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Appel des mouvements sociaux sur l’accaparment des terres

Nous, mouvements sociaux venus des différents milieux ruraux , périurbains et urbains des 8 régions du Mali , d’Afrique de l’Ouest, du Centre , du Sud , Nord et Australe, d’Amérique Latine, d’Asie , d’Europe nous sommes réunis à Niono, dans la zone Office du Niger à la dixième édition du Forum des Peuples du 31 octobre au 3 novembre 2011 en contre poids au G20 à Cannes.


S’inscrivant dans la continuité des actions de résistances citoyennes de la journée de manifestation populaire contre le G8 (27 juin 2010), journées mondiales des habitants (23 octobre 2011) sur les fonciers périurbain et urbain ; conférence internationale à Sélingue (17 au 21 novembre 2011) , du forum minier de Sitakily (22 au 24 novembre 2011) et du COP 17 à Durban en Afrique du Sud (29 novembre au 9 décembre 2011) et la journée « Carton rouge » (2 décembre 2011), lançons l’appel suivant :

Répondant aux revendications et propositions d’alternatives des organisation paysannes notamment en zone Office du Niger,

Analysant la situation d’extrême précarité des couches paysannes notamment les petits paysans, vivant d’une agriculture de subsistance sur des petits lopins de terre – non prise en compte dans les politiques agricoles et la difficultés d’accès à l’information sur les politiques des gouvernement en matière de cessions massives ( location ou vente) aux investisseurs privés (étrangers et nationaux) ;

Estimant que les récents accaparements massifs des terres au profit d’intérêts privés ou d’Etats tiers ciblant des dizaines de millions d’hectares – que ce soit pour des raisons alimentaires, énergétiques, minières, environnementales, touristiques, spéculatives, géopolitiques – portent atteinte aux droits humains et nationaux en privant les communautés locales, indigènes, paysannes, pastorales et de pêcheries artisanales de moyens de production. Il restreint leur accès aux ressources naturelles ou les privant de la liberté de produire comme ils le souhaitent. Ces accaparements de terres agricoles aggravent également les inégalités d’accès et de contrôle foncier au détriment des pauvres et singulièrement des femmes et des jeunes.

Considérant que :

• les dispositions de la Loi d’Orientation Agricole concernant le foncier agricole ;

• les violations flagrantes des Droits de l’Homme et du Citoyen à travers les nombreuses et horribles atteintes à intégrité physique et morale des populations paysannes dans es plaines rizicoles et zones l’Office du Niger ;

• les expropriations violentes suivies d’arrestations arbitraires de populations de Sanamandougou, San, Saou et de Senzani (Sansanding) ;

• l’arrestation et la détention particulière de 45 paysans de 7 villages des communes de N’Gouan et de Djéguéna depuis juillet 2011 ;

• l’occupation brusque et brutale des terres par des investisseurs et spéculateurs au mépris des populations et à travers des contrats non transparents (Modibo KEITA à Sanamadougou et SOCIMAR à Sensanding) ;

Rappelons au Gouvernement que :

• chaque malienne et chaque malien a droit à la propriété foncière conformément à la déclaration des Droits de l’Homme et à la Charte Africaine des Droits Sociaux, Économiques et Culturels, et que le Mali doit respecter ces droits ;

• nos traditions et cultures ancestrales, les terres ne sont pas à vendre ni à louer ;

• la terre , l’eau , les forêts et toutes ressources d’Afrique font partir du patrimoine national et / ou continental et sont inaliénables ;

• les droits coutumiers – ratifiés en 1987- ont permis à nos populations de promouvoir le métier de paysans et le vivre ensemble.

Considérant que :

• dans le milieu rural toutes les transactions sont faites sans consultation des populations au point qu’elles disent n’être informées que par la télévision. A cet effet, les populations s’interrogent sur ces projets d’investisseurs en terme de superficie et d’utilisation ;

• en zone -peri urbaine et urbaine, les expropriations par les pouvoirs politiques pour cause d’utilité publique (logements sociaux, aménagements des marchés locaux ) et d’urbanisation se font sans respect des procédures ;

• la cession massive de terres agricoles aux investisseurs privés est un facteur aliénation de la souveraineté nationale, de transformation des agricultures paysannes en des sans terres, voués soit à disparaitre, soit à l’exode rural massif au mieux à devenir des ouvriers agricoles. En somme,la cession massive des terres est un facteur d’oppression nationale et d’appauvrissement de nos populations laborieuses ;

• les solutions à la famine et la pauvreté, à la dégradation de l’environnement et au changement climatique résident dans les mains des agricultures paysannes et non des investisseurs privés ;

• la nouvelle constitution promise en referendum, reste floue sur la garantie des propriétés et les conditions d’expropriation et de dédommagement ;

Nous, participantes et participants au Forum des peuples à Niono exigeons des mesures alternatives ci-dessous :

Exhortons le gouvernement du Mali à respecter les dispositions de la Loi d’orientation agricole par l’adoption concertée d’une politique foncière agricole (article 77),

Exigeons des Gouvernements Malien et africains à engager le dialogue politique avec les couches paysannes comme acteurs politiques et secteur économique ; par l’organisation des tables rondes nationales autour de la problématique du foncier agricole et la politique d’investissement public dans le secteur – en vue d’informer l’opinion publique nationale sur les orientations et ambitions.

Exigeons la cessation immédiate des expropriations et des spoliations sur les terres appartenant à la population en général dans nos offices Agricoles, en milieu rural et dans les centres péri urbains et urbains ;

Exigeons la libération de tous les détenus du foncier et leur remise dans leurs droits ;

Soutenons les résistances pour une réappropriation des terres, de l‘eau, des forêts et des agricultures paysannes ;

Appelons à cet effet, à la convergence des luttes et à leur soutien mutuel autour de plateformes revendicatives populaires ;

Demandons la publication des recommandations et résolutions des états généraux du foncier ;

Appelons à la création des groupes de surveillance citoyens sur le foncier dans les milieux rural et urbain ;

Nous nous réjouissons que le Comité de suivi mis en place à Kolongo le 20 novembre 2010 a été renforcé à travers les acteurs de la convergence des luttes. Il est ainsi légitimé comme interlocuteur avec le Gouvernement et es autres acteurs.

• La création de l’observatoire national sur le foncier sous le contrôle citoyen ;

• Le respect des droits des communautés de base sur leurs terres, forêts, sources d’eau, zones minières, bio diversité, etc ;

• L’officialisation et la sécurisation foncière des exploitations familiales en mettant à disposition des documents administratifs garantissant les droits sur celles-ci à un coût socialement acceptable (tel que annoncé dans certaines politique et Loi d’Orientation Agricole et les recommandations du Forum sur le foncier) ;

• La bonne identification des us et coutumes sur le foncier agricole et minier et la création des commissions rurales pour la gestion des concessions rurales avec les collectivités territoriales ;

Exigeons le cadastre des terres :

• La promotion des exploitations paysannes et professionnelles auto-écologie et l’eau comme moyen de vaincre la malnutrition, la faim au Mali et en Afrique ;

• Le soutien à la souveraineté alimentaire, la diversification, la transformation locale des produits agricoles, le développement des marchés locaux, nationaux et régionaux ;

• Le contrôle parlementaire des baux sur les terres agricoles et minières avec restitution publique.

Exigeons la dénonciation et la répression, suivant les principes et dispositions de droit, de tous les acteurs et de toute autorité se livrant aux pratiques d’exploitation et de domination de notre peuple sur la ressource foncière, gage de notre souveraineté et de notre autonomie nationale et citoyenne.

Nous nous joignons aux autres mouvements sociaux d’Afrique et d’ailleurs pour dire NON à la Directive pour les « investisseurs responsables » de la Banque Mondiale et alliés, qui ne sont qu’un moyen de légitimation de la privatisation des ressources naturelles et de fabrication des « paysans sans terre » au Mali et en Afrique.