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La Société financière internationale de la Banque mondiale adopte une mesure déterminante pour les droits des travailleurs

Bruxelles, le 22 février 2006 (CISL En Ligne): La CISL a salué l’adoption hier par la Société financière internationale (filiale de la Banque mondiale chargée des prêts au secteur privé) d’une nouvelle norme liant l’accès aux prêts à la performance en matière de droits du travail et de conditions de travail. Une fois que la nouvelle norme entrera en vigueur dans les prochaines semaines, toute entreprise qui empruntera auprès de la SFI sera tenue de se conformer aux normes fondamentales du travail (NFT), telles qu’elles sont définies par l’Organisation internationale du travail (OIT). Les NFT prohibent tout recours au travail forcé, au travail des enfants et aux pratiques discriminatoires et exigent le plein respect de la liberté d’association et du droit de négociation collective. En vertu de la nouvelle norme, les clients de la SFI sont également tenus de se conformer à une série d’autres normes de base, notamment en matière de santé et de sécurité et de protection de la main-d’œuvre contractuelle. Elle exige en outre l’application d’une politique pour une gestion efficace des suppressions d’emplois.

« Cette décision est susceptible de joueur en faveur de milliers de travailleurs employés dans des projets financés par la SFI et devrait, nous en sommes convaincus, créer un précédent dans le domaine des prêts internationaux, aussi bien dans le secteur privé que public », a déclaré Guy Ryder, Secrétaire général de la CISL. « Chaque année, la Banque mondiale octroie des prêts à hauteur de plusieurs milliards de dollars à des projets de développement et nous nous efforcerons de veiller à ce que cette décision s’applique à tous les échelons de ses activités. Pour l’heure, nous avons proposé de coopérer avec la SFI à la mise en œuvre de cette nouvelle norme », a-t-il ajouté.
La décision de la SFI démontre ce qu’il est possible de faire lorsque la Banque mondiale s’engage dans des consultations en toute bonne foi avec les syndicats. « Au cours des deux années qu’a duré l’élaboration de la norme, la SFI s’est toujours montrée réceptive à l’apport des syndicats, de l’OIT, ainsi que ses partenaires traditionnels, à savoir les gouvernements et les milieux d’affaires. Nous l’avons d’ailleurs aidée à identifier dans les projets initiaux certains points faibles et lacunes qu’elle a rectifiés.

C’est suite à une proposition de la CISL que la SFI a accepté d’intégrer, il y a deux ans, sur base pilote, une clause liée aux NFT aux conditions de prêt imposées à la société dominicaine de confection Grupo M. Le prêt en question était destiné à l’ouverture d’une nouvelle unité de production à Haïti. La réaction initiale de la société lorsque les travailleurs ont tenté de mettre sur pied un syndicat fut de les congédier par centaines. Il a fallu plusieurs mois d’action collective par le syndicat haïtien et une mobilisation internationale de syndicats et autres organisations civiles avant que l’entreprise n’accepte de réintégrer les travailleurs mis à pied et de reconnaître le syndicat. En décembre 2005, Grupo M et le syndicat haïtien ont signé le premier accord collectif prévoyant l’amélioration des salaires et des conditions de travail.

L’exemple haïtien illustre bien les difficultés, de même que les possibilités engendrées par la nouvelle norme de la SFI et, plus particulièrement, le fait qu’il est primordial de pouvoir disposer d’une procédure d’application efficace. Une norme NFT s’appuyant sur un mécanisme efficace de mise en œuvre est susceptible d’avoir une incidence très positive sur les conditions de vie et de travail des travailleurs. Ceci est particulièrement vrai dans le cas d’un pays comme Haïti où les droits des travailleurs ont été bafoués et les pauvres marginalisés depuis si longtemps.

Ryder estime que c’est désormais aux autres filiales de la Banque mondiale, à savoir les filiales chargées des prêts au secteur public, qu’il incombe d’emboîter le pas à la SFI : « Il ne s’agit pas de demander à la Banque d’assumer les tâches de l’OIT, des gouvernements ou de qui que ce soit d’autre. Il s’agit simplement de demander à la Banque de veiller à ce que toutes ses opérations soient conformes aux normes sur les droits des travailleurs reconnues à l’échelon international. »

Dans un rapport publié en 2004, une coalition de syndicats et d’experts indonésiens a dénoncé la présence de travail des enfants, de discrimination à l’encontre des travailleuses et de non-respect de la liberté d’association dans des projets publics d’infrastructure mis en œuvre avec des prêts octroyés par la Banque mondiale. Le porte-parole de la Banque mondiale en Indonésie avait, à l’époque, admis que ces pratiques étaient contraires à la politique de la Banque et avait promis l’introduction de mesures correctives. Cependant, à l’exception de cette nouvelle norme de la SFI, la Banque n’a toujours pas adopté de mesure garantissant le respect des NFT dans ses programmes.