La Campagne sur la Sécurité et l’Autosuffisance Alimentaires mise en route depuis décembre 1997 réalise un travail de sensibilisation, d’éducation et de mobilisation axé autour du renforcement de la production nationale.
STRATEGIE ET MODALITES D’EXECUTION
OBJECTIFS SPECIFIQUES – ACTIVITES
JUSTIFICATION
La situation alimentaire
La capacité d`Haïti à se nourrir elle-même s’est dégradée durant ces dernières années: en 1992 la production alimentaire per capita fut de 29% au-dessous du niveau de 79-81, l’une des baisses les plus spectaculaires dans le monde. Pour la même période, les importations sont supérieures à la valeur totale de toutes les exportations. Depuis 1986, la production nationale décline régulièrement de 2 à 4% chaque année.
Les groupes les plus vulnérables sont les femmes et les enfants. Dans différents centres de récupération nutritionnelle, on a constaté que 45% des mères accusent un niveau de malnutrition très avancée au point qu’on enregistre des cas de démence. 1/3 des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique.
Plus d’un million de personnes dépendent de l’aide externe en matière d’alimentation. En outre, la quantité moyenne de calories atteint à peine 2000 / jour (norme recommandée: 2200); ce qui entraîne une fréquence anormale des maladies nutritionnelles.
Les données relatives au pourcentage de la population souffrant de malnutrition en 1994 présentées par l’ÚSAID et publiées dans notre bulletin sous le titre « la faim est inacceptable », illustrent cette situation.
– Enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition chronique: 33% contre 19% à St-Domingue, 9% à Jamaïque et Trinidad/Tobago;
– Prématurés à cause de malnutrition: 65% des 12 à 18% des prématurés;
– Femmes adultes souffrant de malnutrition sérieuse: 45%
– Enfants de moins de 3 ans à anémie: 40%;
– Femmes enceintes à anémie: 39%;
– Tuberculose: 19.600 nouveaux cas chaque année.
Il importe donc qu’il y ait des interventions qui puissent tirer la sonnette d’alarme et porter les différents secteurs concernés à oeuvrer à une amélioration de la situation en abordant les problèmes fondamentaux. Ce qui empêchera de toujours recourir à l’assistance alimentaire comme panacée.
Activités déjà réalisées
Grâce à un financement minimal obtenu de Broederlijk Delen, Entraide & Fraternité, Grassroots International et Christian Aid, les travaux préalables au lancement de la Campagne ont débuté à Port-au-Prince en octobre 97 et le lancement officiel a été réalisé en décembre 97. Cette étape a été marquée par toute une série d’activités (conférence de presse, sit-in, stand d’information, spectacle culturel offert par des musiciens, danseurs). Elle a été poursuivie par d’autres activités de sensibilisation dans des quartiers ouvriers et populaires, des distributions de matériel symbolique enjoignant le public du grand défilé carnavalesque à soutenir la campagne.
Dès la fin de février 97, ces activités ont débordé le cadre de Port-au-Prince et de ses environs (l’Ouest) pour toucher d’autres zones du pays, notamment le Sud-Est, les Nippes (Grand’Anse Est) et l’Artibonite. Des rencontres, des séminaires de formation se sont intensifiées pour aboutir avec les organisations basées dans ces départements à l’élaboration de plans d’action régionaux.
L’utilisation des medias pour la diffusion de spot publicitaire, l’élaboration de matériel écrit devant atteindre des groupes spécifiques (jeunes scolarisés par exemple) ont timidement commencé. Leur extension est réfreinée par les contraintes budgétaires.
Si la campagne n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière, il n’en demeure pas moins qu’elle suscite de jour en jour beaucoup d’intérêt manifesté en demandes de formation, de sensibilisation et d’organisation par les groupes de bases et autres participants aux différentes activités. Partant de cet acquis, il s’agira pour l’exercice 98 – 99 de répondre à des demandes suscitées pour éviter des frustrations :
– en consolidant le travail déjà entamé dans les régions touchées par l’appui aux activités planifiées par les groupes de base;
– en initiant quelques activités dans deux (2) nouveaux départements du pays, le Nord et plus particulièrement le Nord-Ouest toujours menacé de famine;
– en incitant les organismes intermédiaires concernés à se joindre à cette campagne;
– en impulsant les activités de lobbying.
GROUPES-CIBLES
Ce projet s’adresse particulièrement aux catégories suivantes:
LES FEMMES
De récentes données ont montré comment les femmes et leurs enfants représentent un secteur de la société haitienne fortement frappée par la malnutrition chronique, soit 45% d’entre elles. De plus, le rôle joué par cette catégorie de la population dans la quête de nourriture, la préparation et la distribution de cette dernière pour assurer la survie de leur famille, est bien connu, Les femmes constituent aussi un maillon important à sensibiliser quand il s’agit de prôner d’autres modèles de consommation alimentaire ou de changer les comportements y relatifs au sein des foyers.
Cette couche majoritaire de la population (52%) doit être aussi mobilisée pour réclamer des responsables des mesures capables d’améliorer sa situation alimentaire désastreuse.
Ainsi, dès le lancement de la campagne, leur participation a été recherchée. Ce sont elles qui ont organisé le sit-in devant le palais national en décembre 97. Cette recherche de participation de cette catégorie à la campagne sera intensifiée durant la deuxième année.
LES DECIDEURS EN MATIERE DE SECURITE ALIMENTAIRE (L’EXECUTIF ET LE LEGISLATIF)
Tous les efforts à développer dans le cadre de la sécurite alimentaire doivent en grande partie viser les décideurs.
Cependant pour la première année, les activités prévues n’ont pu être réalisées à cause du vide gouvernemental et de la crise politique en général affectant le fonctionnement du parlement quasiment en hybernation.
Le gouvernement et le parlement sont les premiers visés. Les actions seront dirigées vers ces instances en vue d’aboutir à une amélioration du budget alloué à l’agriculture, à celle des services y relatifs et de la réforme agraire. Elles doivent toutefois dépasser le cadre de la capitale, Port-au-Prince, pour toucher l’administration départementale et les collectivités territoriales sitôt que ces dernières seront légitimées.
LES JEUNES
Vu l’importance démographique des jeunes dans la population haitienne il est impératif de travailler avec ce groupe cible qui après les femmes et les enfants est fortement affecté par la situation alimentaire. Déjà beaucoup de jeunes souffrent de d’anémie et cette carence nutritionnelle diminue leur capacité d’apprentissage scolaire. Pour cela, les écoles secondaires seront les principaux centres de cette campagne visant les jeunes qui pourront étendre ces informations à leurs professeurs, leurs familles et la communauté en général.
Avec ces jeunes, on insistera sur le changement de modèle de consommation en vue de les encourager à consommer local.
LA PRESSE
Pendant la première année, les contraintes financières ont porté la PAPDA à surtout miser sur le bulletin Justice Economique pour la publication des informations sur l’avancement de la campagne. Mais les relations avec ce secteur ont été tout de même privilégiées. On a pu au moins réaliser un spot qui est diffusé par une radio commerciale et quelques radios communautaires. De plus, un (1) membre de la presse a fait partie du petit comité de suivi de la campagne.
Au cours de la deuxième année, il faudra donc, au niveau de Port-au-Prince et des régions touchées, renforcer l’action publicitaire et des activités spécifiques telles que la préparation d’une série d’émissions spéciales.
ORGANISATIONS DE BASE
Les organisations paysannes, à cause de l’ímportance du volet agricole dans ce dossier, seront davantage concernées. 75% de la population vit de l’agriculture. Avec ce groupe, on va mettre l’accent sur la promotion des activités de production dans la perspective d’une agriculture durable. Ce groupe est un secteur clé à considerer quand on considère qu’il est principalement affecté par l’importantion accrue de produits agricoles et la politique néo-libérale en général.
Les activités de sensibilisation entreprises par la PAPDA avec ce secteur pendant la première année devront etre renforcées au cours de la deuxième période d’exécution de ce projet pour passer à une mobilisation effective sur la réforme agraire et l’incitation au développement du mouvement coopératif.
ONG CONCERNEES
Ce secteur plus difficile à mobiliser reste et demeure un groupe très important pour sa participation à différents niveaux dans différents domaines d’intervention et particulièrement parce que bon nombre d’entre eux ont des projets d’accompagnement dans la paysannerie. Pour cela, la PAPDA développera des matériels adaptés à leur situation en vue de faciliter leur implication dans la campagne et plus spécifiquement dans la promotion de l’agriculture durable.
OBJECTIFS GENERAUX
Toutes les actions envisagées par la PAPDA dans le cadre de cette campagne visent un triple objectif:
- Influencer l’Etat dans ses prises de décisions en matière de sécurité alimentaire.
- Influencer et\ou modifier la perception et le mode d’intervention des organisations de la société civile dans ce domaine.
- Mobiliser toutes les ressources disponibles sur les problèmes liés a la sécurité alimentaire pour une amélioration de la situation.
STRATEGIE ET MODALITES D’EXECUTION
L’ensemble des activités de cette campagne seront exécutées, par délégation, par le Secrétariat Exécutif de la PAPDA. Une structure tout a fait légère sera mise en place qui comprendra: un coordonnateur de campagne, un assistant à la coordination, une secrétaire et un messager. L’espace nécessaire à l’organisation des travaux de campagne sera fourni par le Secrétariat. Un comité de suivi ne dépassant pas 7 membres regroupera sur une base bénévole: des délégués d’organisations membres de la PAPDA, 1 représentant (e) de la presse, des représentantes de groupes de femmes et d’autres organisations volontaires (ONG, autres…)
Trois types d’activités seront exécutés: des activités de sensibilisation, d’information et de formation qui selon leur nature et leur spécificité nécessiteront l’appui des cadres permanents du Secrétariat d’une part, et d’autre part, l’intervention ponctuelle de spécialistes recrutés sur contrat. Les activités de lobbying relatives à ce projet sont du domaine du Secrétariat en collaboration avec les groupes de base.
La PAPDA travaillera davantage au cours de la deuxième année, au renforcement des capacités des groupes de femmes, de jeunes scolarisés, des organisations de base plus particulièrement paysannes pour l’exécution de ces activités.
OBJECTIFS SPECIFIQUES – ACTIVITES
La PAPDA a utilisé tout au cours de l’année une méthode d’auto évaluation an mettant sur pied un système de bilan au fur et à mesure de l’avancement des activités planifiées. Ceci en vue de permettre l’adaptation des méthodes adoptées aux situations rencontrées. Les premières appréciations permettent ainsi de fixer les objectifs suivants:
OBJECTIF 1
Agir sur les instances concernées de l’Etat et des secteurs de décision par tous les moyens appropriés pour que leur politique de développement se base en priorité sur l’augmentation des ressources nationales.
Activités
– Rencontres en séance plénière avec les ministères directement concernés (Agriculture, Environnement, Commerce, etc…), au niveau central.
– Rencontres avec les commissions concernées au niveau du parlement.
– Accompagnement des groupes régionaux dans l’élaboration de plan d’action en direction des décideurs tant au niveau local que régional.
– Encadrement technique permettant aux groupes de base de participer à la planification des programmes agricoles au niveau des prochaines collectivités territoriales.
– Discussions et lobbying auprès d’instances responsables de coopératives, de banques, d’ONG, pour l’obtention de crédits alternatifs orientés vers la promotion de l’investissement dans la production nationale et la commercialisation.
Toutes les informations nécessaires seront fournies aux responsables en vue de leur permettre de prendre en considération les propositions et revendications émanant de la PAPDA et des groupes de base régionaux pour toute intervention ayant trait à la sécurité alimentaire.
OBJECTIF 2
Agir sur les secteurs directement impliqués dans la production.
Il est d’une importance capitale – si on veut parler de production nationale – de prévoir l’encadrement systématique de ces secteurs.
Activités
– Sensibilisation de tous les regroupements de production sur l’utilisation de techniques agricoles non hostiles à l’environnement.
– Rencontres avec les groupes-cibles de la société civile aux fins de motivation, sensibilisation et actions sur les questions relatives à la sécurité alimentaire.
– Echanges avec des techniciens caraibéens (République Dominicaine et autres) en vue de partager connaissances et expériences sur l’agriculture durable.
La diffusion d’information au sein des groupes de base et des organismes privés intervenant dans le domaine permettra l’acquisition de connaissances pour la mise en application de techniques alternatives. Ceci se fera en tenant compte de la présence et de la participation des femmes au sein de ces structures.
– Appui aux encadreurs des groupements de producteurs dans les différentes régions ciblées.
– Renforcement des structures régionales participant à la campagne en insistant sur l’autonomie des femmes et des jeunes avec un accent particulier sur les ateliers de formation et la vulgarisation de pratiques agricoles éprouvées tout en encourageant les échanges inter-régionaux.
Ces activités permettront aux producteurs d’acquérir des connaissances, des méthodes leur permettant d’intervenir avec plus d’efficacité dans la production agricole.
– Appui spécifique aux femmes paysannes en stimulant l’émergence de coopératives de production ou de consommation au niveau des groupes de base.
– Les séances de formation pour les coopératives en insistant sur le genre catalyseront la participation des femmes au sein de ces structures tout en conservant leur autonomie.
– Aider les groupes de base à chercher des financements pour leurs activités productives.
Les séances de formation sur les techniques de présentation et d’études de faisabilité des projets les aideront à parvenir à identifier et à s’adresser aux sources de financement disponibles (Etat, privé).
– Appui à la mobilisation sur la question de la réforme agraire.
La diffusion par les groupes de base de messages appropriés au cours d’activités culturelles et l’appui de la PAPDA à la constitution de dossier y relatif permettront de faire avancer la question selon une option alternative.
OBJECTIF 3
Encourager les actions visant la circulation adéquate des produits locaux à travers le pays.
L’un des plus grands problèmes auxquels sont confrontés les producteurs agricoles de ce pays est l’écoulement deleurs produits. Ce problème est directement lié à l’insuffisance d’infrastructure routière et d’un manque de marchés publics.
Activités
– Sensibilisation des secteurs publics concernés à la construction de nouvelles voies de pénétration pour une meilleure circulation des produits à travers le pays.
Des séances d’information et d’échange au niveau départemental entre les groupes de base et les responsables régionaux sur la question permettront de convaincre le secteur public de la nécessité d’intervenir dans les zones à problèmes.
– Encouragement des groupements de base à participer à l’amélioration des tronçons de routes dans leurs communautés et à l’aménagement d’espaces pour l’écoulement de leurs denrées en incitant l’émergence de coopérative de transport au sein des marchandes occupant à olus de 60% le circuit de commercialisation des produits agricoles.
La vulgarisation et l’organisation d’activités par les groupements permettront la mise en application des propositions retenues à l’issue des séances d’information sur des expériences viables.
OBJECTIF 4
Valoriser l’agriculture, les produits agricoles locaux ainsi que la cuisine haïtienne.
Activités
– Sensibilisation du grand public, des organisations de base et des responsables d’Etat sur l’importance des matières portant sur l’agriculture, l’élevage et l’environnement dans l’application du programme du cycle scolaire fondamental.
Les jeunes scolarisés seront portés à revendiquer un tel programme qui leur permettra d’avoir une vision plus correcte et plus adaptée à leur réalité et entraînera de ce fait un changement dans leur habitude alimentaire.
– Collecte et production de matériels de sensibilisation tels que : spots, dépliants, pancartes, cassettes, banderoles, chansons, recettes et plats régionaux et locaux.
L’inventaire de tout ce qui existe dans la tradition et pouvant être utilisé dans les différentes zones d’intervention au cours des différentes activités et la diffusion de cet ensemble par les mêmes moyens, favoriseront l’utilisation de tous ces matériels dans les activités culturelles, les fêtes champêtres, les célébrations, etc …
– Aider les groupes de base à l’organisation de séances de formation à travers des conférences, ateliers, interviews et émissions de radio.
Les séances de travail sur la planification de ces séances rendront les groupes de base aptes à entreprendre ce genre d’activités dans leurs communautés respectives, dans leurs espaces concernés, plus particulièrement au niveau des stations de radio communautaires.