Le vendredi 23 janvier quelques centaines d’haïtiens étaient rassemblés à la faculté d’ethnologie de Port-au-Prince pour célébrer le cinquantenaire de la révolution Cubaine. Pour les interlocuteurs, Cuba est l’exemple par excellence qu’il existe une alternative au néolibéralisme, qui est depuis des décennies le dogme des différents gouvernements Haïtiens.
Ce voisin à l’ouest est la preuve vivante qu’une petite île, sans ressources dans son sou-sol et dans la proximité immédiat des États Unis, est capable de se développer sans devoir se mettre à genoux pour se laisser fouetter par des bailleurs de fonds en espérant une aumône pour acheter de quoi manger afin de calmer les masses.
Le consul Cubain, Carlos Moya, qui était plusieurs fois interrompu pendant son discours par des applaudissements, tenait aussi à informer « il a fallu un premier janvier 1804 pour ce qu’il y ait eu un premier janvier 1959, ». La révolution qui a mené à l’indépendance d’Haïti en 1804 a inspiré non seulement les libérateurs qui ont chassé les colonisateurs Espagnols, mais aussi Fidel Castro et ses révolutionnaires dans la lutte qui à mené à la fuite du dictateur Batista en 1959 qui avait fait de l’île un protectorat des États Unis.
Ces cinquante ans de révolution ont été cinquante ans de lutte et de triomphe a martelé le représentant Cubain. De lutte parce que Cuba était affronté à un État très puissant: les États-Unis qui ont toujours voulu casser la révolution Cubaine, c’est un exemple qui ne leur convient pas. C’est la raison pour laquelle il existe un embargo depuis quarante ans. Le gouvernement Cubain, avec l’appui du peuple, a pu réaliser un tas de programmes sociaux. Par exemple, la distributions des terres aux paysans, l’alphabétisation du peuple, l’organisation des services de santé et d’éducation gratuites.
Cuba n’est pas un pays pauvre, mais un pays riche. Il n’a pas de ressources naturelles en abondance, mais la révolution a crée des ressources humaines qui permettent à l’île d’avoir aujourd’hui des relations de coopération avec plus de cent pays. Un de ces pays est Haïti où travaillent des centaines de collaborateurs Cubains. Plus de 400 médecins sont éparpillés dans les 10 départements d’Haïti. A cela s’ajoutent des collaborateurs travaillant dans l’agriculture, dans l’industrie sucrière, dans l’énergie électrique, dans l’éducation et dans d’autres secteurs.
Le Professeur Camille Chalmers a évoqué l’opportunité qui existe aujourd’hui pour Haïti d’entrer dans des nouvelles communautés et organisations de coopération qui existent entre certains États de la région. Notamment l’initiative du président Vénézuélien Hugo Chavez Alternativa Bolivariana para los Pueblos de Nuestra América (ALBA, Alternative bolivarienne pour les Amériques) est prometteur. Il s’agit d’un schéma intégrateur qui ne se limite pas au simple commerce mais qui se fonde sur les bases historiques et culturelles communes des pays de l’Amérique Latine et des Caraïbes. Plutôt que d’ordonner des privatisations, l’ALBA favorise au contraire le secteur public. A part le Vénézuela, le Cuba, la Dominique, la Bolivie, l’Honduras et le Nicaragua, Haïti devrait considérer une adhésion qui est une véritable alternative au Consensus de Washington qui vise la libéralisation.
L’un des participants dans la salle réclamait que l’État Haïtien choisisse finalement son camp. Ça fait des années que des discussions de fiançailles sont en cours. Mais Haïti Chérie, ou du moins son gouvernement, ne peut choisir. Elle s’est arrangé des petits ménages avec Cuba et Vénézuela d’un côté et de l’autre ses gouvernements continuent à se remplir les estomacs et les poches à table avec son autre petit-ménage: les États-Unis. Plus musclé et plus agressif, mais comme il jette ses dollars vers différents dirigeants Haïtiens et l’élite locale, ils préfèrent rester à table, malgré le peuple qui peine à survivre dans les champs ou dans les bidonvilles. « Il faut que le gouvernement haïtien décide !». Un applaudissement assourdissant suit. Les participants, eux, ont déjà depuis longtemps choisi leur camp.
Dans la foulée, plusieurs critiques ont été faites par rapport à la présence des Casques Bleus par des participants dans la salle. La MINUSTAH est considérée comme l’armée qui défend les intérêts de l’élite locale et des états étrangers du Nord qui prétendent aider au développement du pays. C’est une armée qui, toujours selon les participants, viole de façon quotidienne la souveraineté haïtienne. « La MINUSTAH ne rapporte rien au pays. Ils ne font que garder Haïti dans un état de dépendance. Ils sont là pour empêcher des reformes qui rompent avec le néolibéralisme. » De haute voix les participants ont exigé le départ des Casques Bleus afin qui le pays puisse finalement gagner sa souveraineté.