Aller au contenu

Des paysans réclament leur participation aux décisions nationales

Des délégués d’organisations paysannes de différentes régions d’Haïti ont plaidé, le 2 décembre 2005, dans la ville du Cap-Haïtien, à 248 kilomètres au nord de Port-au-Prince, en faveur d’une participation véritable dans les décisions qui concernent l’avenir d’Haïti, a constaté l’agence en ligne AlterPresse.


« Les paysans haïtiens ne se sentent pas citoyens, ils sont toujours écartés dans les grandes décisions concernant la nation », a déploré Lamersot Beaubrun, un représentant d’organisation paysanne, au cours d’un débat organisé, au Complexe Versailles dans la deuxième ville du pays, avec des dirigeants politiques.

Préconisant leur intégration réelle au sein de la société, les délégués paysans se sont aussi prononcés contre le système d’exclusion et la dépendance du pays en matière de sécurité alimentaire.

« Nous sommes des paysans, mais nous ne nous sentons pas citoyens. Le citoyen est celui qui a accès aux services sociaux de base, tels l’électricité, l’hôpital, l’éducation, les voies de communication, et j’en passe », affirme le délégué paysan qui demande aux futurs décideurs du pays de tenir compte des revendications du monde rural haïtien.

La rencontre du 2 décembre 2005 était une initiative de la « Coordination Campagne Café », soutenue, entre autres, par la Plate-Forme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA), Oxfam GB, Action Aid et la Fondation Luthérienne Mondiale (FLM).

Sur un total de 10 candidats à la présidence invités, aucun n’a répondu à l’appel. Cependant, 4 partis et regroupements politiques étaient représentés. Il s’agit du parti Fusion des Sociaux-démocrates (FUSION), de l’Organisation du Peuple en Lutte (OPL), du regroupement Lespwa et de la coalition « Respè » (Respect) de Charles Henri Baker.

Le débat devait notamment être accentué sur la production du café, mais les paysans avaient profité de l’occasion pour soumettre leurs cahiers de doléances.

Outre la question de citoyenneté, ils ont critiqué la mainmise de l’Internationale dans les questions sécuritaires, depuis la chute de Jean Bertrand Aristide. Ils ont également exprimé leur mécontentement face à l’application du Cadre de Coopération Intérimaire (CCI).
« Nous sommes réunis aujourd’hui au Cap-Haïtien, une ville qui nous rappelle le 18 novembre 1803. En pensant à cette date, nous faisons allusion à notre souveraineté, nous sommes occupés par des troupes étrangères », dénonce Lojis Alphonse un autre représentant de coopérative paysanne.
Alphonse a demandé aux responsables politiques présents de dévoiler leur plan pour la reprise de la souveraineté du pays à tous les niveaux.

Les dirigeants politiques, Victor Benoît de la FUSION, les candidats au sénat dans le Nord René Antoine Samson de Lespwa et Charles Eluscat de l’OPL, ainsi que Cyrus Sibert qui représentait le candidat à la présidence, Charles Henri Baker, ont déclaré prendre acte des problèmes posés par les paysans.

Toutefois, leurs positions par rapport au CCI et à la présence de la force onusienne dans le pays sont très différentes.
« Des négociations avec les acteurs internationaux sur le CCI doivent être engagées, les points positifs seront pris en considération », répond le professeur Victor Benoît.
Le président du parti FUSION s’est aussi prononcé sur les problèmes auxquels sont confrontés les migrants haïtiens en République Dominicaine.
« La solution à ces problèmes est entre les mains des Haïtiens », avance Victor Benoît.
Cyrus Sibert abonde dans le même sens que le président de la FUSION. Le représentant de Charles Henri Baker promet de reconduire les volets importants du CCI, une fois que son équipe arrive au pouvoir.

Le candidat au sénat, René Antoine Samson, affirme quant à lui, que Lespwa n’avait signé aucun contrat avec l’Internationale concernant l’élaboration du Cadre de Coopération Intérimaire et la présence des militaires étrangers.
« Nous allons bloquer l’application du CCI, nous n’allons pas le renégocier », soutient Antoine Samson.
Le délégué du candidat à la présidence, René Préval, estime par ailleurs que les revendications des paysans font partie intégrante de son programme politique.

Pour sa part, Charles Eluscat de l’OPL appelle les Haïtiens à s’entendre en vue d’éviter d’autres débarquements de militaires étrangers dans le pays.
En moins de trois jours, c’est la deuxième réunion d’organisations paysannes avec les personnes qui briguent la présidence haïtienne.

Le 30 novembre 2005, des candidats aux présidentielles avaient boudé une invitation des paysans regroupés au sein de la Plate-Forme Paysanne pour la Sécurité Alimentaire dans le Nord-Ouest (PPSANO).
« Nous avons invité 31 partis politiques et candidats à la présidence, ils ont pour la plupart brillé par leur absence. Cela montre très clairement qu’ils ne vont pas prendre en compte les revendications des paysans », avait fait remarquer Ernia Massillon de la Plate-Forme Régionale des Organisations du Bas Nord-Ouest (POREBANO).

Dans la Vallée de l’Artibonite, des activités du genre ont été organisées durant le premier trimestre, mais les candidats invités avaient toujours brillé par leur absence.

Alterpresse