La crise à laquelle on assiste aujourd’hui ébranle les fondements mêmes du capitalisme néo-libéral. Elle se développe à une vitesse accélérée, et personne n’est
en mesure de dire où elle conduit. Cet article n’a pas pour fonction de suivre pas à pas son déroulement car il risquerait d’être dépassé au moment de sa parution1. Il
voudrait plutôt proposer quelques clés d’interprétation et montrer quels sont les enjeux sociaux de cette crise.
La mécanique de la crise financière
La complexité de la crise financière donne un peu le vertige, mais il est quand même possible de dégager ses principaux mécanismes2. Le point de départ est l’existence d’une masse considérable de capitaux « libres » à la recherche d’une rentabilité maximale. Périodiquement, ces capitaux découvrent un nouveau filon et déclenchent un emballement qui s’alimente de « prophéties autoréalisatrices » : en se précipitant sur ce qui semble le plus rentable, on en fait monter le coût et on
confirme ainsi l’optimisme de départ. Les avertissements de ceux qui expliquent que la Bourse ou le marché hypothécaire ne peuvent monter jusqu’au ciel sont tournés en ridicule, puisque ça marche.
Le graphique 1 rappelle ces principaux épisodes : krach boursier de 1987, suivi d’un autre en 1990 précédant la première intervention en Irak. A partir du milieu des
années 1995, commence la période dite de la « nouvelle économie » qui s’accompagne d’une croissance délirante de la Bourse. Les crises en Asie du Sud-Est et en Russie – et la faillite de LTCM aux Etats-Unis – ne dégonflent que
provisoirement la bulle en 1998, et c’est au début de l’année 2000 que celle-ci éclate violemment. La fuite en avant recommence deux ans plus tard et conduit
finalement à la crise des subprimes en juillet 2007.
Pour que la bulle puisse prendre son essor, les capitaux disponibles ne suffisent pas ; il faut aussi que la réglementation n’y fasse pas obstacle. Or, elle a été tournée par des décisions d’ordre politique et par la mise en oeuvre d’innovations financières sophistiquées et de pratiques de plus en plus opaques. On peut citer l’effet de levier qui permet de démultiplier la somme dont une institution financière dispose initialement. Les produits dérivés permettent des opérations compliquées d’achat et de vente à terme. Les banques peuvent se débarrasser de leurs créances douteuses en les plaçant avec d’autres dans une sorte de pochette-surprise qui peut ensuite être vendue sous forme de titre (d’où le terme de titrisation). Le risque attaché aux différentes créances se met à circuler et ne fait plus partie du bilan, échappant ainsi aux règles prudentielles qui imposent une certaine proportion de fonds propres.
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