Aller au contenu

Appel mondial pour l’arrêt des négociations sur les Accords de Partenariat Economique (APE)

Du 27 au 30 mars 2006, nous les organisations mentionnées ci-dessous impliquées dans la campagne « Stop APE » et venant de l’Afrique et de l’Europe, nous nous sommes réunis à Harare au Zimbabwe, sous l’égide du Réseau d’Afrique sur le Commerce. Nous avons délibéré sur les évolutions depuis le lancement de la campagne et sur les stratégies à adopter dans les mois à venir.

Depuis deux ans, les associations de la société civile, les mouvements sociaux et les organisations de masse à travers l`Afrique, les Caraïbes, le Pacifique et l`Europe ont lancé la campagne « Stop APE » (campagne visant à l’arrêt des APE) tels qu’ils sont actuellement conçus et négociés entre l`Union Européenne et les pays ACP.


Le motif de l’adoption de cette campagne vient du fait que sous leur forme actuelle, les APE constituent essentiellement des accords de libre-échange entre des parties inégales : l`Europe d’une part avec son énorme pouvoir politique et économique, et d’autre part les économies faibles et dépendantes des pays ACP. De plus, le processus de négociations est déséquilibré et accéléré, ce qui permet à l`Union Européenne d’imposer ses intérêts et son agenda et aussi de dicter le rythme des négociations conformément à ses propres besoins et objectifs.

Deux ans après le lancement de la campagne, elle a largement touché les gouvernements, les institutions intergouvernementales, les parlementaires, les acteurs de la société civile et diverse catégories sociales dans les pays ACP, l’Europe et le reste du monde en mettant en évidence les dangers qu’entraînent les APE sur les économies et les populations des pays ACP. Cependant, elle n’a pas encore abouti à des changements fondamentaux sur la nature des APE et sur le processus de leurs négociations.

Les Etats membres de l’Union Européenne qui ont publiquement adopté des positions politiques pour contredire directement le mandat de négociation de la CE, n’ont pas poursuivi leurs actions pour réviser ce mandat. Les fortes réserves officieuses exprimées par d’autres états membres demeurent officieuses.

De son côté, la Commission Européenne a conçu des nouvelles rhétoriques pour vendre les APE et justifier la poursuite de son mandat. Elle a entretenu de faux espoirs d’une augmentation de l’aide européenne au développement en faveur des pays ACP et elle a également utilisé différentes formes de pression y compris l’aide conditionnelle pour continuer à ne pas tenir compte de la réticence des pays ACP à se soumettre à ses intérêts.

Du coté des gouvernements des pays ACP, les positions publiques, individuelles et collectives qui ont efficacement rejeté les APE sous leurs formes actuelles ne sont pas traduites en positions politiques de négociations. La dépendance à l’aide et l’inquiétude par rapport au maintien des préférences commerciales semblent avoir influencé, de manière disproportionnée, les gouvernements à accepter les termes et paramètres de négociations de la Commission Européenne. Dans certains cas, des secrétariats des groupes régionaux et des structures, dont le rôle est de faciliter les négociations au nom des groupes ACP, ont abandonné les directives politiques des gouvernements nationaux qui forment la région et ont tendance à promouvoir les perspectives de l’UE.

Une conséquence immédiate de cette situation est l’impact négatif des négociations des APE sur les initiatives propres d’intégration régionale des états ACP. Les processus et les initiatives d’intégration régionale en cours ont été pris en otage et détournés, et de nombreuses configurations régionales politiques et historiques de l’Afrique ont été divisées.

En plus de la situation ci-dessus mentionnée, l’impasse actuelle des négociations à l’OMC a conduit à l’augmentation des pressions dans les négociations bilatérales et régionales de libre-échange.
Tous ces développements affirment la validité des positions et les revendications de la campagne « Stop APE » et rendent encore plus urgentes ses exigences.

Nous sommes encouragés par la mobilisation mondiale que la campagne a générée et saluons le nombre grandissant des divers groupes de parties prenantes ainsi que les réseaux d’acteurs qui nous ont rejoint ou qui ont adopté la cause de la campagne.

Bien que l’engagement de la société civile dans les négociations APE augmente, nous restons très préoccupés par l’absence de participation de la majorité des citoyens, des travailleurs et des agriculteurs affectés dans les pays ACP et par le manque d’ouverture et de transparence dans ces négociations.

Nous réaffirmons les positions et les demandes de la campagne « Stop APE ». Nous rejetons la forme actuelle des APE, car ils vont :

– Elargir l’accès de l’Europe aux marchés ACP pour ses marchandises, services, et investissements ; exposer les producteurs à une concurrence européenne déloyale sur les marchés locaux et régionaux, et augmenter la domination et la concentration des sociétés, des marchandises et des services européens ;

– Entraîner, de ce fait, un chômage plus profond, la perte des moyens d’existence, l’insécurité alimentaire et l’inégalité sociale, l’inégalité des genres et miner les droits sociaux et humains ;

– Mettre en danger les processus continus mais fragiles d’intégration régionale entre les pays ACP ; aggraver – et prolonger- le déclin socio-économique et la fragilité politique qui caractérisent la plupart des pays ACP.

Nous réaffirmons nos exigences par rapport à une révision et à une revue de la politique néo-libérale de commerce extérieur de l’UE, en particulier en ce qui concerne les pays en voie de développement, et exigeons que la coopération commerciale ACP-UE soit fondée sur une approche :

– Basée sur un principe de non-réciprocité, comme institué dans le Système Généralisé de Préférences (SGP) et le traitement spécial et différencié de l’OMC ;

– Qui protège des producteurs locaux des ACP et des marchés régionaux ;

– Qui inverse la pression pour la libéralisation du commerce et des investissements ;

– Qui offre l’espace politique et le soutien nécessaires aux pays ACP pour poursuivre leurs propres stratégies de développement.

Dans le cadre de la poursuite des buts et des exigences de la campagne nous faisons les demandes suivantes.

A l’endroit des Gouvernements des pays ACP

La responsabilité primaire pour promouvoir les intérêts et les besoins des populations des pays ACP et les protéger contre les ravages des accords de libre-échange avec l’UE, relève de la compétence des gouvernements des pays ACP, aussi bien dans leurs capacités individuelles et collectives à agir aux niveaux national, régional et des ACP. À cet égard nous appelons les gouvernements ACP :

– A répondre à l’appel de leurs citoyens sur les revendications ci-dessus relatives aux APE et à s’assurer que les promesses d’augmentation de l’aide, et les questions relatives aux préférences n’entraîneront pas un sacrifice futur du développement économique de leurs peuples;

– A se montrer à la hauteur de leurs déclarations politiques et de leurs positions sur les APE et de les traduire en positions dans les processus d’engagement sur les APE ;

– A réaffirmer leur autorité politique sur les négociations au niveau des secrétariats régionaux, et s’assurer que ces derniers ne minent pas leurs positions politiques dans les négociations ;

A l’endroit de l’UE et des États membres

L’union européenne a une responsabilité de mettre en avant ses objectifs de développement. Nous demandons aux gouvernements des états membres :

– D’affirmer leur autorité sur l’UE en ce qui concerne la coopération ACP-EU pour la promotion du développement durable dans les pays ACP ;

– De changer le mandat de négociation de l’UE par rapport aux négociations des APE ; et à cet effet ;

– De s’assurer que la revue des négociations des APE prévue cette année soit complète, transparente et substantielle et fasse des questions de développement durable son point central.

Enfin, nous invitons les organisations de la société civile, les mouvements sociaux et les organisations de masse des pays ACP et de l’Europe à se joindre à la campagne, et à s’engager avec leurs gouvernements sur les questions de développement des pays ACP dans le cadre de la coopération avec l’UE.

Fait à Harare, le 30 mars 2006.

Signé par :

EcoNews Africa, Kenya

Labour Caucus, Kenya

Gender Sensitive Initiative, Kenya

Food and Trade Network for East Africa (FATNEA)

ENDA T.M., Sénégal

SEATINI Kenya

SEATINI Ouganda

African Centre for Trade and Development (ACTADE), Ouganda

Kenya Human Rights Commission

Volunteer Efforts for Development Concerns (VEDCO), Ouganda

Oxfam International

Sustainable Agriculture Trainers Network (SATNET), Ouganda

Centre for Development Initiatives (CDI)(, Ouganda

Centre for International Trade and Investment Law (CITIL), Kenya

Interactive Edge, Kenya

Consumer Unity Trust (CUTS)

Association des Producteurs de Coton Africains(APROCA), Mali

Missionary Sisters of Our Lady Africa, Afrique de l’Est, Kenya