Les organisations membres de la coalition «Bare APE» tiennent à fixer leur position sur les APE en fournissant ici un argumentaire succinct justifiant notre approche. Nous en profitons pour résumer dans ce document nos critiques, nos revendications et nos recommandations.
Les organisations de la Coalition « Bare APE » saluent le courage, la lucidité et la détermination des centaines d’organisations haïtiennes et de citoyens et citoyennes qui ont participé au cycle de mobilisations mis en place au cours des dernières semaines.
Nous saluons l’implication de nombreux artistes et groupes musicaux durant toutes les mobilisations contre les APE notamment la Troupe de danse Dahomey, AWOZAM, les artistes de l’organisation populaire CHANDEL, et les musiciens de Boukman Eksperyans qui, en apportant leur appui à cette cause, ont montré encore une fois leur engagement renouvelé dans le combat pour la défense de l’avenir de notre pays.
La Marche du 16 octobre, au cours de laquelle plusieurs centaines de personnes, représentant des organisations de la province et de la capitale ont défilé dans les rues de Port-au-Prince depuis la Place Catherine Flon au Champ de Mars jusqu’aux abords du Karibe Convention Center aux cris de « Bare APE » en soulevant l’adhésion enthousiaste des passants et de dizaine de milliers de spectateurs, a démontré le vif intérêt suscité par cette mobilisation.
Plus de 7.500 personnes ont déjà signé la pétition contre les APE, des milliers de personnes ont participé au grand concert public organisé à la Place Jérémie le dimanche 14 octobre et nous sommes certains que le mobilisation ne fera que s’amplifier au cours des prochaines semaines.
Ces mobilisations publiques font suite à toute une campagne d’informations, de formation, de sensibilisation sur les enjeux des Accords de Partenariat Economique (APE) pour les pays ACP en particulier Haïti dans un contexte marché pour une lutte entre les super-puissances pour contrôler les marchés mondiaux. Plusieurs conférences-débats, conférences de presse, ateliers de travail avec les médias, séminaires d’informations pour les organisations de base de 7 départements du pays.
1.- Nature des APE
Les Accords de Partenariat économique (APE) proposés par l’Union Européenne ne constituent pas un cadre de partenariat, c’est essentiellement un accord de libre-échange d’inspiration néolibérale prolongeant la domination impérialiste, la vision néocoloniale et qui vise à renforcer la position des transnationales européennes dans la logique des rivalités entre les blocs économiques puissants de la triade. Dans un document daté d’octobre 2006, la Communauté européenne a déclaré sa volonté d’occuper la plus grande part de marché à l’horizon 2010.
Les APE exigent (avec quelques exceptions) une complète libéralisation des échanges. Notre pays a déjà vécu et vit encore les conséquences désastreuses de la libéralisation imposée par les Institutions Financières Internationales (IFIs) dans les années 80 et avec plus de force à partir des années 94-95. Haïti est devenue l’un des pays les plus ouverts au commerce extérieur avec un tarif douanier affichant une moyenne de 2,9% et la grande majorité des produits sont importés avec un tarif zéro. Cette situation est en grande partie responsable de l’effondrement de pans entiers de l’économie paysanne qui ne fournit actuellement que 25% du PIB annuel et parvient difficilement à produire 48 % de la consommation alimentaire de notre pays. Suite à cette libéralisation accélérée notre pays est entré dans une période de régression économique rapide qui plonge la grande majorité de la population (76%) dans la misère. Nous avons assisté également à une explosion du chômage. Selon les informations disponibles dans les seuls secteurs du riz, du sucre, des poulets et des œufs plus de 830.000 emplois ont été détruits par la libéralisation des années 90. Nous ne pouvons admettre que l’on continue dans la même voie, avec des accords comme les APE qui accéléreront le processus de destruction de notre économie.
2.- Conséquences des APE pour les couches pauvres
Les APE sont partout dénoncés par des instances comme la Confédération Syndicale internationale (CSI), le CPDC (Caribbean Policy Development Center), le CCL (Caribbean Council of Labour) et des centaines d’organisations européennes et des pays ACP et même par des gouvernements préoccupés par l’impact négatif des ces Accords sur l’ensemble des pays concernés. En général, des chocs de grande ampleur sont prévisibles avec des effets dévastateurs différenciés en fonction des réalités nationales. Un rapport émis en 2006 par un groupe de travail des Parlementaires français concluait que inévitablement les APE entraîneront quatre types de choc :
– Un choc budgétaire. Une réduction significative des recettes douanières pour des pays qui ont des échanges commerciaux importants avec les marchés européens. (En Haïti la perte de recettes douanières comme conséquences directes des APE est estimée par le Ministère du Commerce et de l’Industrie à au moins 8 millions de dollars US annuellement. Seulement 10% des importations haïtiennes proviennent actuellement des pays de l’UE mais on prévoit une augmentation d »environ 10% l’an au cours des 5 prochaines années). Ce choc occasionnera une réduction des capacités d’interventions sociales de l’Etat dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’environnement, de la création d’emplois productifs et le renforcement des secteurs vitaux de l’économie nationale,
– Un choc au niveau de la balance des paiements avec une rapide détérioration du déficit commercial rendant le pays plus vulnérable, plus dépendant et compliquant la gestion macroéconomique. Rappelons que Haïti avec des importations de l’ordre de 2 milliards de dollars US annuellement et des exportations de l’ordre de 600 millions de dollars US connaît un déficit commercial structurel qui s’est aggravé rapidement au cours des dernières années, L’absence de politiques visant à renforcer les capacités productives du pays fait craindre une croissance exponentielle des importations mettant en péril les secteurs productifs du pays,
– Un choc agricole en mettant en compétition directe des producteurs agricoles évoluant dans un environnement hostile face à des produits agricoles européens bénéficiant d’un haut niveau de productivité et de subventions généreuses. Haïti importe aujourd’hui près de 40 millions de dollars de produits laitiers alors que nous disposons d’un stock de 450.000 têtes de vaches parfaitement capables (avec des investissements soutenus et une amélioration des infrastructures) d’alimenter la demande du marché national. Nous importons déjà une grande quantité de produits laitiers de l’Europe. Avec les APE, cette situation de dépendance sera aggravée privant notre pays de la possibilité d’une dynamisation de la filière élevage et produits laitiers avec des effets positifs évidents en termes agricole et industriel dans un domaine dont les potentialités sont reconnues par toutes les études récentes disponibles. Il suffit de se référer au succès de certaines expériences comme celles menées par plusieurs organisations paysannes encadrées par le VETERIMED et d’autres organisations avec le produit « Lèt Agogo » (Lait à profusion), Et ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres les unes plus intéressantes que les autres.
– Un choc industriel ruinant les efforts embryonnaires d’industrialisation des pays ACP en les exposant directement à la concurrence des produits industriels venant de l’Europe. De même la situation des services sociaux de base dont une grande partie de la population haïtienne est exclue risque de s’aggraver avec la pénétration des grandes entreprises transnationales européennes qui sont parmi les plus performantes dans le secteur des services. On risque d’assister au renforcement d’une tendance déjà existante de désindustrialisation à travers encore une fois une augmentation accélérée du chômage, une spécialisation régressive ruinant toute possibilité de diversification et une dépendance accrue par rapport aux entreprises transnationales européennes qui ne manqueront pas d’accélérer le processus de privatisation et de dérégulation des principaux secteurs des services (par exemple, l’éducation, la santé, les télécommunications, etc.), en accentuant ce qui est déjà en cours avec les engagements pris par notre pays dans le cadre de l’AGCS impulsé par les négociations multilatérales de l’OMC. Cette tendance aggravera l’exclusion et la marginalisation de pans entiers de notre population
3.- Dix (10) Raisons pour lesquelles nous devons rejeter les APE
Après avoir lu attentivement les 154 pages du projet d’accord daté du 19 septembre 2007 qui devrait régir désormais les rapports économiques entre les 27 pays de l’UE et les 17 pays du CARIFORUM, après avoir mené des consultations multisectorielles et des débats approfondis depuis le mois de mai 2007, après avoir analysé les études prospectives d’impact menées dans plusieurs régions différentes – notamment au Kenya et en Haïti, particulièrement par l’UE à travers son programme PRIMA – la coalition Bare APE exige le retrait de cet accord à cause des raisons suivantes :
3.1 C’est un accord de libre-échange d’inspiration néolibérale s’inscrivant dans le cadre d’une intégration subalterne au marché mondial dans un contexte caractérisé par de brutales asymétries et des luttes entre différents blocs régionaux pour les parts de marché. Tout accord avec ces caractéristiques ne peut que pénaliser lourdement les pays ACP.
3.2 C’est un accord établissant des rapports de réciprocité sans tenir compte de la notion de Traitement spécial et différentié et de l’énorme disparité entre la première puissance économique mondiale avec près de 29% du PIB de la planète et une région avec des pays ultra pauvres, comprenant 39 PMA sur les 79 pays ACP, et qui affiche un revenu per capita moyen de 450.00 dollars US l’an.
3.3 C’est un accord qui prétend s’aligner sur les règles de l’OMC, mais à maints égards va plus loin notamment dans les domaines suivants : services, agriculture, achats gouvernementaux, propriété intellectuelle. Alors que les négociations multilatérales sont dans l’impasse, on tente de nous imposer un OMC+ qui permettrait aux pays dominants de cette organisation d’aller plus loin que les ambitions affichées jusqu’ici.
3.4 C’est une nette régression par rapport à l’esprit des Conventions de Lomé et les accords de COTONOU puisque les questions de développement des pays ACP ne sont pas prioritaires dans l’actuel accord. Le développement des échanges commerciaux ne peut à lui seul entraîner un processus de développement réel Quelle aberration!
3.5 L’agenda des discussions et des négociations reflète clairement les priorités de l’Union Européenne. Des questions vitales pour notre région comme la gestion et la protection de la Mer des Caraïbes, patrimoine commun de nos nations, le tourisme de masse et ses impacts sociaux négatifs, la production agricole et artisanale, la pauvreté, le chômage et le sous-emploi, les flux migratoires privant la région d’une partie substantielle de ses ressources humaines qualifiées, les réseaux d’échanges entre les pays de la Caraïbe, la redistribution des richesses, etc. ont été marginalisées ou carrément passées sous silence. Il n’existe pas de mécanismes concrets en vue de renforcer les capacités productives et institutionnelles de la région. Les allusions au développement durable (sollicitées par la communauté des ONGs de la région) ne sont que des vœux pieux et s’arrêtent à des déclarations de principe. En ce sens, un programme spécifique d’appui aux micro entreprises et aux PMEs devrait être envisagé.
3.6 Les négociations n’ont pas permis d’aménager des espaces réels de participation et de débats. Dans le cas d’Haïti, la situation est encore plus grave. Les négociations sont menées dans une ambiance quasi-confidentielle. Haïti participe aux groupes de négociations concernant 1) l’accès au marché, 2) les investissements, 3) la bonne gouvernance, 4) les affaires institutionnelles sans qu’aucune information substantielle ne soit livrée à la société sur le contenu des négociations et les engagements pris par Haïti. En 2003 le Gouvernement haïtien a donné mandat au CARICOM pour négocier en son nom les APE en prenant en compte son statut de PMA. Cette correspondance ne fournit aux négociateurs chargés de nous représenter aucune directive précise s’inspirant de la situation économique nationale et de l’état des échanges entre notre pays et l’Union Européenne. Entre 2004 et 2006, il y a eu une rupture de relations diplomatiques entre le Gouvernement Intérimaire et les responsables de la CARICOM. Cette situation exige des clarifications sur les engagements adoptés au nom de notre pays par d’autres acteurs durant la période la plus intense des négociations.
3.7 Le timing des négociations fixé en fonction du fait de la nécessité déclarée par l’UE de s’aligner sur les règles de l’OMC ne se justifie plus à l’heure actuelle. En effet les négociations multilatérales sont dans l’impasse à l’OMC. Tout semble indiquer qu’aucune solution consensuelle n’est à l’horizon au moins pour les 2 prochaines années. L’échéance de janvier 2008 devrait être révisée en conséquence en donnant aux pays concernés un espace pour mettre en place de larges consultations et un débat approfondi avec tous les secteurs. Nous avons besoin d’un processus de négociation inclusive, transparente et participative et cela, à partir d’une stratégie nationale de développement qui devra être élaborée avec la participation de tous les secteurs de la vie nationale.
3.8 Les APE peuvent créer une décapitalisation des secteurs productifs des pays ACP particulièrement Haïti. Il est clair que cet accord représente une menace pour la souveraineté alimentaire des pays ACP en entraînant une extension des pratiques de monoculture sur de grandes plantations. La prolétarisation brutale d’une partie importante de la petite paysannerie provoquera des problèmes sociaux de grande ampleur. Pourquoi hypothéquer l’avenir de plus de 60% de la population haïtienne pour satisfaire la volonté des puissances européennes ?
3.9 Nous pensons que les négociateurs de la région caraïbe ont commis une grave erreur en acceptant que les tarifs qui seront appliqués seront calculés sur la base de moyennes arithmétiques des taux appliqués par les pays du CARIFORUM. Cette approche risque d’être préjudiciable aux pays les plus faibles et aux économies de plus petite taille.
3.10 Les listes d’exclusion, les mesures spéciales de sauvegarde, les dispositions pour les produits spéciaux et les financements compensatoires et d’ajustements nous semblent tout à fait insuffisants. On nous demande d’opérer des changements d’ordre structurel au niveau de nos économies et de nos Institutions alors que le financement total accordé dans le cadre du 10ème FED ne promet qu’une enveloppe de 165 millions d’Euros sur la période 2008 – 2013 soit un montant ridicule de l’ordre de 1.09 Euros par personne et par an pour les 17 pays du CARIFORUM ; nous savons en plus qu’une partie non négligeable de ces fonds n’est jamais réellement décaissée. Ce niveau de financement est très loin des 0.7 % de leur PNB promis par les pays riches depuis les années et renforcer par les engagements de Monterrey en 2002 et de la Conférence de Paris de 2005 sur l’aide Publique au Développement. Dans le cadre des engagements pris en 2000 pour accroître l’aide au développement. Il est surtout sans commune mesure avec l’énorme dette sociale, écologique et historique que l’Europe a accumulé envers nos pays au cours des siècles derniers et continuent à accumuler à travers des mécanismes néocoloniaux reposant sur des échanges injustes et déséquilibrés.
4.- Nos revendications et nos recommandations envers l’Union Européenne:
4.1 L’Union Européenne devrait abandonner son objectif de libéralisation commerciale réciproque à l’égard des économies plus faibles du Sud;
4.2 Il faut nécessairement mettre l’accent sur la coopération pour le développement, plutôt que sur la dimension commerciale de l’Accord de partenariat UE-ACP, dans le respect au moins des principes et objectifs de l’Accord de Cotonou;
4.3 Il faut examiner les possibilités de régimes commerciaux alternatifs comme une question d’urgence. Ceux-ci doivent prendre en compte les impératifs de développement des pays ACP et leurs besoins prioritaires;
4.4 L’UE devrait changer sa stratégie en matière de négociation en collaborant avec les Etats ACP pour obtenir davantage de « flexibilité-OMC » et une réforme en profondeur de cette institution pour la rendre plus au service du développement du commerce international au lieu d’être sous la coupe réglée de transnationales et de gouvernements puissants.
4.5 L’UE devrait respecter et aider au renforcement (plutôt que de miner) les mécanismes d’intégration régionale existants qui, pour la grande majorité reste à l’état virtuel. Le renforcement de ces efforts d’intégration est le premier pas vers une mise à niveau des économies régionales pour faire face à la déloyale compétition qui domine actuellement le marché capitaliste mondial.
4.6 L’UE, première puissance économique mondiale (29% du PIB mondial) devrait consacrer des ressources additionnelles pour renforcer les capacités de production de nos pays, renforcer la compétitivité et diversifier nos économies – et rendre ces ressources plus facilement et rapidement disponibles;
4.7 L’UE devrait libérer davantage de moyens financiers et technologiques pour le développement durable et l’éradication de la pauvreté par l’augmentation de l’aide au développement, la suppression immédiate et inconditionnelle des dettes réclamées aux ACP et l’exploration de sources innovatrices de fonds de développement (incluant la Taxe sur les transactions financières en cours, Plusieurs variantes sur le Modèle de la Taxe Tobin sont tout à fait applicables comme le montrent de nombreuses études);
4.8 L’UE devrait réformer la Politique Agricole Commune de telle manière qu’elle contribue à une agriculture familiale plus soutenable en Europe, qui ne nuise pas aux intérêts agricoles et commerciaux de pays tiers;
4.9 L’UE devrait mettre en place des mécanismes transparents et participatifs en vue d’évaluer plus profondément l’impact des politiques commerciales existantes et futures (y compris mesurer l’impact des réformes des politiques commerciales opérées sous Politiques d’Ajustement Structurel et mettre en place des mesures de compensation et de réparation);
4.10 L’UE devrait s’abstenir dans les négociations de toute pression sur les Etats ACP allant au-delà de la portée de l’Accord de Cotonou, comme celles qui concernent la libéralisation de l’investissement, les politiques de concurrence, les marchés publics, les facilitations des échanges, la protection des données et les services;
4.11 L’UE devrait s’abstenir de tout chantage au financement déconnectant l’accès aux fonds du 10ème FED des résultats et du rythme des négociations sur les APE.
4.12 L’UE doit informer davantage sur le processus de négociation en définissant clairement des mécanismes de consultation larges, véritables et efficaces, spécialement avec les organisations de base, les mouvements sociaux et la société civile en général. Les pays de l’UE doivent rendre compte davantage aux Parlements nationaux et supranationaux, y compris à l’Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE.
5. Nos revendications et nos recommandations aux autorités haïtiennes
5.1 Le Gouvernement haïtien devrait s’engager au plus vite dans un processus de définition d’une stratégie nationale de relèvement et de développement dans le cadre d’une large et réelle participation de tous les secteurs de la vie nationale. C’est seulement sur la base de cette stratégie que nous serons en mesure de définir une voie d’intégration régionale au niveau de la Caraïbe et des éléments cohérents dans le cadre de nos échanges avec l’extérieur.
5.2 Le Gouvernement devrait en particulier étudier sérieusement les potentialités de notre économie en relation aux besoins des pays de la région. Profiter de ces opportunités exigera une mobilisation intelligente des producteurs concernés.
5.3 Le Gouvernement haïtien devrait refuser de signer les APE et réclamer un moratoire d’au moins trois (3) ans permettant de développer un processus de consultations inclusif, transparent et véritablement participatif.
5.4 Le Gouvernement haïtien devrait solliciter que l’on tienne compte de notre situation particulière (un pays miné par une longue crise systémique) et invoquer la notion de traitement spécial et différencié tant au niveau de nos relations avec les pays de la Caraïbe que dans le cadre de ses relations avec d’autres régions.
5.5 Le Gouvernement haïtien devrait intensifier ses rapports avec les blocs de pays proposant une vision alternative d’intégration – comme dans le cadre de l’ALBA – basée sur le respect de notre culture et de notre histoire et qui se construit sur la base des avantages coopératifs.
5.6 Le Gouvernement haïtien devrait définitivement évaluer les 20 dernières années dominées par des politiques néolibérales et mettre en place des politiques différentes basées sur une vision d’éradication de la pauvreté, de combat contre la polarisation des richesses et l’exclusion, sur une volonté manifeste de relèvement de la petite économie paysanne et l’édification d’un régime d’accumulation priorisant les besoins du marché interne et l’articulation cohérente des secteurs productifs.
5.7 Le Gouvernement haïtien doit profiter du Tarif extérieur commun (TEC) en application au sein de la CARICOM en vue de protéger sélectivement les filières de production à forte potentialité (tubercules, café, cacao, pêche, artisanat d’art, artisanat utilitaire, production culturelle, céréales, élevage, produits laitiers, production et transformation de fruits, télétravail, matériaux de construction, tourisme écologique et culturel…etc)
5.8 Les listes d’exclusion devraient être discutées avec tous les secteurs du pays et tenir compte de nos potentialités à moyen terme. Le délai imparti pour la signature avant la fin de l’année ne permet pas de travailler sérieusement sur la liste des produits exclus de la libéralisation et nous pensons qu’il faut sortir de ce dogme de libéralisation progressive, l’échéance des 20 ans ne constitue pas, selon nous, une assurance suffisante.
5.9 La question de la défense de la production nationale et de la souveraineté alimentaire doit constituer une boussole incontournable au sein des processus de négociation de tout accord de partenariat.
5.10 Le Gouvernement devrait refuser de libéraliser les achats gouvernementaux qui constituent un levier de protection et de recapitalisation des petites et moyennes entreprises nationales.
5.11 Le Gouvernement devrait protéger les services sociaux en les préservant de tout processus de marchandisation pour garantir l’accessibilité et l’universalité de ces biens et services publics.
5.12 Le Gouvernement haïtien devrait appuyer les réserves émises par plusieurs dirigeants de pays de la CARICOM qui refusent l’inclusion des normes de « bonne gouvernance » dans le cadre des APE qui sous-entend une diminution des interventions de l’Etat dans les questions sociales, d’environnement, de lutte contre la pauvreté, de création d’emplois stables, etc.
5.13 Le Gouvernement haïtien devrait se battre pour conserver les leviers permettant de subventionner la production agricole et les niches fragiles des industries de transformation.
6.- Nos recommandations aux mouvements sociaux et les organisations de notre pays.
6.1 Nous demandons à tous les citoyens et citoyennes de signer la pétition contre les APE afin de signifier notre rejet de tout mécanisme visant à hypothéquer nos chances de développement et de participation des citoyennes et citoyens dans la construction d’une nation forte et solidaire.
6.2 Nous demandons à toutes les organisations de contribuer à diffuser le plus d’informations possibles sur la question des négociations commerciales et d’organiser des débats sérieux et documentés sur ces questions.
6.3 Nous demandons à tous et à toutes de faire pression sur les autorités haïtiennes pour qu’elles refusent de signer un accord aussi néfaste et de maintenir une vigilance permanente sur ces négociations tout en exigeant la mise en place d’une authentique stratégie de relèvement et de développement national. Les organisations et institutions membres de la coalition disposent d’une documentation abondante sur les négociations des APE qui est à la disposition de tout un chacun.
6.4 Nous demandons, au peuple haïtien, à toutes les organisations, les citoyennes et citoyens, à travers le pays, de se constituer en réseaux, en force de pression afin de pouvoir influencer les mécanismes de décisions dans le pays, de sauvegarder les acquis de la geste de 1804 et de continuer à être à l’avant-garde de toute lutte émancipatrice des peuples dans un esprit de solidarité, d’équité et de justice sociale.
Et la mobilisation continue…
Organisations membres de la Coalition Nationale BARE APE:
PAPDA – MODEP – CHANDEL – RAJES – SOFA – RNDDH – TÈT KOLE TI PEYIZAN AYISYEN
Avec le support de: OXFAM – ACTION AID – BRODERLIJK DELEN – MCC – GRASSROOTS INTERNATIONAL
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