Aller au contenu

Mobilisation contre les Institutions Financières Internationales – IFIs

Lors de la seconde réunion internationale sur la résistance et les alternatives à la domination de la dette réunie fin septembre 2005 , des représentants de mouvements et d’organisations provenant de 53 pays se sont mis d’accord sur des initiatives conjointes pour les prochaines années. L’une d’elles est l’appel à des actions internationales contre les IFI en 2006. Ce qui suit est une déclaration qui exprime une critique du rôle et des actions des institutions financières internationales. C’est aussi un appel à signatures adressé aux mouvements sociaux, aux organisations populaires, aux ONG, aux groupements citoyens, aux organisations communautaires, aux syndicats, aux organisations de la classe ouvrière et aux mouvements politiques afin de mener une campagne commune contre les IFI sur la base d’une plateforme commune. Il s’agit d’organiser des mobilisations coordonnées dans différents pays du 14 au 20 septembre 2006, culminant pendant l’Assemblée générale d’automne de la Banque mondiale et du FMI qui se tiendra les 19 et 20 septembre 2006 à Singapour. Nous invitons votre mouvement :
à signer la déclaration,
à la faire circuler dans tous les réseaux et organisations avec lesquels vous êtes en contact
à participer activement à la mise en œuvre de cet appel et des actions qu’il implique.

APPEL

Depuis plus de soixante ans, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, ainsi que leurs partenaires, les banques régionales de développement et les agences de crédit à l’exportation, ont utilisé le capital financier international pour exercer leur contrôle et restructurer les sociétés du Sud. Cela s’est fait dans l’intérêt des multinationales et de l’agenda économique ainsi que géopolitique d’une poignée de pays riches qui contrôlent ces institutions.

Les dommages causés à la vie des populations, aux communautés, à l’environnement, à l’économie ainsi qu’aux structures politiques dans le Sud ont été profonds et ont généré de nombreuses résistances à l’encontre de ces institutions.

En dépit de preuves avérées et d’innombrables témoignages sur la destruction, le déplacement et la dépossession causées par leurs politiques et leurs opérations, ces institutions ont persisté à légitimer leur rôle et se sont présentées ces dernières années comme championnes de la «réduction de la pauvreté » et de la « bonne gouvernance ».

Cette année 2006, nous intensifierons notre lutte contre ces organisations avec pour objectif d’augmenter le niveau de coordination internationale et d’action en commun. Nous nous engageons en particulier à organiser différentes formes de mobilisation dans de nombreux pays de la planète à l’occasion de l’Assemblée annuelle de septembre de la Banque mondiale et du FMI. Cela devrait englober de nombreuses activités et actions à proximité de la tenue de la réunion à Singapour entre le 14 et le 20 septembre.

Nous en appelons à toutes les organisations populaires, les mouvements sociaux, les organisations de travailleurs, les mouvements de femmes, les groupes paysans, les organisations communautaires, les ONG, les forces politiques et tous les citoyens qui se sentent concernés partout dans le monde à se joindre à nous pour élaborer des actions vigoureuses dans le but d’attirer l’attention du monde sur les ravages causés par le FMI, la Banque mondiale, les banques régionales de développement, les agences de crédit à l’exportation et le système néolibéral global dont ils sont les instruments.

Nos actions devront mettre en avant des problématiques et des appels qui expriment les impacts particuliers de ces institutions dans chacun de nos pays mais qui devront également être unitaires sur les demandes globales suivantes :

1. Annulation immédiate à 100% des dettes multilatérales comme partie de l’annulation totale des dettes réclamées au Sud sans conditionnalités imposées par l’extérieur

Les conséquences inhumaines et destructrices de la domination de la dette que les institutions financières internationales contribuent largement à perpétuer sont une preuve du mensonge propagé par ces institutions quand elles affirment qu’elles travaillent à la «réduction de la pauvreté» et au «financement du développement».

Les initiatives d’annulation de dette par les institutions financières internationales ne concernent qu’une toute petite partie de la dette réclamée au Sud. Pire encore, ces initiatives vont de pair avec des conditionnalités qui minent la souveraineté des peuples dans la définition de leur propre voie vers le développement. Ces conditionnalités ont prouvé leurs effets nuisibles et maintiennent les économies du Sud sous le joug du profit privé.

L’annulation d’une petite partie de la dette peut libérer des fonds qui peuvent certes être utilisés ponctuellement pour des services fondamentaux mais elle ne libère pas le Sud de la chaîne de l’endettement. L’annulation doit être de 100%.

Et dans une perspective immédiate, nous soulignons les cas les plus urgents – la plupart des pays africains, Haïti, le Népal, les pays touchés par le Tsunami et d’autres récemment dévastés par les catastrophes naturelles, les pays ravagés par la guerre et d’autres qui passent par des crises économiques et sociales sévères.

Nous rejetons le cadre de « soutenabilité de la dette » mis en avant par les institutions financières internationales. Il n’y a pas de niveau de dette soutenable dans un système économique global fondé sur la domination et l’exploitation des économies et des ressources du Sud. Ce cadre est un moyen par lequel les institutions justifient le maintien de « l’endettement » des pays du Sud.

La persistance du « cadre de soutenabilité de la dette » marque également un refus de répondre à la question plus fondamentale du caractère illégitime des dettes. Cette illégitimité est dénoncée par le Sud. Les peuples du Sud ne doivent pas avoir à payer pour des dettes illégitimes : des dettes dont ils n’ont pas profité, des dettes qui ont financé des projets ayant causé le déplacement de communautés et des dommages à l’environnement, des dettes qui ont servi à la corruption ou à des projets ayant échoué, des dettes contractées par des moyens non démocratiques et frauduleux, des dettes aux termes léonins et aux conditions nuisibles, des dettes qui ont soutenu la militarisation et les dictatures, des dettes contractées dans le contexte de relations internationales d’exploitation, des dettes que les pays du Sud ont remboursées maintes et maintes fois.

Alors que les dettes financières réclamées aux pays du Sud représentent le montant incroyable de 2.600 milliards de dollars, le Nord doit en fait aux peuples du Sud une dette beaucoup plus importante. C’est la dette historique, économique, sociale et écologique accumulée, avec la complicité des élites locales du Sud, au cours de siècles de pillage et d’exploitation.

Le FMI et la Banque mondiale doivent endosser le coût de l’effacement des dettes qui leur sont dues en utilisant le fonds de la Banque destiné à pallier les pertes (et évalué en date du 30 juin 2005 à 3 milliards de dollars) ainsi que les gains accumulés (évalués au 30 juin 2005 à 27 milliards de dollars) et les stocks d’or du FMI. Alors que l’once d’or dépasse actuellement au taux du marché 600 dollars, les 103,4 millions d’once d’or du FMI ont une valeur de plus de 60 milliards de dollars au lieu des 9 milliards inscrits dans les livres de comptes du FMI.

2. Réalisation d’un audit externe ouvert, transparent et participatif des opérations d’emprunts et des politiques relatives aux prêts des institutions financières internationales, à commencer par la Banque mondiale et le FMI.

Les campagnes dette, les mouvements sociaux, les organisations populaires et les ONG sont maintenant impliqués dans la préparation et la mise en œuvre d’audits citoyens sur la dette, audits revendiqués depuis les pays du Sud. Parallèlement, ils en appellent aux gouvernements du Sud pour qu’ils organisent des audits gouvernementaux, ouverts et participatifs (par exemple au sein des parlements) de ces dettes. Ces audits visent à examiner les origines et les causes du problème de la dette, prenant en compte leurs effets et impacts, mettant en lumière le caractère douteux et illégitime des dettes, identifiant les responsabilités, établissant et renforçant des changements urgents dans les politiques nationales sur la dette et les questions connexes.

Nous demandons aux institutions financières internationales qu’elles se soumettent à des audits indépendants sur les prêts qu’elles ont effectués, leurs politiques de prêts, leurs processus et opérations de prêt ainsi que les termes et conditionnalités des prêts et qu’elles prennent actes des effets et impacts. Ces audits doivent rechercher la culpabilité et la responsabilité de ces institutions financières internationales et la restitution et les réparations dont elles sont redevables.

Les institutions financières internationales ont récemment accru leurs efforts pour se présenter comme les champions de la bonne gouvernance et ont annoncé un renouveau d’efforts et de stratégies pour lutter contre la corruption. Nous défions ces organisations de commencer par elles-mêmes et d’examiner comment elles ont été impliquées dans la création et dans l’exacerbation de ce problème de corruption. Des audits externes indépendants concernant ces prêts devront inclure cette question. De plus la corruption doit être vue comme un problème systémique qui concerne également le secteur privé et en particulier les transnationales.

3. Arrêter l’imposition de conditionnalités et la promotion de politiques et de projets néolibéraux.

Via les conditionnalités attachées à leurs prêts et leurs programmes, le FMI et la Banque mondiale ont réussi à restructurer l’économie globale. L’utilisation des « programmes d’ajustement structurel » à partir du début des années 1980 dans des pays surendettés ont obligé la plupart des pays du Sud à mettre sur pied des politiques économiques imitant celles des pays industrialisés, en dépit de leur caractère totalement inadapté. L’imposition de politiques néolibérales a eu de multiples conséquences négatives pour les peuples du Sud : les économies ont privilégié les exportations au lieu de chercher à satisfaire le marché intérieur, leurs industries de transformation ont été éliminées, un pourcentage élevé d’entreprises nationales a été racheté par le capital étranger, des entreprises publiques renommées ont été privatisées, la santé publique et d’autres secteurs sociaux ont été laminés par des décennies d’absence de financement, les ressources naturelles sont surexploitées, de nombreux petits producteurs et petits commerçants conduits à la faillite par l’absence de crédit et de subsides et un chômage massif.

Notre lutte contre la domination de la dette est menée en grande partie pour obtenir la fin des conditionnalités que les gouvernements endettés sont forcés d’accepter. Pour les actions de septembre 2006, nous exigeons :

a) Pour marquer le 50eme anniversaire de la Société financière internationale (SFI) du groupe Banque mondiale – arrêter le soutien des IFI à la privatisation des services publics et l’utilisation de ressources publiques à des fins de création de profits pour le privé

Le FMI et plus encore la Banque mondiale ont été les principaux initiateurs du mouvement global en faveur de la privatisation des services fondamentaux. Ils ont été rejoints là-dessus par d’autres institutions financières comme les banques régionales de développement et les agences de crédit à l’exportation.

Les institutions financières internationales soutiennent la privatisation des services publics à travers des conditionnalités politiques, le financement de projets qui préparent la voie à la privatisation. Elles fournissent de l’assistance technique à la préparation des études de faisabilité ainsi qu’aux processus de mise en œuvre, et même un soutien direct aux entreprises privées qui remplacent les entreprises publiques. La Société financière internationale joue un rôle fondamental en fournissant des assurances contre le risque ainsi qu’une assistance en capitaux pour ces entreprises privées. Elle facilite même le travail du gouvernement pour le renflouement de ces entreprises lorsqu’elles traversent des difficultés.

L’accent continu est mis sur la privatisation des services fondamentaux tels que l’approvisionnement en eau – ou lorsqu’aucune société n’est intéressée par l’achat de ce service, la mise en place de contrats de leasing ou de service – et la « commercialisation » même de services vitaux comme ceux liés à la fourniture d’aliments. Ces services sont maintenant basés sur les lois du marché en tant que seul principe organisateur pour l’efficacité des économies en dépit des preuves innombrables contredisant ce principe. Les privatisations de l’eau dans le Sud qui se sont soldées l’une après l’autre par des échecs n’ont pas fait dévier les IFI de leur objectif d’arracher les avoirs du secteur public pour les offrir au privé.

Notre message à la Société financière internationale est claire : nous refusons que davantage de ressources publiques aillent alimenter le profit privé.

b) Arrêter le financement et l’implication des IFI dans des projets dommageables pour l’environnement à commencer par les grands barrages et les industries extractives (pétrole, gaz et mines)

Les institutions financières internationales se prétendent à la pointe du combat contre le changement climatique et la destruction de l’environnement. L’utilisation d’une rhétorique habile ainsi que des engagements plus fermes et de nouvelles stratégies, ne peuvent masquer le fait que bien des projets conçus, mis en œuvre et soutenus par les institutions financières internationales violent les normes ainsi que les procédures de sécurité bien modestes reconnus par ces institutions et provoquent des problèmes environnementaux massifs en plus des problèmes sociaux.

La Banque mondiale elle-même a une dette considérable envers les peuples du Sud, pour son financement de mégaprojets comme des barrages hydro-électriques, des mines, des pipelines et des projets d’exploration et de développement pétrolier qui ont déplacé des populations et entraîné des dommages environnementaux considérables. La Banque mondiale a refusé de mettre en place les principales recommandations de sa propre évaluation des industries extractives (Extractive Industries Review) dont :
1) le principe que les communautés confrontées à des projets d’extraction doivent donner leur consentement libre, en étant préalablement informées de toutes les conséquences sur leur environnement ;
2) l’élimination progressive de tout investissement dans les projets d’extraction.

La Banque mondiale se prétend à la pointe dans la question du changement climatique avec le développement du marché des émissions de gaz carbonique qui représente un autre exemple tragique du fondamentalisme du marché. Le fait de confier cette question aux solutions de marché de la Banque mondiale permet de détourner l’attention des principaux pollueurs que sont les pays du Nord, où une consommation excessive menace la survie de la planète et des espèces qui y vivent. Alors que la Banque mondiale revendique le leadership dans le développement de sources d’énergie alternatives, elle dédie en fait des ressources beaucoup plus importantes au développement de sources d’énergie conventionnelles. Elle est en effet le principal bailleur de fonds de projets produisant du gaz à effet de serre.

c) Arrêter immédiatement l’imposition de conditions qui exacerbent les crises sanitaires comme la pandémie du SIDA et verser des dommages et intérêts pour avoir rendu payants l’éducation publique et les soins de santé.

Les politiques des IFI ont aggravé les crises sanitaires comme la pandémie du SIDA de plusieurs manières. Les mesures d’austérité ont réduit les budgets de santé et empêché l’engagement d’enseignants et de travailleurs de santé dont les pays du Sud ont un besoin critique. Ils ont également empêché l’accès aux hôpitaux et à l’école en imposant des politiques de recouvrement des coûts. Les politiques macroéconomiques que les IFI ont imposées les 25 dernières années – y compris l’austérité fiscale, les taux d’intérêt élevés, la libéralisation commerciale unilatérale et la privatisation des services fondamentaux – ont conduit à l’augmentation des tarifs et un recul des indicateurs sociaux.

Les IFI ont une dette sociale énorme vis-à-vis des pays dont les services publics ont été détruits par leurs politiques. Leurs créanciers sont les femmes des pays du Sud qui ont dû déployer des efforts colossaux pour tenter d’accéder aux soins de santé, à la nourriture, à l’éducation, à l’eau et aux autres biens et services fondamentaux que les politiques des IFI ont mis hors de portée des populations. La Banque mondiale et le FMI devraient financer l’éducation primaire universelle gratuite et les soins de santé de base au titre de réparation ou de restitution pour les dommages occasionnés par leur action.

Nous investirons les rues et les places pendant la semaine du 14 au 20 septembre à Singapour et dans le monde entier. Nous sommes unis dans notre appel pour mettre fin à la destruction des économies du Sud par le FMI, la Banque mondiale, les Banques régionales multilatérales et les pays qui les contrôlent.

Nous appelons les militants à nous avertir des actions qu’ils ont planifiées ainsi que des résultats de ces actions pour que nous puissions en faire la publicité.

Nous soussignés organiserons et soutiendrons des mobilisations coordonnées dans différents pays du 14 au 20 septembre 2006 culminant pendant l’Assemblée générale d’automne de la Banque mondiale et du FMI qui se tiendra les 19 et 20 septembre 2006 à Singapour.

Organisations signataires :
Nom de l’organisation/ Personne de contact/ Email / Tél/Fax/ Adresse postale

Nom de l’organisation Personne de contact Email / Tel/fax / website Adresse postale

Signatures à renvoyer à :

CADTM (secrétariat international), 345 Avenue de l’Observatoire, 4000 Liège, Belgique
Tel : (32) 4 226 62 85
www.cadtm.org email : virginie@cadtm.org

Jubilee South (secrétariat international), 49-B Mapagbigay Street, Central district, Quezon city, Philippines, Tel/fax: (63-2) 929-3134
www.jubileesouth.org email : secretariat@jubileesouth.org