ne ritournelle du langage libéral et des politiques de droite (et parfois de gauche) qui évoquent la question de la ‘productivité’ des entreprises, consiste à lier les difficultés observées aux ‘contraintes’ sociales.
L’esclavage et le servage ayant été abolis, il a bien fallu un jour songer à rémunérer la force de travail…
– Nous avons connu le temps des conquêtes lorsque le ‘travailleur’ savait faire valoir, représenté qu’il était par des syndicats et des parti politiques de gauche, qu’il était à l’origine de la production de toutes les richesses ! Et que le salaire était un du non négociable qui a pu atteindre chez nous et dépasser parfois 70% de la valeur ajoutée des entreprises.
– Dans la période plus sombre des vingt dernières années plus de dix points ont été perdus de ces 70% au profit des actionnaires et des circuits financiers. Plus grave encore les ‘travailleurs’ ont consenti à se laisser dénommer ‘salarié’, effaçant le mot qui explicitait clairement leur rôle dans la production et comportait leur dignité, pour le remplacer par un mot qui les réduits à leur ‘coût’ pour l’entreprise : leur salaire ! L’homme ou la femme étant alors réduit à sa valeur marchande, au même titre que la matière première qu’il manipule parfois pour en extraire une plus value. Devenu lui aussi marchandise, le seul indicateur résiduel pour le patronat est la ‘plus value’ qui peut être extraite de chaque individu… (1) Celle-ci est d’autant plus élevée que le salaire sera bas.
Deux grandes périodes ont jalonné cette déchéance des droits et de la dignité des travailleurs, accompagnées d’autres mesures visant à affaiblir sa protection juridique par le démantèlement du code du travail et l’impunité renforcée des forces d’exploitation de ceux-ci, en toutes circonstances, y compris celles mettant en danger les travailleurs eux mêmes.
– La première charge a déjà été victorieuse et concernait les cotisations sociales : Le CNPF (Centre national du Patronat Français), devenu MEDEF (Ce mouvement des entreprises de France qui flaire bon le travail et la patrie) ont fait avec une constance jamais relâchée de l’allègement ou suppression de ce qu’ils nommaient ‘charge’ une bataille prioritaire depuis plusieurs décennies. Force est de constater que :
– Pour le patronat cette bataille a été victorieuse si on prend la mesure des exonérations totales ou allègements successifs concédés par des gouvernements de droite autant que de gauche, la poursuite de ces mesures est encore incluse dans les programmes de la social démocratie.
– Pourtant ce refus de contribution à la solidarité nationale est un vol pur et simple sur la masse salariale, dont la part qui devait par l’employeur être reversée aux caisses de la protection sociale est clairement retenue ici, de façon indue et contre le gré et l’intérêt de chaque travailleur et chaque citoyen…
– Aucun indicateur sérieux ne permet de valider la prétention qu’aurait pu avoir cette mesure qui était de favoriser aussi l’embauche en ‘allégeant’ le coût du travail. Ces mesures n’ont entravé ni la montée du chômage ni l’arrivée de ‘la crise’ !
– Les seuls bénéficiaires au moins temporaires de ces allègements de charge ont été les capitalistes eux mêmes et leurs actionnaires qui, au dépend des travailleurs spoliés d’une part de leur salaire indirect, voyaient leurs dividendes protégées, maintenues et parfois augmentées alors même que la dégradation des conditions, de la rémunération et de la masse des emplois disponibles se dégradait.
– Une deuxième charge visant a s’attaquer au ‘salaire minimum’ lui même est en cours. Elle était dans les ‘cartons’ des libéraux depuis des décennies mais tellement socialement inacceptable que différée dans ses applications ou contournée de façon à obtenir un résultat comparable sans paraître toucher aux fondamentaux du contrat de travail.
Nous avons connu l’extension massive des ‘stagiaires’ non rémunérés, temporaires, à l’essai, qui dans certaines branches représentaient une part non négligeable de la force productive avec un travail de fait ‘gratuit’ , payé seulement d’une promesse d’enrichissement d’un CV et de la promesse d’une meilleure ‘employabilité’ ultérieure. C’est par centaines de milliers que des jeunes, même très diplômés ont subit ce vol pur et simple du fruit de leur labeur et des efforts consentis pour leur formation. Nous avons connu l’extension du travail à temps partiel, y compris ‘non choisi’ permettant par le chantage à l’emploi de créer une masse importante de travailleurs, souvent des femmes, payée en dessous du salaire minimum. Nous avons connu le faux rejet puis l’application de la directive Bolkestein (2) avec l’idée du salaire indexé sur celui du pays d’origine du travailleur ou du pays du siège social de l’entreprise, permettant de payer chez nous un ouvrier qualifié avec l’équivalent de quelques roupies ou piastres dévalués (c’est une image) ; des entreprises qui se délocalisent depuis la France proposent explicitement à des travailleurs d’aller expérimenter dans le pays récepteur la paie au tarif local ! Il a déjà été mis en place en Allemagne (3-4) depuis le Plan Hartz 4 une réduction effective des rémunérations avec des salaires horaires entre un et quatre euros chez des demandeurs d’emploi menacés de perdre tous leurs droits sociaux s’ils refusaient une telle offre ! (Et on nous parle du modèle allemand qu’il faudrait imiter pour sortir de la crise, c’est-à-dire pour sauver et enrichir plus encore le capitalisme !)
Une offensive plus frontale, encouragée par la docilité du monde du travail déjà fragilisé par la crise économique et le chômage, et porteur de lourdes inquiétudes pour un lendemain proche, ose désormais poser explicitement la question de l’abrogation du ‘salaire minimum’, le MEDEF en rêvait, le gouvernement le propose…’Rendez les précaires, vous les rendrez dociles’ avait résumé Pierre Bourdieu pour expliquer la tolérance au pire du monde du travail. Il ne manquait pas de voix et d’experts même à gauche pour exploiter cette opportunité (5- 6)
Alors sans entrer dans les détails et les nuances de la question, (7- 8) affirmons seulement que : Ce n’est pas le ‘salaire minimum’ qui ‘détruit la compétitivité’, bien plutôt l’effondrement du marché résultant de l’effondrement du pouvoir d’achat. Ce n’est pas le ‘salaire minimum’ qui mérite l’attention des économistes et des politiques, c’est la spoliation de la valeur ajoutée fournie par le travail, et par lui seul, au bénéfice des actionnaires et des spéculateurs !
Un enjeu majeur :
– Le salaire minimum est un acquis social qui est le dernier rempart contre l’exploitation éhontée du travailleur qui peut dans ses formes extrêmes atteindre à un retour de l’esclavage, c’est-à-dire ne fournir au travailleur que le minimum nécessaire à sa ‘survie’ ; avec encore une nuance qui est que le chômage de millions de personnes dans la zone européenne peut même s’accommoder du pire, l’effondrement la mort ou le suicide de l’exploité, tant il est assuré qu’un autre quémandeur d’emploi prendra la relève, fusse dans les pire conditions !
– Alors osons affirmer que le salaire minimum n’est pas une variable d’ajustement du capitalisme chancelant, il est un socle du contrat social qui mérite non seulement d’être protégé, mais élevé jusqu’à un taux bien plus décent que le taux actuel et étendu avec équité sur toute la zone d’influence de nos entreprises et politiques économiques, y compris dans les délocalisations qui ne sont que des formes post coloniales d’exploitation de la misère du monde. La défense de la dignité des travailleurs d’ici ne peut se dissocier de la défense de la dignité des travailleurs de là bas, que ce soit au Maroc, en Roumanie, en Pologne ou en Chine !
– Aucun programme politique de gauche ne devrait accepter les exonérations de charge, c’est-à-dire le refus de solidarité des entreprises avec l’intérêt général du pays et la protection offerte à chaque citoyen ; ni la remise en cause du salaire minimum dont seule l’augmentation est d’actualité.
– La seule variable d’ajustement acceptable est l’abolition des privilèges que se concèdent à eux mêmes et à leurs actionnaires les capitalistes, en attendant une indispensable fin de la propriété privée des moyens de production et un contrôle des travailleurs eux mêmes sur leur production et la répartition des richesses qu’ils sont les seuls à produire.
– Si nous n’y prenons garde ou fléchissons dans nos résistances ou sommes timorés dans nos ambitions, le sort qui nous attend est de parvenir à la généralisation du concept de ‘Fin de Droit’ dont nous nous accommodons déjà, dans certaines circonstances (9) révélatrices de nos aveuglements, de nos lâchetés ou de notre servitude volontaire.
(1) 24 février 2009- Note sur quelques dépossessions sémantiques -Social – Santé : les mots sont importants. Jacques RICHAUD http://www.legrandsoir.info/Social-Sante-les-mots-sont-impor
(2) Dans la plus grande discrétion -La directive « Bolkestein » transposée dans la législation française ! Jeudi 31 décembre 2009 par Jean-Jacques Chavigné http://www.democratie-socialisme.org/spip.php?article2038
(3) Tag archives ‘Hartz 4’- Le travail en Allemagne – la rentrée 2009- Posted in travail on sept 2nd, 2009 http://allemagne-et-plus.a18t.net/?tag=hartz-4
(4) Allemagne : cinq ans après les réformes « Hartz IV » – Par BRUNO AMABLE professeur de sciences économiques à l’université Paris-I Panthéon- Sorbonne. http://www.liberation.fr/economie/0101614432-allemagne-cinq-…
(5) De ‘ Bulle’ en ‘ Bulle’….Un homme tombe peut-être… par Jacques Richaud Publié 13 février 2008 https://socio13.wordpress.com/2008/02/13/de-%E2%80%98-bulle%…
(6) 16 décembre 2007 -Une gauche, … ou deux gauches ? Dominique Strauss-Kahn, le « Chicago boy » du FMI venu de Sarcelle nous donne la réponse. Jacques RICHAUD http://www.legrandsoir.info/Une-gauche-ou-deux-gauches-Domin…
(7) Smic 21 mars 2012 Fondation Copernic http://www.fondation-copernic.org/spip.php?article589
(8) Les bonnes idées du Medef pour remettre jeunes et vieux au travail- Par Ivan du Roy, Nadia Djabali (15 novembre 2010) http://www.bastamag.net/article1282.html
(9) « FIN DE DROIT ! »……L’ULTIME DEPOSSESSION http://www.npa31.org/tribune/fin-de-droit-%E2%80%A6%E2%80%A6…