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Intervention du Député européen Kader Arif sur les Accords de Partenariat Économiques

Kader Arif – Député européen, 1er Vice-Président de l’Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE et Porte-parole des socialistes et démocrates européens en matière de commerce international – à fait une intervention intéressante sur les APE lors de la XIXème session de l’Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE. Il critique fortement l’ouverture du marché à 80% des pays ACP [Pays pauvres de l’Afrique, Pacifique et Caraïbes] et questionne les objectifs des APE. L’objectif des APE est d’abord le développement, mais les nombreuses réticences […] montrent que personne ne croit que ces accords, en l’état, puissent conduire au développement.

XIXème session de l’Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE
Tenerife, 31 mars 2010

Accords de partenariat économique – Etat d’avancement

Messieurs les co-présidents, chers collègues,

Encore un débat sur les Accords de Partenariat Economique, ai-je envie de dire… Est-il vraiment nécessaire de revenir sur le fond ? Cela fait des années que nous interpelons la Commission européenne sur ce sujet : questions écrites, débats en plénière, résolutions, déclarations, brochures, rencontres avec la société civile, les représentants des pays ACP et européens, négociateurs de la Commission et commissaires eux-mêmes : ils se succèdent et apportent toujours la même réponse : oui la priorité est bien le développement, non ne vous
en faites pas, tout ira bien et on conclura bientôt.

Alors aujourd’hui je tiens à le dire : non tout ne va pas bien.
Partout les négociations sont au point mort, et même les pays qui ont signé des accords intérimaires souhaitent les renégocier. Nous avons donc un problème. Les APE, tels qu’ils sont proposés, sont un problème.

Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé : certains pays ACP ont cru dans le pari des APE, et des parlementaires se sont engagés à leurs côtés. Je tiens d’ailleurs à rappeler le travail continu et engagé de David Martin avec les pays du Cariforum, pour parvenir à un accord qui soit le plus pro-développement possible.

Mais pourquoi maintenir à dessein l’illusion d’une conclusion
prochaine des négociations, alors que l’enlisement est patent ? J’ai envie de dire : des APE, pour quoi faire ? Quel but poursuivons-nous aujourd’hui ?

L’objectif des APE est d’abord le développement, mais les nombreuses réticences sur les accords conclus ou en cours de négociations montrent que personne ne croit que ces accords, en l’état, puissent conduire au développement.

Second objectif, l’intégration régionale. Je n’accepte pas le procès qui est fait aujourd’hui, selon lequel nous aurions été trop ambitieux au départ. Ne jamais renoncer à ses ambitions, mais savoir s’en donner les moyens, malheureusement ce n’est pas ce qui a été fait jusqu’à présent. Aujourd’hui, lorsque la Commission dit que l’intégration régionale a échoué, à aucun moment elle ne remet en cause ses méthodes de négociation, ou le contenu politique qu’elle a tenté d’imposer à nos partenaires ACP et qui bien entendu était inacceptable pour eux.
Si elle prend acte de l’échec de l’intégration régionale, ce n’est que pour mieux rebondir sur des accords bilatéraux, dont nous savons malheureusement trop bien qu’ils se concluent toujours au bénéfice du plus fort et au détriment du plus faible. Ceci n’est pas acceptable.

Alors aujourd’hui, en l’absence de véritable projet, quels sont les moyens à notre disposition pour travailler avec nos partenaires ? Le FED est le principal instrument de notre coopération, et je me réjouis que cette session soit l’occasion d’adopter une position claire de notre assemblée sur les documents de stratégie régionale. Mais là-aussi, pour ne prendre que l’exemple de l’Afrique centrale, pour laquelle j’étais co-rapporteur, j’ai pu constater que la Commission
n’envisage ses relations avec les pays ACP que par le prisme des APE : 65% des fonds du FED y sont ainsi consacrés, alors que rien n’est dit sur l’éducation, la santé ou la sécurité alimentaire. Quel est le sens d’une telle politique ? Lorsque j’ai demandé à la Commission pourquoi les Objectifs sur Millénaire pour le Développement n’étaient pas mentionnés dans le Document de Stratégie Régionale, on m’a répondu que l’accompagnement des APE permettait d’atteindre le 1er bjectif, à savoir l’éradication de la pauvreté et de la faim. Un commerce qui permettrait à lui seul d’atteindre le développement, sans qu’il soit nécessaire de bâtir une stratégie pour cela. La Commission va-t-elle vraiment nous faire croire que des pays, qui n’ont pas réussi à se
développer malgré 35 ans de protection avec libre accès au marché européen, arriveront soudain à sortir de la pauvreté lorsqu’ils seront ouverts à 80% des exportations de l’Europe ? Personnellement, je n’y crois pas.

Alors, quand la volonté politique faiblit, quand les objectifs
initiaux ne sont plus au rendez-vous, je me pose une question simple : faut il changer d’objectif ou changer de méthode ? C’est la seule question qui vaille. Ma conviction est qu’il faut changer de méthode, mais cela implique une remise en cause fondamentale de la part de la Commission, autour des questions suivantes : Où allons-nous? Pourquoi ? Et sommes-nous prêts à le faire ensemble ?

Intervention de Kader Arif lors de la XIXème session de l’Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE
Tenerife, 31 mars 2010

Kader Arif est Député européen, 1er Vice-Président de l’Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE et Porte-parole des socialistes et démocrates européens en matière de commerce international