Coup sur coup, deux pays latino-américains, et non des moindres, viennent d’annoncer le remboursement par anticipation de la totalité de leur dette à l’égard du Fonds monétaire international (FMI).
Le 13 décembre, le Brésil a décidé de rembourser le montant total de 15,5 milliards de dollars qu’il devait au FMI et qui venait à échéance en 2007. Deux jours plus tard, l’Argentine annonçait le remboursement de 9,8 milliards de dollars, ce qui permet au gouvernement de Nestor Kirchner d’économiser environ 900 millions de dollars sur les intérêts.
Le CADTM juge essentiel de rappeler que les dettes ainsi remboursées par ces deux pays entrent dans la catégorie des dettes odieuses. Le Brésil et l’Argentine ont connu au cours des dernières décennies des dictatures militaires violentes qui les ont mené au surendettement, avec l’entier soutien du FMI. Le seul but était alors de conforter la junte au pouvoir et d’arrimer l’économie de ces pays au modèle néolibéral dominant, avec l’imposition de politiques néfastes pour la plupart des citoyens de ces pays.
Les régimes ayant suivi la dictature ont bradé une grande part du patrimoine national pour rembourser la dette odieuse ainsi contractée. Ils ont même dû s’endetter de nouveau pour rembourser les dettes précédentes, ce qui implique que ces nouvelles dettes sont elles aussi odieuses. De surcroît, l’obtention de ces nouveaux prêts a été conditionnée à l’application de mesures de libéralisation massive, de privatisation systématique et de réduction des budgets sociaux. Ces politiques néolibérales ont porté un grand préjudice aux populations de ces pays, leur caractère impopulaire ayant été prouvé par le soulèvement de décembre 2001 en Argentine et l’élection de Lula à la présidence brésilienne en octobre 2002.
En droit international, si un régime illégitime ou dictatorial contracte une dette contraire à l’intérêt des populations, le régime qui lui succède peut la dénoncer. Elle est alors frappée de nullité et n’a pas à être remboursée : c’est une dette personnelle des anciens dirigeants au pouvoir.
La décision de rembourser par anticipation est rendue possible par la conjoncture économique actuelle, avec des recettes d’exportations élevées et une croissance argentine importante liée au non-remboursement de la dette privée entre fin 2001 et 2005. Pourtant, plus d’un tiers des Argentins et des Brésiliens vivent sous le seuil de pauvreté, et la faim tenaille des millions d’entre eux.
Pour le CADTM, l’argent qui va être remboursé au FMI devrait servir à la réalisation d’une politique qui tourne le dos au néolibéralisme et donne la priorité aux droits humains fondamentaux.
Au cours des six dernières années, les pays en développement ont remboursé à leurs créanciers 486 milliards de dollars de plus que ce qu’ils ont reçu en nouveaux prêts, soit l’équivalent de 5 plans Marshall. Loin d’être un moyen d’accéder au développement, les prêts sont avant tout une source juteuse d’enrichissement pour de riches créanciers.
Le CADTM demande donc aux dirigeants des pays du Tiers Monde de répudier leur dette, odieuse pour une large part, et de cesser d’appliquer des politiques d’ajustement structurel qui frappent de plein fouet les populations pauvres. La voie sera alors ouverte pour que les peuples soient en mesure de se réapproprier les leviers de décision quant à leur propre avenir.