La Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) dénonce vigoureusement l’attaque brutale et sanglante d’un groupe armé, à la solde d’un membre du secteur privé et des autorités locales contre les locaux de la Ferme-Ecole de la Solidarité des Femmes Haïtiennes (SOFA ) situés dans la Commune de Saint-Michel de l’Attalaye. La PAPDA tient aussi à apporter toute sa solidarité à la classe paysanne, en particulier les femmes paysannes, qui subissent des accaparements violents de terre dans le cadre d’une politique gouvernementale visant à renforcer l’agrobusiness mono exportatrice dans le pays.
En effet, depuis quelques temps, les femmes paysannes, membres de la SOFA, dans la Commune de Saint-Michel de l’Attalaye subissent des menaces et des assauts de groupes armés, liés à des secteurs économiques, voulant s’accaparer de leurs terres pour établir des monocultures d’exportation dans la zone. Depuis l’année 2017, la SOFA a établi une Ferme-Ecole sur 10 carreaux de terre, sur la base d’un accord signé avec le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR), avec l’accompagnement de l’Institut National pour la Réforme Agraire (INARA). Cette ferme-école sert de point d’appui pour le renforcement des capacités des femmes paysannes pour appuyer le développement de l’Agriculture paysanne familiale agro écologique dans le pays, et le renforcement de la souveraineté alimentaire.
Selon les informations confirmées par certaines des victimes, le Jeudi 17 juin dernier, le Coordonnateur du CASEC (Conseil d’Administration de la Section Communale) de la 8ème Section Communale, Jean Gesner, alias Johnny, accompagné d’environ 25 membres d’un groupe armé payé, a orchestré des violences à l’encontre des personnes trouvées sur la ferme gérée par la SOFA, blessant ainsi plusieurs personnes, détruisant des infrastructures de base de la ferme. Les victimes ont dénoncé aussi la participation de l’ancien ministre PHTK de l’Agriculture, l’Agronome Fresner Dorcin, qui serait l’administrateur d’un projet, mis en place par «l’homme d’affaire », André Apaid Jr., qui devrait s’étendre sur plus de 6,000 hectares dans la Savane Diane où se situe la ferme-école de la SOFA.
La PAPDA constate que, depuis 2011, et dans le cadre du Plan Stratégique pour le Développement d’Haïti (PSDH), élaboré par les institutions internationales et imposé au pays, des secteurs économiques et politiques, liés au régime du PHTK, s’adonnent à travers le pays à des accaparements violents de terres occupées par les paysannes et paysans, dans le cadre de la mise en place de monocultures d’exportation, de zones franches industrielles, des explorations minières au profit des entreprises transnationales. Ces actions qui rappellent étrangement les méthodes utilisées au début de l’année 2012 par l’actuel Président pour implanter sa plantation de bananes dans le Nord-est (AGRITRANS), prouvent une fois de plus qu’on est en présence d’une stratégie de destruction des bases de l’économie paysanne qui, seule, favorise la création et la redistribution de la richesse dans le pays, tout en protégeant l’environnement du pays. Dans le cadre de ce plan, à travers tout le pays, les paysannes, paysans haïtiens sont sous le feu des accaparements violents et illégaux auxquels s’associent des hommes politiques, des hommes d’affaires, des officiers judiciaires, des agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Des cas similaires à la situation de SOFA se sont produits et continuent de se produire à travers le pays. Le Mouvement Paysan de Terrier-Rouge (MPTR), le Mouvement Paysan de Grand Bassin (MPGB), les Petits Planteurs dans la zone de Trou-du-Nord et Caracol, les paysannes, paysans de Plaine de Maribahoux, les paysannes et paysans du Plateau Central, dans le Nord-ouest, à Limonade dans le Nord… sont entre autres quelques exemples de l’avancement de ce plan ourdi contre la paysannerie haïtienne. On se rappelle qu’au début du XXème siècle, particulièrement dans la période de l’occupation américaine en Haïti, cette politique a été appliquée contre la paysannerie haïtienne avec une volonté d’exploiter la force de travail des paysannes, paysans transformés en des ouvriers agricoles et l’imposition de la corvée.
La PAPDA tient à dénoncer l’alliance entre les autorités gouvernementales, judiciaires et communales avec des secteurs économiques et politiques pour renforcer les actes de violence contre les femmes, en particulier les femmes paysannes qui subissent déjà les conséquences de l’absence de politiques publiques visant à répondre à leurs revendications fondamentales. A noter que moins de 10% de femmes paysannes ont accès à des titres de propriété dans le pays.
La PAPDA constate et dénonce la volonté du régime PHTK de travailler à la disparition de la paysannerie haïtienne au profit d’entrepreneurs agricoles dans le cadre du processus de destruction de l’économie paysanne et l’imposition d’une politique agricole déconnectée non seulement de la structure agraire du pays, mais aussi des aspirations de la majorité de paysannerie haïtienne. Jusqu’à aujourd’hui, la paysannerie haïtienne est le moteur principal de l’économie haïtienne tant par sa contribution au Produit Intérieur Brut (PIB), que sur le nombre d’emplois créés et surtout sa contribution dans le cadre de la production alimentaire et sa position stratégique dans toute planification visant la souveraineté alimentaire et la protection de l’environnement du pays.
La PAPDA considère que les actes de violence perpétrés à l’encontre des femmes de la SOFA à Saint-Michel de l’Attalaye est le prolongement des actions menées à différents endroits du territoire contre les paysannes, paysans haïtiens et tendent à renforcer un Etat anti-paysan au service d’une classe possédante antinationale refusant l’accès à la terre aux travailleurs agricoles.
Face à cette situation, la PAPDA recommande :
1- Qu’une enquête célère soit menée par les autorités judiciaires et policières pour fixer les responsabilités et punir les coupables de ces actes répréhensibles ;
2- Que le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR), à travers l’Institut National pour la Réforme Agraire (INARA) prenne toutes les mesures nécessaires pour garantir le droit de la SOFA de disposer de ces terres et continuer avec la valorisation de l’espace de la ferme-école qui assure une la formation de plusieurs cadres paysans pour renforcer les expériences agro écologiques, conformément à l’Accord signé avec l’Etat haïtien au cours de l’année 2017;
3- Que l’INARA assume sa mission et se saisisse de tous les cas de terres où les paysannes et paysans font l’objet de violences pour faciliter l’accaparement de leurs terres au profit d’acteurs politiques ou du secteur des affaires en violation des droits humains, en particulier du droit à la terre afin d’assurer la défense des intérêts stratégiques de l’économie paysanne.
4- Que le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR), de concert avec les mouvements paysans, les coopératives agricoles, et autres secteurs dans le milieu rural, définisse une politique agricole favorisant le développement de l’agriculture paysanne familiale agro écologique ;
5- Que les secteurs vitaux de la nation comprennent le caractère stratégique de Savanne Diane et des espaces présentant les mêmes caractéristiques éco systémiques qui devraient bénéficier d’investissements importants et qui ont toutes les potentialités nécessaires pour que le pays puisse atteindre la souveraineté alimentaire.
Aux organisations et mouvements paysans dans le pays, la PAPDA croit nécessaire, de :
1- Se mobiliser et manifester leur solidarité avec la SOFA pour que l’organisation puisse obtenir justice et réparation pour les dommages causés non seulement au niveau humain, mais aussi au niveau des infrastructures de la ferme-école féministe ;
2- Lancer et développer des mouvements de solidarité et des brigades de vigilance à travers tout le pays pour faire échec aux politiques anti-paysannes et contrer les violences exercées contre la paysannerie par les transnationales et le secteur des «affaires » rapace haïtien ;
3- Développer des synergies et articulations pour barrer la route au projet anti-paysan de l’Etat haïtien qui vise à consolider les bases du système d’exploitation et de marginalisation de la paysannerie haïtienne ;
4- Définir des stratégies de réponse face aux accaparements violents des terres, en prenant en exemple l’expérience du Mouvement des Sans Terre (MST) du Brésil pour consolider les bases de l’économie paysanne ;
Vive la lutte des paysannes pour le droit à la terre et la souveraineté alimentaire!
Vive la lute des femmes paysannes haïtiennes !
L’Agro écologie, seule alternative face à l’insécurité alimentaire et les problèmes environnementaux!
Ricot JEAN PIERRE
Directeur de Programme