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Le retour d’un Aristide néo-liberal

Lors du Forum social des Amériques (Quito, Equateur) qui s’est tenu en juillet passé, l’agence brésilienne d’information Adital a interviewé Camille Chalmers, professeur d’économie à l’Université d’Etat de Haïti, coordinateur de la Plate-forme haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif. La PAPDA est la coalition créée en 1995 pour lutter contre les plans d’ajustement structurel et les politiques néo-libérales mises en place par Aristide à son retour des Etats-Unis. Chalmers rappelle dans cette interview à quel point l’histoire récente de Haïti a été marquée par la résistance et l’organisation populaire en dépit de la répression des Etats-Unis.


Sans doute un Aristide perverti ?

Camille Chalmers: Oui et avec une autre vision des choses parce qu’il a vécu 3 ans à Washington (…). Il avait pas mal changé, idéologiquement et politiquement, sa manière de concevoir la politique. Le plus grave, c’est que son gouvernement était déjà un peu coupé de ses bases sociales. Ces bases qui n’avaient déjà plus le pouvoir d’intervenir dans le débat politique. Même si de nombreuses organisations conservaient leurs noms, elles étaient devenues des coquilles vides, sans aucune capacité de réflexion ni de mobilisation.
Aristide est revenu avec un programme économique très clair.
Les Etats-Unis ont mis en place un cadre pour l’obliger à appliquer un plan qui était un programme typique d’ajustement structurel avec une libéralisation accélérée du marché financier, une libéralisation totale du commerce qui a fait de Haïti le pays le plus « ouvert » du continent. Il y eut des modifications substantielles dans les politiques fiscales, la privatisation des neufs entreprises les plus importantes du pays ainsi que des modifications de lois et de la structure juridique pour éliminer tout obstacle à l’intervention étrangère.

Il est revenu comme ça, en appliquant exactement des politiques contraires au projet populaire pour lequel il avait été élu. Beaucoup de gens, au moment de son retour, avaient encore certaines illusions. Qu’Aristide, en rentrant au pays, se joindrait à nouveau au mouvement populaire, pourrait à nouveau contrecarrer le plan impérialiste. Mais il s’agissait réellement d’une chimère. La destruction du mouvement populaire a permis de créer un nouveau climat, de nouvelles règles du jeu politique. Aristide a complètement disparu en tant que leader populaire, se transformant chaque fois plus en un dirigeant traditionnel, utilisant les mêmes tactiques, les mêmes techniques politiques d’exclusion, de répression, de massacres contre le peuple et le projet populaire.