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SOFA, RNDDH, POHDH, Kay Fanm mettent en garde contre toutes manoeuvres politico-judiciaires visant à substituer la victime à son agresseur

Face aux nombreuses tractations constatées dans le cadre du dossier de voies de fait suivies de viol perpétrés à l’encontre de Marie Danielle BERNADIN par Josué PIERRE-LOUIS, Président du Conseil Electoral Permanent (CEP) contesté, Solidarite Fanm Ayisyèn – SOFA, Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), Plateforme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains (POHDH), Kay Fanm se font le devoir de partager avec l’opinion publique leurs vives préoccupations.


A titre de rappel, le 26 novembre 2012, Marie Danielle BERNADIN emmenée au domicile de Josué PIERRE-LOUIS, est battue avant d’être violée par ce dernier. Le 28 novembre 2012, la victime porte plainte formellement au Parquet près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince contre son agresseur. Le dossier est transféré au Cabinet d’Instruction de Me Joseph Jeudilien FANFAN pour enquête judiciaire. Plusieurs actes d’instruction sont menés par le Magistrat lorsque brusquement Me Joseph Jeudilien FANFAN se dessaisit du dossier le 18 décembre 2012, suite aux nombreuses menaces proférées à son encontre par le frère de l’agresseur, Me Ikenson EDUME, lui-même Juge et Juge d’Instruction.

SOFA, RNDDH, POHDH, Kay Fanm soulignent à l’attention de tous et de toutes que, malgré que ces menaces aient été étalées au grand jour, le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique ou même le Doyen du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, n’ont pas jugé nécessaire de saisir le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) ce, en dépit du fait que l’article 22 de la Loi portant Création du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), leur fait cette obligation. En effet, cet article stipule :

« En matière disciplinaire, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire est saisi :

• Soit par le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique ;

• Soit par le Doyen du Tribunal Civil, en ce qui concerne les magistrats du siège en poste dans le ressort de son tribunal et pour les juges du Tribunal de Paix ;

• Soit par le Président de la Cour d’Appel, en ce qui concerne les magistrats du siège en poste, dans le ressort de sa cour

• Soit, selon les modalités énoncées à l’article suivant, par toute personne estimant avoir été directement victime du comportement d’un magistrat susceptible d’engager sa responsabilité disciplinaire »

Redistribué le 29 décembre 2012, l’instruction du dossier est confiée au Magistrat Merlan BELLABRE connu dans le système pour son sérieux. C’est pourquoi, SOFA, RNDDH, POHDH, Kay Fanm sont étonnés d’apprendre qu’au moins deux (2) rencontres sont réalisées entre le Magistrat lui-même et Josué PIERRE-LOUIS. Ce fait est d’autant plus troublant que Josué PIERRE-LOUIS continue de jouir des privilèges émanant de sa fonction, ce qui fait de lui un Tout Puissant et le met en situation d’utiliser son pouvoir ainsi que les ressources de l’Etat pour influencer l’instruction du dossier.

Parallèlement, l’instruction relative à la « plainte pour espionnage », déposée au Parquet près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince le 22 novembre 2012 par Me Josué PIERRE-LOUIS, numérotée R2-22-11-2012, est confiée au Magistrat Lamarre BELIZAIRE. Cette plainte, jugée fantaisiste, est contestée par les avocats de la victime, parce qu’elle est non conforme aux prescriptions des articles 58, 59, 60 et 61 du Code Pénal, relatifs à l’espionnage. En référence à ces articles, le fait par le Juge Instructeur Lamarre BELIZAIRE d’accepter de mener une enquête judiciaire sur la base de cette plainte est très préoccupant et témoigne de la volonté de quelques acteurs du système judiciaire de transformer Marie Danielle BERNADIN, victime de voies de fait suivies de viol en bourreau.

En ce sens, SOFA, RNDDH, POHDH, Kay Fanm dénoncent toutes les maneouvres politiques et judiciaires qui visent à substituer la victime à son agresseur. De plus, dans le cadre de ces deux (2) enquêtes judiciaires, SOFA, POHDH, Kay Fanm, RNDDH déplorent que :

• C’est la victime qui est chaque jour, invitée à tour de rôle à comparaitre par devant les Juges Instructeurs alors que Josué PIERRE-LOUIS, nullement inquiété reçoit au contraire les Magistrats à son bureau ;

• Le vendredi 18 janvier 2013, invitée par le Juge d’instruction Merlan BELLABRE, la victime est auditionnée. Cependant, c’est par la voie des ondes que les avocats de Josué PIERRE LOUIS ainsi que le Juge Merlan BELLABRE, annoncent une confrontation planifiée entre la victime et Josué PIERRE-LOUIS. Elle n’a pas été mise au courant, au même titre que l’autre partie.

Il est donc clair que dans l’enquête judiciaire de ces dossiers, certains points sont de nature à jeter de l’ombre sur le travail des deux (2) Magistrats Instructeurs, portant les organisations de droits humains et de droits de la femme à dénoncer la violation du principe de l’égalité devant la Justice, consacré par l’article 18 de la Constitution Haïtienne et par les articles 7 et 14 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.

SOFA, RNDDH, POHDH, Kay Fanm s’insurgent contre le fait que Josué PIERRE-LOUIS jouisse de l’impunité qui sévit dans le pays, impunité renforcée par le gouvernement Martelly / Lamothe. En effet, ce gouvernement a déjà fait preuve de son peu d’intérêt vis-à-vis d’une distribution saine de la Justice lorsque, dans le cadre de l’assassinat du citoyen Octanol DERISSAINT, il a désigné Fermo-Judes PAUL à titre de Juge d’instruction pour, expressément, procéder à la libération de Mercidieu Calixte VALENTIN, conseiller du Président Michel Joseph MARTELLY. Compte tenu de la tolérance affichée par le gouvernement actuel notamment vis-à-vis de ses protégés, SOFA, RNDDH, POHDH, Kay Fanm craignent que le dossier de coups et blessures suivies de viol n’ait pas le même sort que celui du citoyen Octanol DERISSAINT.

Aujourd’hui, il est évident que le dossier de Marie Danielle BERNADIN constitue une opportunité pour les autorités judiciaires de prouver qu’elles sont effectivement prêtes à mener des enquêtes judiciaires fiables, sans parti pris et à protéger le droit de tous les citoyens aux garanties judiciaires selon le voeux de la Loi haïtienne.

Port-au-Prince, le 22 janvier 2013


Annexe

Pour l’édification de tous SOFA, RNDDH, POHDH, Kay Fanm prennent le soin de retranscrire les articles 58, 59, 60 et 61 du Code Pénal qui traitent de l’espionnage :

Art 58.- Sera également puni de travaux forcés à perpétuité, quiconque aura pratiqué des manoeuvres ou entretenu des intelligences avec les ennemis de l’État, à l’effet de faciliter leur entrée sur le territoire et dépendances de la République, ou de leur livrer des villes, forteresses, places, postes, ports, magasins, arsenaux, vaisseaux ou bâtiments appartenant à Haïti, ou de fournir aux ennemis des secours en soldats, hommes, argent, vivres, armes ou munitions, ou de seconder les progrès de leurs armes sur les possessions ou contre les forces haïtiennes de terre ou de mer, soit en ébranlant la fidélité des officiers, soldats, matelots ou autres envers l’État et le Chef de l’État, soit de toute autre matière.- (Ainsi modifié par le décret du 4 Juillet 1988).- C. pén. 7-1°, 12.

Art. 59.- Tout fonctionnaire public, tout agent, tout préposé du gouvernement, chargé à raison de ses fonctions, du dépôt des plans de fortifications, arsenaux, ports ou rades, qui aura livré ces plans, ou l’un de ces plans, à l’ennemi ou aux agents de l’ennemi sera puni de travaux forcés à perpétuité.- (Ainsi modifié par le décret du 4 Juillet 1988).- C. pén. 7, 17, 33, 60.

Art. 60.- Toute autre personne qui, étant parvenue par corruption, fraude ou violence, à soustraire les dits plans, les aura livrés ou à l’ennemi ou aux agents d’une puissance étrangère sera puni comme le fonctionnaire ou agent mentionné dans l’article précédent, et selon les distinctions qui y sont établies.

Si les dits plans se trouvaient sans le préalable emploi de mauvaises voies, entre les mains de la personne qui les a livrés, la peine sera :

Au premier cas mentionné dans l’article 59, la réclusion; et au second cas du même article, un emprisonnement d’un an à trois ans.

Art. 61.- Quiconque aura recelé, ou aura fait receler les espions ou les soldats ennemis, envoyés à la découverte, et qu’il aura connus pour tels, sera condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité.- C. pén. 7-1°, 12, 46, 67.
Art. 62.- Quiconque aura, par des actes non approuvés par le gouvernement, exposé des Haïtiens à éprouver des représailles, sera puni de la réclusion.- C. pén. 7-4°, 17, 33, 34.

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