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La violence domestique envers les femmes «très répandue» et ignorée

(AFP) – Il faut agir d’urgence pour prévenir la violence domestique envers les femmes, qui est «très répandue, profondément enracinée» et souvent occultée, affirme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans un rapport publié le jeudi 24 novembre.

Cette étude sur «la santé des femmes et la violence domestique» a été conduite entre 2000 et 2003 dans dix pays (Bangladesh, Brésil, Éthiopie, Japon, Namibie, Pérou, Tanzanie, Samoa, Serbie et Monténégro, Thaïlande) auprès de 24 000 femmes.

Elle montre qu’entre 15 % (au Japon) et 71 % (en Éthiopie) des femmes interrogées ont subi à un moment ou à un autre de leur vie des violences physiques ou sexuelles, ou les deux à la fois, exercées par un partenaire intime.

Ces brutalités ont causé des traumatismes physiques dans une proportion allant de 19 % en Éthiopie à 55 % au Pérou.

Souvent, les équipes de l’OMS ont découvert que c’était la première fois que ces femmes battues pouvaient parler de la violence de leur mari ou compagnon, considérée comme «normale» dans certaines sociétés.

«Mon mari me gifle, m’oblige à avoir des rapports sexuels contre ma volonté […]. Je pensais que c’était normal et que c’était la façon dont tous les maris se comportaient», témoigne une femme interrogée au Bangladesh.

Dans chacun des pays étudiés, il s’est trouvé un pourcentage de femmes (de 6 % en Serbie et Monténégro à 80 % en Éthiopie) «acceptant certaines raisons de battre une femme», comme l’infidélité ou le fait de désobéir à son mari.

Dans les zones urbaines du Brésil, du Japon, de Namibie et de Serbie, les trois quarts des femmes interrogées ont rejeté toutes les raisons invoquées pour battre une femme. Mais ce chiffre tombe à moins de 25 % au Bangladesh, en Éthiopie, au Pérou et au Samoa.

Pour le rapporteur spécial de l’ONU sur la violence à l’égard des femmes, Yakin Ertürk, «l’étude remet en cause l’idée selon laquelle le foyer est un lieu où les femmes sont en sécurité en démontrant qu’elles sont plus exposées à la violence dans le cadre de relations intimes que partout ailleurs».

«Il est nécessaire que des mesures soient prises d’urgence» par les autorités sanitaires, les responsables communautaires et les gouvernements, conclut le rapport, qui souligne que «le coût (de cette violence) est énorme pour les individus, les systèmes de santé et la société en général».

L’OMS énumère quinze recommandations concrètes dans son rapport. Elles vont de «promouvoir l’égalité des sexes» à «rendre les écoles plus sûres pour les filles», en passant par «solliciter des chefs religieux et des responsables politiques qu’ils prennent position contre la violence à l’égard des femmes» ou encore «intégrer les mesures contre la violence à l’égard des femmes dans les programmes existants de prévention du VIH/sida».

Le pourcentage élevé de femmes faisant état d’abus sexuels – de 6 % au Japon à 59 % en Éthiopie – est en effet «particulièrement inquiétant compte tenu de l’épidémie du sida», souligne le rapport.

Il stigmatise aussi la «maltraitance psychologique» (chantage affectif, insultes, humiliation, intimidation, menaces), soulignant que les femmes «considèrent souvent les actes de violence psychologique comme plus dévastateurs que la violence physique».

Pour Yakin Ertürk, la violence «a des conséquences dévastatrices pour les femmes maltraitées et un effet traumatisant pour ceux qui en sont témoins, en particulier, les enfants».

«Le phénomène de la violence, ajoute-t-il, est une honte pour les États qui ne parviennent pas à la prévenir et les sociétés qui la tolèrent.»

HAITI: LES RELATIONS ENTRE LES SEXES

Les rapports de pouvoir inégaux qui existent entre les hommes et les femmes se manifestent de plusieurs façons.

Dans le monde:

– Les femmes travaillent deux tiers du nombre total d’heures travaillées dans le monde, et produisent la moitié des aliments dans le monde, pourtant, elles gagnent seulement dix pour cent des revenus mondiaux et possèdent moins de un pour cent des biens dans le monde.

– Deux tiers des enfants à qui on refuse l’accès à l’éducation primaire sont des filles et 75% des 879 millions d’analphabètes dans le monde sont des femmes. Chaque année additionnelle qu’une fille passe à l’école pourrait réduire la mortalité infantile de 10%. (ONU, Les femmes dans le monde).

– Chaque année, plus d’un demi million de femmes meurent pendant la grossesse et l’accouchement; parmi ces décès, 99 pour cent ont lieu dans les pays en développement. Dans des régions d’Afrique, les taux de mortalité maternelle sont de 1 :16 (ONU, les Femmes dans le Monde).

– Les femmes occupent seulement 14% des sièges dans les assemblées parlementaires mondiales et seulement 8% des postes de ministres dans des cabinets ministériels dans le monde sont des femmes. Seulement 11% des pays ont atteint les objectifs de l’ONU, soit 30% de preneurs de décision de sexe féminin (UNIFEM, Avancement des Femmes dans le Monde).

– La violence domestique est la cause la plus importante de dommages et de décès des femmes dans le monde. La violence domestique produit plus de décès et d’invalidité parmi les femmes âgées de 15 à 44 ans que le cancer, la malaria, les accidents de la circulation et la guerre (Banque Mondiale, Document de Synthèse)

En Haïti:

– Les femmes représentent la proportion la plus élevée de la population (50.3% d’après le CIFD et 57% d’après l’IHSI) ;

– Alors qu’elles représentent 41% de la population active du pays et sont les chefs de ménage 36% des familles haïtiennes dont elles assurent la subsistance quotidienne, elles représentent la majeure partie de la main d’œuvre non qualifiée et gagnent 5 fois moins que les hommes ;

– Elles représentent 50% de la population totale séro positive pour le VIH ;

– Environ 70% de l’ensemble de la population féminine sont victimes de violence avec une prédominance de la violence sexuelle (viol, harcèlement, exploitation sexuelle et la prostitution obligée) et physique (coups et blessures) cf l’enquête réalisée en 1996 par le CIFD) ;

– Chaque année pour 10.000 naissances vivantes, 457 femmes meurent pendant la grossesse ou l’accouchement;

– Elles jouissent d’un statut civil qui est soumis à des restrictions maintenues par des lois fondamentalement discriminatoires et elles ne participent pas aux mécanismes et structures de prise de décision.

– Les taux d’abandon les plus élevés au cycle secondaire sont enregistrés chez les filles.