Aller au contenu

Le GARR présente un Cahier de charges aux Partis Politiques haïtiens

Lors d’une « Journée d’Information et de sensibilisation » le 16 décembre 2005 le GARR a présenté aux Partis Politiques haïtiens un cahier de charges contenant des propositions pour la régularisation des problèmes identifiés dans les relations haïtiano-dominicaines et la migration .

Le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR) est une plateforme de 9 institutions nationales et internationales.
Son action, centrée sur la problématique de la migration haitienne en République Dominicaine, s’oriente dans trois principales directions : documentation des cas de violation des droits humains marquant les relations entre les deux pays, assistance légale aux victimes, sensibilisation et plaidoyer auprès des autorités politiques en faveur de l’adoption de mesures concrètes et efficaces pouvant contrer durablement le problème migratoire dans ses multiples facettes.

Le GARR profite du contexte actuel où les relations entre Haïti et la République Dominicaine connaissent un regain de tension pour présenter aux Partis politiques et aux candidats un ensemble de propositions longuement discutées avec des organisations haïtiennes et dominicaines sur ce qu’il conviendrait de faire tant en Haïti qu’en République Dominicaine ou conjointement par les deux pays, pour mettre fin à la gênante et perpétuelle controverse autour de la question migratoire.

Ce cahier de charges est présenté aux futurs dirigeants(es) d’Haïti dans l’espoir qu’ils (elles) feront de cette question d’intérêt national une preoccupation d’Etat, aussitôt qu’ils auront accedé au pouvoir. Nous pensons que seules des décisions réalistes et concertées basées sur la paix, l’harmonie, la justice et le respect mutuel peuvent aider à résoudre durablement un certain nombre de problèmes issus de cette migration.

Pour être viable, juste et durable, le GARR pense que les dirigeants haitiens doivent s’efforcer de résoudre les problèmes suivants :
– La régularisation du statut des immigrants haïtiens qui travaillent en République Dominicaine depuis de nombreuses années et la citoyenneté des descendants ces immigrants et immigrantes
– La régularisation du processus de recrutement pour les demandes de main d’œuvre et les demandes d’emploi ;
– La promotion de voyages réguliers par l’établissement de procédures simples et moins coûteuses
– La ratification des conventions internationales, notamment la convention sur les Droits des travailleurs migrants et leurs familles ; des lois nationales et protocoles entre les deux pays dans les cas de rapatriements.
– Un meilleur contrôle de la frontière, spécialement du côté d’Haïti.

Propositions

– Considérant qu’Haïti et la République Dominicaine sont deux pays de la Caraïbes liés par une frontière commune et par un passé historique difficile ;
– Considérant que la prise en compte du dossier de la migration qui a toujours constitué une pierre d’achoppement dans les relations entre Haïti et la République Dominicaine, est fondamentale pour une harmonisation des rapports entre les deux Etats et les deux peuples;
– Considérant que depuis plus de 75 ans, des travailleurs haïtiens se rendent régulièrement en République Dominicaine, d’abord à la faveur d’accords signés entre les deux Etats et plus tard à partir de contrats verbaux ou écrits entre les travailleurs et des entreprises et/ou propriétaires agricoles dominicains privés ;
– Considérant les conditions dans lesquelles vivent la majorité des Haïtiens et Haïtiennes en République Dominicaine, conditions caractérisées par le non-respect de leurs droits, l’absence de documents d’identité, la difficulté de s’intégrer dans la société dominicaine etc.;
– Considérant la situation de non reconnaissance dans laquelle vivent des milliers d’enfants issus de ces immigrants et immigrantes, lesquels enfants n’arrivent pas à jouir pleinement du droit à la nationalité, à la citoyenneté, encore moins de leurs droits socioéconomiques ;
– Considérant que la présence des haïtiens est souvent présentée par les dominicains comme une menace pour leur souveraineté ;
– Considérant la tendance à la régularisation et à la normalisation sur un certain nombre de questions économiques et commerciales ayant caractérisé les relations entre les deux pays au cours des cinq dernières années;
– Considérant la volonté exprimée à maintes reprises par des représentants des deux Etats d’agir positivement sur ce dossier ;
– Considérant l’impérieuse nécessité pour Haïti et la République Dominicaine de vivre constamment dans un rapport de bon voisinage et de respect mutuel;
– Considérant que la question migratoire entre ces deux pays contient des germes de conflits potentiels qu’il convient de résoudre dans la paix et dans la justice;

Le GARR demande aux Partis Politiques d’intégrer dans leur programme politique la question des relations haïtiano-dominicaines en tenant compte des propositions suivantes :

  1. Etablir des mécanismes pour décourager les pratiques de recrutements clandestins qui ont cours régulièrement à la frontière et qui ne contribuent qu’à aggraver la situation précaire des personnes d’ascendance haïtienne. Nous leur demandons de freiner les manoeuvres des buscones qui soutirent de l’argent aux haïtiens, haïtiennes en leur promettant monts et merveilles en République Dominicaine, par la signature d’accords fixant le cadre dans lequel un ressortissant d’un pays peut aller travailler dans l’autre.
  2. Penser à négocier un accord global sur la question migratoire. Cet accord doit prendre en compte les intérêts des migrants de longue date et ceux des descendants de ces immigrants. En attendant cet accord, insister sur l’arrêt de toute campagne de rapatriement forcé d’immigrants haïtiens ou de leurs descendants en territoire dominicain.
  3. Penser à faciliter le contrôle des conditions de rapatriement par des structures compétentes pouvant veiller au respect des accords et au respect des droits de la personne.
  4. Penser à élaborer des accords bilatéraux facilitant la circulation des ressortissants haitiens et dominicains d’un pays à un autre. Dans ce sens il sera opportun de réviser à la baisse les tarifs des voyages (passeports, visa et frais d’immigration)
  5. Envisager d’organiser et de réglementer équitablement les échanges commerciaux entre les deux pays de manière à ce qu’ils puissent bénéficier au développement des deux pays.
  6. Demander à leurs représentants, quand ils seront élus au parlement, de ratifier la Convention Internationale sur la Protection des Droits des Travailleurs migrants et de leur famille.
  7. Travailler au renforcement de la représentation diplomatique d’Haïti en République Dominicaine afin de pouvoir répondre plus facilement et plus efficacement aux besoins de ressortissants haïtiens, notamment le besoin de trouver des pièces d’identité et une protection légale.
    Nous pensons à l’établissement de nouveaux consulats haïtiens en République Dominicaine, particulièrement dans les points frontaliers où les représentations consulaires du pays voisin n’ont pas de vis-à-vis, notamment à Elias Piña et à Pedernales.
  8. Envisager à mettre en place des mécanismes pour doter les haïtiens de pièces d’identité, et ceci en Haïti, en République Dominicaine et ailleurs afin de leur faciliter les démarches administratives, notamment la déclaration de naissance de leurs enfants.
  9. Appliquer une politique économique de nature à générer de l’emploi stable, notamment en milieu rural, afin de créer les conditions et opportunités d’une vie meilleure pour la population haïtienne, et par ricochet de sa stabilité.
  10. Envisager à mettre en place des structures sociales, économiques et administratives sur toute la zone frontalière afin de créer les conditions pouvant limiter les voyages irréguliers vers la République Dominicaine.
  11. Mettre en place des projets pouvant faciliter la réinsertion des personnes rapatriées
  12. Inviter leurs représentants au parlement à élaborer et promulguer une loi régissant la traite et le trafic de personnes, en prévoyant des poursuites pour des auteurs et une assistance aux victimes, conformément aux obligations internationales en la matière.

www.garr-haiti.org