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Déclaration de l’Assemblée des Mouvements Sociaux IVème Forum social des Amériques

Asunción, 15 août 2010
Notre Amérique est en marche !
¡ Ñane Amérika Tee Oñemongu’ Ehína !

Nous, mouvements sociaux présents au 4ème Forum Social des Amériques, à Asunción (Paraguay), nous réaffirmons notre solidarité et notre engagement envers le peuple du Paraguay, devant la nécessité urgente de progrès dans le processus de transformations profondes, pour qu’il retrouve la souveraineté sur son territoire, sur ses biens communs et ses ressources énergétiques, ainsi que pour la réalisation de la réforme agraire et une répartition égalitaire de la richesse.


Nous sommes dans un continent où, dans les dernières décennies, il y a eu un rapprochement entre les mouvements sociaux et mouvements indigènes, qui, par leur savoir-faire ancestral et leur mémoire historique, remettent radicalement en cause le système capitaliste. Ces dernières années, le renouvellement des luttes sociales a entraîné le départ de gouvernements néolibéraux et l’émergence de gouvernements qui ont mis en œuvre des réformes positives comme la nationalisation de secteurs vitaux de l’économie et des transformations constitutionnelle profondes.

Cependant, les droites du continent se sont réorganisées afin d’arrêter tout processus de changement. Elles continuent à agir depuis leurs bastions politiques, économiques, médiatiques, judiciaires, et ce à quoi s’ajoute une nouvelle offensive de l’impérialisme – même militaire – qui les appuie. Depuis le
dernier Forum social des Amériques, qui s’est tenue au Guatemala en 2008, nous avons été témoins du coup d’État au Honduras, de l’augmentation de la présence militaire américaine à travers notre Amérique. Les accords pour l’installation de bases militaires se multiplient, alors que la 4ème Flotte
Américaine occupe nos mers. Il s’agit d’un effort systématique visant à déstabiliser la démocratie dans le continent, alors que les mouvements sociaux sont de plus en plus criminalisés et réprimés.

Nous dénonçons l’illégitimité du président, de facto, du Honduras, Porfirio Lobo, et dans le même temps, nous saluons la résistance de son peuple et nous soutenons sa lutte pour une refondation constitutionnelle afin d’établir une véritable démocratie.

Nous soutenons la lutte du peuple haïtien, qui n’a pas besoin d’une intervention militaire et d’une occupation économique pour sa reconstruction. Au contraire, nous exigeons que la souveraineté du pays soit respectée et que d’autres pays s’engagent dans une coopération solidaire dans les domaines
de la santé, de l’éducation, de l’agriculture et tous ceux qui sont requis. Nous exigeons l’annulation inconditionnelle de la dette et nous rejetons le nouveau processus d’endettement illégitime.

Complétant cette offensive, se poursuit la vague de traités de libre-échange, sous toutes leurs formes. C’est l’élément central de la stratégie de l’Union européenne, l’autre puissance néocoloniale qui opère en Amérique latine et aux Caraïbes. Les chevilles ouvrières que sont les Institutions Financières Internationales – Banque Mondiale, Fonds Monétaire International, les banques régionales de « développement » et les groupes bancaires privés – sont en train de créer de nouveaux et énormes endettements ayant des impacts directs sur les peuples et la nature.

Toutes ces menaces sont liées à un même modèle de développement exclusif, prédateur et basé sur les exportations primaires, modèle qui s’approfondit sur de nombreux territoires, expulsant des populations, provoquant déracinement et migrations. La crise systémique actuelle montre l’épuisement du modèle capitaliste – et plus particulièrement de ses centres de pouvoir : les banques, les sociétés transnationales et les gouvernements du G8. Aujourd’hui plus que jamais, les tentatives pour faire glisser le monde entier à une limite sont visibles, jusqu’à utiliser la menace d’une guerre nucléaire par
les États-Unis.

La protection du patrimoine naturel face au capitalisme prédateur est devenu un axe majeur de l’agenda de luttes de toujours plus d’organisations populaires et de mouvements sociaux. Se renforce ainsi un front commun contre la destruction de la nature et contre les fausses solutions « d’écologie de marché » et de « capitalisme vert », comme les marchés du carbone, les biocarburants, les OGM et la géoingénierie, solutions qui sont promues par les centres pouvoir face à la menace du changement climatique. Nous dénonçons les gouvernements des pays du Nord géopolitique qui, plutôt que de penser à faire face aux graves conséquences du changement climatique, cherchent à éviter leurs responsabilités et à développer de nouveaux mécanismes de marché du carbone pour accroître leurs profits, comme le mécanisme de « Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation
des forêts » (REDD), qui favorise la marchandisation et la privatisation des forêts et la perte de souveraineté sur les territoires. Nous refusons de tels mécanismes.

Nous demandons que ces pays réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre et qu’un Tribunal International sur la justice climatique soit créé. Nous réaffirmons les propositions de l’accord de Cochabamba, produit lors de la Conférence mondiale des peuples sur les changements climatiques et les droits de la Terre-Mère, lesquelles reconnaissent que les vraies solutions face au réchauffement climatique sont la souveraineté alimentaire, la récupération des terres et la réforme agraire, l’agriculture paysanne et l’intégration et la solidarité entre les peuples.

Nous, mouvements sociaux sommes confrontés à une occasion historique de développer des initiatives d’émancipation à l’échelle internationale. Seules les luttes de nos peuples permettront de progresser vers la yby marane’y (terre sans mal) et de réaliser le tekoporã (le bien vivre). Nous nous engageons à renforcer la lutte pour la souveraineté de nos peuples, la souveraineté alimentaire, la souveraineté énergétique et la souveraineté des femmes sur leur corps et leur vie, et la reconnaissance de la diversité sexuelle. Nous construisons des alternatives qui s’appuient sur l’accumulation des résistances
et depuis les interactions de divers points de vue, anticapitaliste, antipatriarcal, anticolonial et antiraciste, en même temps que nous avançons sur un autre paradigme, fondé sur l’égalité, le bien-vivre, la souveraineté et l’intégration fondée sur le principe de solidarité entre les peuples.

Asunción, Paraguay, le 15 août 2010

Traduction réalisée par Maxime Combes

Dans le cadre du projet Echo des Alternatives (http://www.alter-echos.org)