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Banque du Sud :

Après de longues négociations et des discussions parfois difficiles 6 États latinoaméricains (l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, l’Equateur, le Paraguay, le Venezuela) ont décidé de lancer la Banque du Sud. Cette décision peut représenter un tournant dans l’histoire récente des Peuples du continent en lutte contre la domination des Institutions Financières Internationales et les diverses générations du consensus de Washington. Nous sommes décidés à nous libérer du joug de la dépendance et de l’hégémonie des politiques néolibérales. Même si des incertitudes deumeurent sur le processus de construction de ce nouvel outil financier, il s’agit sans aucun doute d’une avancée décisive vers la conquête d’une deuxième indépendance pour les États de l’Amérique Latine et de la Caraïbe. Nous vous invitons à prendre connaissance de cette lettre ouverte adressée aux 6 Chefs d’État concernés par des centaines d’organisations et de réseaux après un ample processus de réflexion sur les orientations cardinales qui devraient permettre à cette banque d’opérer une rupture majeure avec la logique qui domine aujourd’hui le système fianncier international et de réunir les meilleures conditions lui permettant d’atteindre véritablement ses objectifs en terme de dynamisation du développement économique et social et de solidarité avec les Peuples. (Camille Chalmers)


Lettre ouverte aux Présidents de l’Argentine, de la Bolivie, du Brésil, de l’Equateur, du Paraguay, du Venezuela.

POUR UNE BANQUE DU SUD EN ACCORD AVEC LES DROITS, LES BESOINS, LES POTENTIALITES ET LA VOCATION DEMOCRATIQUE DES PEUPLES

Chers Messieurs,

Nous, réseaux, organisations et mouvements sociaux signataires, qui luttons contre le fléau de la dette externe illégitime et contre les politiques et pratiques perverses des institutions financières internationales existantes, nous adressons à vos gouvernements, convaincus que la décision de créer la Banque du Sud peut représenter un pas énorme et une opportunité pour l’Amérique Latine et la Caraïbe, de même que pour d’autres régions du Sud.

Lors de ces dernières décennies, la région a subi des cycles répétés d’expansion financière suivis de crises qui ont entraîné une régression profonde des conditions de vie, de travail et d’investissement public et social.

Les séquelles indéniablement négatives de l’histoire récente, largement reconnues aujourd’hui, ne doivent pas être seulement réparées; il est nécessaire d’impulser un système financier régional alternatif conformément à la nécessité de donner la priorité absolue au dépassement de la pauvreté, de la marginalité et du sous-développement structurel, également provoqués par les énormes coût publics et sociaux des désastres financiers, des politiques de dérégulation et de privatisation du patrimoine public impulsées et conditionnées par les organismes de prêt, et l’accroissement d’une gigantesque dette illégitime.

Il est clair que les organismes financiers internationaux existants – FMI, BM, Banque Interaméricaine de Développement – sont de plus en plus discrédités par la nature de leurs politiques, leur caractère antidémocratique et le manque de transparence dans leurs pratiques, au point que leurs résultats sont remis en question, de façon très généralisée, tout comme l’architecture même du système financier et monétaire en vigueur.

Nous pensons que la Banque du Sud doit faire partie d’une réponse régionale unitaire, aux côtés de la création d’un fond de stabilisation du Sud, d’une monnaie commune du Sud, de la réalisation d’un audit des dettes internes et externes et du non paiement des dettes illégitimes exigées aux pays. Une réponse qui contribue à rompre la dépendance par rapport aux marchés globalisés des capitaux, incertains et hautement spéculatifs, de façon à ce que la région puisse canaliser sa propre capacité d’épargne, détenir la fuite des capitaux et investir ses ressources conformément aux droits et aux besoins des peuples.

La seule formulation de la nécessité d’une institution financière autonome, même si elle est très importante, ne suffit pas. Le débat sur la création d’une banque alternative “sud-sud” revêt une place centrale. Pour cela, nous nous associons à la demande formulée par diverses organisations et mouvements qui appelle à l’ouverture immédiate d’instances nationales et régionales d’information, de participation et de consultation avant que la banque ne soit mise en marche.

Par ailleurs, dans l’état actuel des choses, nous pensons qu’il est indispensable que la Banque du Sud soit créée à partir de définitions claires quant à ses ressources, ses objectifs, son organisation, ses règles, le système de prise de décision et le mode de gestion, de sorte que:

a) la Banque du Sud définisse comme objectif central la promotion du développement endogène, souverain et solidaire des pays membres et de toute la région. Développement conçu comme le déploiement des attributs, ressources et potentialités des personnes, des communautés et des peuples, qui ne peut pas avoir lieu sans que ceux-ci en soient eux-mêmes les protagonistes principaux.

b) les pays membres soient égaux au sein de la direction de la Banque du Sud.

c) la Banque du Sud définisse clairement que ses crédits seront destinés au renforcement du secteur public et social; en donnant la priorité à la redistribution de la richesse et à la protection de l’environnement; en contribuant à dépasser les asymétries existantes et en assurant le respect de la vie et du bien-être des peuples, le respect de leurs droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux, et de leur droit à l’autodétermination et au développement. Pour cela, nous proposons que la banque du Sud oriente ses investissements vers des projets sociaux et écologiquement soutenables plutôt que de financer des mégaprojets comme l’Initiative Sud Américaine Régionale d’Infrastructure (IIRSA), ou des investissements dans les industries extractives, des investissements polluants ou socialement excluants qui n’ont pas l’assentiment des populations concernées et qui ne leur apportent pas de bénéfices.

d) la Banque du Sud établisse explicitement des mécanismes d’information et de contrôle public ouverts; qu’elle établisse que les fonctionnaires et employés de la banque du Sud ne bénéficieront pas de l’immunité ni d’aucun privilège fiscal personnel; qu’elle rende des comptes aux Parlements et à la société civile; que tout information sera considérée publique. Nous considérons que tous ces points s’inscrivent dans les grandes lignes tracées par la déclaration ministérielle de Quito du 3 mai dernier, qui signalait que : « Les peuples ont donné à leurs gouvernements le mandat de doter la région de nouveaux instruments d’intégration pour le développement. Ces instruments doivent se baser sur des modèles démocratiques, transparents, participatifs et responsables envers leurs populations ».

La conjoncture économique et financière régionale et internationale actuelle est favorable pour avancer concrètement sur cette voie, mais il se peut qu’elle ne dure pas. Nous espérons que vous saurez vous saisir de cette chance historique pour créer une véritable Banque Solidaire des Peuples du Sud.

Nous vous prions d’agréer, Messieurs, l’expression de nos salutations distinguées.

Premières SIGNATURES (par ordre alphabétique)

AFRODAD

Alliance Internationale des Habitants

AAJ (La représentation de l’Association Américaine des Juristes auprès des Nations Unies)

Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM)- réseau international-

Congrès Bolivarien des Peuples

CRED (Centre de recherche et d’élaboration pour la démocratie)- Italie

ISER Assessoria

Jubilé Pérou

JUBILE SUD

Institut pour la Production et la Recherche sur l’Agriculture Tropicale (IPIAT Venezuela)

Kairos- Canada

LATINDADD

Observatoire International de la Dette (OID)

PACS – Institut Polítique Alternatives pour le Cone Sud

PAPDA-Haïti

Réseau sur les Institutions Financières Multilatérales -Brésil

Réseau Mexicain d’action face au libre échange (RMALC),

Réseau Nigérien contre la Dette et pour le Développement (RNDD)-Niger (membre du réseau international CADTM)

SEPLA