopolisation. La survie à long terme de la démocratie dépend de la capacité de mettre un terme aux monopoles et d’établir des politiques et des interventions gouvernementales visant la réduction de l’exclusion sociale existante. Le manque de responsabilité légale de nombreux acteurs face à leurs obligations au titre des droits humains est un manquement à la mise en œuvre d’une réelle démocratie. Le manque de sécurité dans l’accès aux ressources de production est une des causes majeures de la faim et de la malnutrition. En évoquant le besoin d’une démocratie intégratrice, en abordant les droits humains sociaux et économiques comme le droit à une nourriture suffisante, nous abordons le problème du « manque de volonté politique » de mettre en oeuvre les résultats du Sommet Mondial de l’Alimentation de 1996.

Grain de sable 337 – 03 juin