Le site de la PAPDA a le plaisir de vous offrir un court article publie le 10 mai 2006 par le brillant philosophe cubain, notre ami, Fernando Martinez Heredia qui constitue une interessante mise en perspective de la conjoncture mondiale et des defis qui nous attendent.
Trois ans se sont écoulés, en mars, depuis que les Etats-unis ont déclenché une attaque aérienne contre la population d’Iraq – massacrant des milliers des personnes -ils ont envahi le pays et l’ont occupé, sans pour autant être sanctionnés, ignorant tout ce qui a été acquis en matière du respect au droit international lors des dernières 60 ans, des progrès atteints grâce au sacrifice des vies des dizaines de millions des personnes. Leur gouvernement a menti honteusement sur la « dangerosité » de l’Iraq, un fait plus que démontré, sans que le fait soit condamné par les Nations Unies ni déploré ou accepté par le groupe des pays dirigé par les Etats-unis. Ils ont occupé militairement un Etat souverain en plein XXIème siècle sans aucun mandat de la Communauté Internationale, seulement investis de leur puissance, la question coloniale a reculée jusqu’en 1885. Même les enfants savent que le but malpropre de l’occupation est le pétrole, et leur horizon les plus éloigné est de dépouiller les peuples et arracher à leurs alliés leur emprise sur les ressources de l’Iraq.
…On dirait que le groupe Bush suit la grossière ligne que Platon nomma oligarchique dans sa République : les riches pensent que sont eux ceux qui doivent gouverner, mais il fallait avoir une certaine culture pour le savoir, et ce n’est pas le cas.
Selon les informations 2365 soldats américains sont morts en Iraq, à plus de 10 mille km de leurs pays d’origine ou d’adoption. Sait-on combien iraquiens sont morts en Iraq ? Combien d’enfants, combien de personnes âgées, combien de civils ? Combien ont-ils vu mourir leurs êtres chéris, ou combien ont été mutilés ? On dit que quelque 100 mille sont morts – il n’y a pas de chiffres précis – victimes de l’agression, de l’invasion, des brutales représailles, de la répression. Il n’y a pas longtemps, les omniprésentes actualités de TV montraient des policiers étasuniens en train de maltraiter et d’emprisonner une mère, une nord-américaine, qui avait perdu son fils en Iraq et qui lutte pour éviter que cette mort ne soit pas inutile. Au moins, selon USA Today, dans les sondages, six personnes sur dix dissent que la guerre tourne mal et que cela n’est pas bon pour le pays…Mais on ne peut pas accepter que le peuple des Etats-unis continue à être la collectivité nationale dont le sous- développement politique soit le plus coûteux pour le reste de l’humanité.
Lors du Forum Social Mondial, la romancière et activiste Arundathi Roy a demandé de ne pas rester dans une dénonciation périodique, qu’il nous fallait, au moins, boycotter à l’échelle mondiale les deux transnationales qui tirent les plus grands profits de ce violent négoce. Nous l’avons tous applaudie, mais nous n’avons rien fait jusqu’à présent. Hélas, le troisième anniversaire de l’agression est déjà passé, et le monde ne s’est pas soulevé contre les barbares de XXIème siècle. L’héroïque résistance du peuple iraquien porte en soi une très grande partie de la dignité du monde entier. Il faut l’aider entre tous à supporter le poids d’un si lourd fardeau.
Il est vrai que le groupe Bush est en train de perdre crédibilité, ce qui pourrait se traduire, à la longue, en un mauvais résultat lors des élections de novembre. Nonobstant, ce n’est pas une phrase « idéologique » de dire que tout cela pourrait rester à l’intérieur de la politique du système : ce n’est que la vérité. Il a été beaucoup plus encourageant de voir les gens dans les rues, il y a trois semaines, dans plusieurs villes des Etats-unis, en train d’exiger de ne pas criminaliser les immigrants. De voir comment sont-ils en train de redécouvrir que la grève est une arme.
Un jour au moins, sans disposer du travail bon marché, sans se servir de ceux à qui la société de domination et d’exploitation font devenir des personnes incomplètes et comme intrus. « Tous les droits pour tous les immigrants », cela sera un but digne de cet effort. Tous unis aux cotés de Spies et Parsons comme à Chicago il y a 120 ans, ceux qui sont nés partout dans le monde et ceux qui sont nés dans le pays, ensemble, à la quête des droits pour les uns, vont parvenir à conquérir des droits pour tous.
Dans l’Amérique Latine et les Caraïbes une nouvelle étape a commencé. Il y a seulement 15 ans on regrettait la «décennie perdue» et on perdait tout espoir vide d’un «développement équitable» si bien que les dictatures de « sécurité nationale » se sont vues substituées par des régimes politiques démocratiques. Deux cinquièmes de la population dans la misère, la plupart de la population appauvrie, un dépouillement croissant des ressources et du produit des pays ainsi qu’une souveraineté décadente, la région soumise à la mainmise des Etat Unis. Mais lorsque Bush, en 2001, a parlé de la « guerre infinie » dans n’importe « quel obscur coin », alors que ses sicaires «condamnaient la corruption» latino-américaine, dans ce continent, des peuples entiers bougeaient, et au Venezuela, la présidence d’Hugo Chávez déclenchait un processus de justice sociale et de changements révolutionnaires et le peuple écrasait le coup réactionnaire d’avril 2002. Aujourd’hui ce processus avance solidement, et propose avec Cuba une alternative d’intégration continentale fondée sur le bénéfice des peuples et la souveraineté nationale sur les ressources et sur le projet de vie de chaque pays. La Bolivie a été capable de franchir un pas de géant, et à la suite de cinq ans de luttes populaires, elle a conduit au gouvernement les opprimés et les exclus. Ceux qui sont en train de réunir justice sociale et souveraineté ont lancé un défi á l’impérialisme des Etats-Unis.
Plusieurs Etats avancent vers des coordinations latino-américaines autonomes, basées sur les principes des peuples de ne pas accepter les démocraties tolérantes, les sales négoces et la misère généralisée. Sans pour autant violer les règles démocratiques, Chávez s’est affirmé, Evo Morales a remporté la victoire et il paraît qu’il y aura d’autres triomphes électoraux cette année sur le continent. Peut être aujourd’hui il y a beaucoup plus optimisme que de résultats, mais cela ne nuit pas. Après de décennies de défaites, de mensonges, de pessimisme et de vulnérabilité où l’on a essayé de semer pour toujours la culture de la peur, l’indifférence, la résignation et la fragmentation, des millions de personnes éprouvent la sensation qu’il est possible de lutter encore une fois en faveur de la vie et de l’avenir des Amériques.
A La Paz, le 23 janvier, Evo a dit : « nous avons la grande occasion de changer notre histoire », « la politique est la science de servir les gens ». Et avec lui, Chávez a dit : « le socialisme est la seule voie pour sauver le monde » Une internationale des volontés est en train de convoquer le passé, le présent et le futur. La portée, les victoires et la permanence des processus de changement vont dépendre en dernière instance de la qualité des luttes des mouvements populaires organisées et conscients.
La nécessité, l’urgence et l’espérance convoquent tout le monde. Dans les endroits les plus différents du monde, dans les situations les plus particulières, agit ou menace un pouvoir qui se veut empire, mais en même temps il y a des êtres humains qui souhaitent vivre comme des personnes et non pas de survivre au détriment des autres, qui prennent conscience, se mobilisent, cessent d’être spectateurs, résistent et luttent. Si nous oeuvrons en faveur de cette convocation sous n’importe quelles formes -et dans cet effort nous nous transformons – nous serons solidaires et non pas seulement reconnaissants du peuple iraquien, nous multiplierons les forces et les possibilités de libération en Amérique Latine et partout dans le monde.