La Sixième Conférence Ministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce a lieu à Hong-Kong, en Chine, du 13 au 18 décembre 2005. La Conférence Ministérielle est l’organe suprême d’adoption de décisions de l’OMC ; elle se réunit au moins une fois tous les deux ans et elle trace la politique de l’organisation. Cette Sixième Conférence sera cruciale pour que les négociations qui ont lieu depuis quatre ans dans le cadre du Cycle de Doha, appelé Cycle pour le Développement, fassent des progrès suffisants qui permettent de conclure le Cycle en 2006, comme prévu.
L’agriculture et l’alimentation sont un facteur clé dans les négociations actuelles et de nouveau, la société organisée par les mouvements sociaux, les ONG et d’autres associations qui s’opposent à l’actuel processus de mondialisation corporative, réclament un changement dans l’actuel cadre régulateur (ou plutôt dérégulateur) qu’impose l’OMC à l’agriculture, au bétail, à la pêche et à l’alimentation mondiale. Dans son paragraphe sur l’agriculture, l’actuel cycle de Doha cherche en réalité à approfondir l’accès aux marchés par les corporations transnationales et leur donner une plus grande liberté pour utiliser les ressources naturelles de la planète pour leur propre bénéfice.
Les normes, les réglementations, le fonctionnement et l’idéologie qui inspirent l’OMC n’aideront pas du tout les populations les plus appauvries, ils n’apporteront pas non plus de bénéfices aux populations des pays industrialisés. Les seuls bénéficiaires réels sont les corporations qui peuvent se déplacer avec une plus grande liberté chaque fois à la recherche du bénéfice monétaire maximal.
Dans un rapport récent, la Banque Mondiale révisait à la baisse les bénéfices monétaires supposés de la libéralisation commerciale promue par l’OMC, par rapport à ses prévisions après la réunion de Cancún (Mexique) en 2003. Il avait alors chiffré les « bénéfices » de la libéralisation à 832 billions de dollars dont la plus grande part resterait dans les pays en développement (539 billions de dollars). Maintenant, la BM rectifie et nous dit que ses prévisions indiquent un bénéfice de 287 billions de dollars dont 70% resterait dans les pays industrialisés et seulement 30% dans les pays appauvris.
Le même rapport calcule les bénéfices monétaires du « succès » de Hong-Kong et du cycle de Doha en cours. Chaque habitant des pays appauvris touchera à peu près 3 dollars par année.
Les 10 années d’existence de l’OMC sont plus que suffisantes pour nous démontrer que ses postulats ne servent pas de modèle de développement que nous défendons à VSF. Pour tout cela, depuis Vétérinaires Sans Frontière, ONG de développement rural, nous vous demandons un effort pour changer l’actuelle situation et de provoquer que l’agriculture et l’alimentation ne soient pas traitées dans l’OMC.
Faux Mythes sur le Libre Échange Agricole
Mythe 1 Si nous augmentons le commerce agricole international, nous réduirons la faim dans le monde.
Réalité : Le commerce international d’aliments croît à un rythme beaucoup plus grand que celui de la population et de la production, et malgré cela la faim continue à augmenter. Entre 1968 et 1998 la production d’aliments a augmenté de 84%, la population de 94% et le commerce de 184% (1). La faim entre 1995 et 2002 a aussi augmenté de 2,5%, presque 20 millions de personnes.
Mythe 2: Si les pays appauvris augmentent leur commerce agricole, ils réduiront les indices de pauvreté.
Réalité : Le dernier rapport des Nations Unies sur les 48 pays les plus pauvres du monde, indique que l’immense majorité des pays qui ont augmenté leurs exportations et importations (la plupart agricoles) ont vu une intensification de la pauvreté sur son territoire. Et de plus, pour pouvoir continuer à augmenter les exportations agro-alimentaires, ils ont dû importer chaque fois plus d’intrants agricoles, nécessaires pour compléter le modèle productif intensif typiquement exportateur. Alors, l’exportation agricole se rend dépendante de l’importation des facteurs de production.
Mythe 3: Si les pays pauvres augmentent leurs exportations, les devises produites leur permettront d’importer de ce qu’elles ont besoin.
Réalité: Dans les pays moins avancés (PMA) qui obtiennent la plupart de leurs recettes d’exportation à partir de produits agricoles (les agro exportateurs pauvres), les recettes d’exportation leur permettent de couvrir seulement 54% des importations totales (2). Exporter et importer, pour eux, représente une catastrophe.
Mythe 4 : Le problème est l’accès aux marchés du Nord par les pays appauvris
Réalité : Il y a des produits agro-alimentaires pour lesquels l’accès est assuré tandis que la pauvreté ne s’améliore pas dans les zones productrices. Le soja de l’Argentine a un accès libre dans l’UE, toutefois les Argentins consomment en moyenne 10 kg moins de viande, 1.5 kg moins d’oeufs et 50 litres moins de lait qu’en 1980 (3). Le saumon du Chili a libre accès aux marchés des Etats-Unis, néanmoins, les recettes familiales de la région chilien de production de saumons ont été ceux qui ont le moins progressé durant les dernières 10 années pour tout le pays. L’écart entre le pourcentage de pauvreté de la région du saumon et la moyenne chilienne a augmenté. Qui reçoit la plus grande partie de la richesse produite par l’exportation ? Les grandes entreprises de l’oligarchie locale et les transnationales.
Mythe 5 : Le libre échange agricole profite seulement aux pays riches
Réalité:Le libre échange seulement profite aux agro entreprises qui peuvent produire, transformer et traiter internationalement.
– Ou en produisant les facteurs de production agricoles ou les matières premières alimentaires (Commodities),
– Ou en transformant les matières premières agro-alimentaires en des aliments fabriqués
– Ou en traitant avec tout cela au niveau mondial.
Le bénéfice va aux grandes exploitations agricoles et les Entreprises Transnationales, n’importe où. Les victimes sont les familles paysannes, n’importe où. L’Espagne a augmenté de 400 fois son exportation de viande de porc entre 1985-2002, en même temps une des zones principales de production (Aragon), a vu disparaître 75% de ses exploitations porcines et augmenter sa taille de 10 fois pendant la même période. Campofrío (une des principales entreprises du secteur en Espagne) a multiplié par 10 ses bénéfices seulement durant deux années (2002-2004). Une autre grande entreprise espagnole, Marie Tarradellas, a aussi augmenté ses bénéfices par 25% au cours de la même période. (4)
Mythe 6 : Le libre échange agricole réduit les prix des aliments pour le consommateur
Réalité: La Banque Mondiale a constaté que de 1974 à 1997 les prix des produits de base agricoles ont baissé tandis que ceux que payent les consommateurs ont augmenté. Le prix du café a diminué de 18% entre 1974-1993, toutefois le prix final pour le consommateur aux Etats-Unis a augmenté de 240% (5). En Espagne, la différence entre les indices de prix pour l’agriculteur et pour le consommateur a doublé entre 1997 et 2003 (6). Au Mexique, le prix du maïs payé aux agriculteurs a diminué de 50%, tandis que le prix payé par le consommateur a augmenté de 279% (7). La cause est le contrôle monopolistique des entreprises agro-alimentaires qui marquent à la baisse les prix de leurs achats et à la hausse ceux de leurs ventes.
Mythe 7 : Le libre échange améliore et modernise l’agriculture et l’élevage et il les rend plus compétitifs.
Réalité: Le libre échange à travers la concurrence inégale entre des producteurs de différentes régions du monde détruit l’agriculture et l’élevage et les transforme en agro-industrie, en productions industrialisées de matières premières alimentaires entre les mains de quelques grandes exploitations ou directement en des entreprises de l’agrobusiness.
L’Argentine a perdu 25% de ses exploitations agricoles depuis que ses exportations agricoles ont augmenté, et 34% dans la zone agro-exportatrice de soja. En 15 ans (1988-2003), l’Espagne a perdu 50% de sa population agricole et 40% des exploitations. Au Mexique, 15 millions d’agriculteurs et leurs familles ont été exclu du marché agricole une fois que ce pays a libéralisé son marché de maïs avec l’Accord de Libre Échange avec l’Amérique du Nord (ALENA) (8).
Mythe 8 : Les pays appauvris ont encore des économies fermées et devraient s’insérer dans l’économie mondiale pour améliorer leurs indicateurs sociaux.
Réalité : Les pays appauvris sont ceux qui ont ouvert leurs économies avec un degré d’ouverture de 51% du Produit Intérieur Brut tandis que les pays « développés » n’ont que 43% d’ouverture (9).
Mythe 9 : Le libre échange agricole profite des avantages comparatifs entre des pays et l’amélioration conséquente de la compétitivité aboutit à un meilleur niveau de vie pour tous.
Réalité : Les avantages comparatifs agricoles ne sont pas géographiques, climatologiques ou de qualité relative de sols agricoles, mais par rapport aux coûts salariaux plus bas. Les bas salaires sont le grand avantage relatif des pays appauvris. Baser le développement humain d’un pays sur des salaires de subsistance et sur des conditions misérables ne paraît pas le meilleur chemin à choisir.
Le Maroc exporte des tomates en Espagne non pas parce que son climat ou ses sols agricoles soient meilleurs que les espagnols, mais parce que les salaires des travailleurs ruraux marocains sont beaucoup moins élevés que ceux de leurs collègues espagnols. Le Mexique vend des tomates aux USA non pas parce que son climat est meilleur que celui de la Californie mais parce qu’un travailleur rural mexicain gagne la même chose dans un jour qu’un Américain dans une heure (10).
Mythe 10 : Le libre échange agricole stimule l’activité de l’entreprenariat des pays.
Réalité : Le libre échange agro-alimentaire détruit l’activité d’entrepreneurs locaux et permet le contrôle des grandes corporations agro-alimentaires transnationales (global players) dans des conditions d’oligopole.
Costa Rica a entamé un processus libéralisateur de son commerce agricole au début des années 80. À la fin de la décennie, 50% des affaires agricoles étaient entre les mains d’entreprises étrangères. Leur contrôle de quelques produits comme la papaye était de 99% (11). Au Chili vers le milieu des années 90, plus de 100 compagnies, la majorité de taille moyenne et chilienne, produisaient et exportaient du Saumon. En 2005, le nombre a été réduit à 35, desquelles seulement 12 produisent 75% du Saumon. De ces 12, la moitié est représentée par des transnationales européenne et américaines (12).
Kenya. Dans la même période que le Kenya a doublé ses exportations de fruits, la consommation locale de fruits a diminué de 30.5 à 26.5 kg de fruit/personne/an. (FAO)
Mexique. Le Mexique a perdu entre 700 000 et 800.000 moyens de subsistance suite à la libéralisation du maïs avec l’Amérique du Nord. (PNUD)
Zambie. Le pays a libéralisé son commerce agricole pendant les années 90. Conséquence : la chute de 20% de la consommation interne de maïs. Tandis que le prix du maïs pour exportation avait diminué, le prix pour le consommateur zambien avait augmenté. (Ziegler)
- FAO
- UNCTAD, Rapport Les pays moins avancés, 2004
- Pengue et No te comas el mundo
- Données des entreprises
- BM, Banque Mondiale
- MAPYA Ministère de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation. Espagne.
- Ziegler, Nations-Unies
- Ziegler, Nations-Unies
- UNCTAD
- Rosset, P Les douze mythes sur la faim
- Rosset, P Les douze mythes sur la faim
- VSF Veterinarios Sin Fronteras. Informe Salmones en Chile, el negocio de comerse el mar
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