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Relance de la production nationale pour combattre la faim, prônent les paysans

Quelques centaines de paysans, soutenus par des étudiants et des défenseurs des droits humains, ont plaidé, le 16 octobre 2005, en faveur de la valorisation de la production nationale, lors d’un rassemblement à l’Estère (commune du département de l’Artibonite, à plus d’une centaine de kilomètres au nord de Port-au-Prince), a constaté AlterPresse.


Cette nouvelle mobilisation rentre dans le cadre de la célébration de la Journée Mondiale des Femmes Rurales (15 octobre), la Journée Mondiale de l’Alimentation (16 octobre) et celle de la Lutte contre la Pauvreté (17 octobre).

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« Le rassemblement du 16 octobre n’a rien à voir avec la campagne électorale » lancée depuis le 8 octobre 2005 un peu partout à travers Haïti, prévient Josué Vaval, animateur à la Plate-Forme Haïtienne pour un Développement Alternatif (PAPDA).

La PAPDA et le Mouvement Revendicatif des Planteurs de l’Artibonite(MOREPLA) sont les initiateurs de cette activité supportée par la Solidarité des Femmes Haïtiennes (SOFA) et la branche en Haïti de l’organisation internationale, Oxfam GB.

« Manger à sa faim est un droit élémentaire, luttons pour la prise en charge de notre production nationale, particulièrement le riz de l’Artibonite », déclare Assancio, Jacques responsable du MOREPLA.

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Le militant paysan rappelle que le fondateur de la nation haïtienne, Jean Jacques Dessalines (dont le 17 octobre 2005 ramène le 199 e anniversaire de l’assassinat) fut assassiné pour avoir défendu la cause des paysans sans terre. En ce sens, Assancio Jacques plaide en faveur d’une réforme agraire juste et équitable dans le pays.

« Nous travaillons pour la souveraineté alimentaire de notre pays, nous sommes fatigués de consommer le riz importé », lâche-t-il.

« Le riz de l’Artibonite, notre patrimoine national, peut largement contribuer au développement économique du pays », poursuit Assancio Jacques qui estime qu’il « est temps que la classe paysanne participe dans la prise des grandes décisions concernant la nation ».

Le coordonnateur du Programme de Plaidoyer pour une Intégration Alternative au sein de la PAPDA, Franck Saint-Jean, estime, quant à lui, que le paysan haïtien est mis à l’écart dans toutes les activités entreprises par les autorités étatiques.

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A titre d’exemple, il cite le Cadre de Coopération Intérimaire (CCI, document concocté par la communauté internationale pour la reconstruction d’Haïti, au lendemain de la chute du régime lavalas) qui n’a pas un volet réservé au secteur paysan. A en croire ses propos, pour la réalisation dudit document, l’Etat haïtien investit environ 2 millions de dollars américains.

« Nous sommes plus que jamais déterminés à soutenir le secteur paysan dans la lutte pour son intégration au sein de la société haïtienne, pour la valorisation de l’agriculture nationale », réaffirme le dirigeant de la PAPDA.

« Il n’est pas normal qu’un groupe, qui représente plus de 60% de la société haïtienne, ait accès à seulement 2% du budget national », ajoute-t-il.

Les délégués de 10 communes de l’Artibonite ont tous exprimé leur inquiétude face à l’envahissement du marché haïtien par le riz des Etats-Unis d’Amérique.

« Nous sommes trop dépendants des USA en matière de sécurité alimentaire, nous devons conjuguer nos efforts pour encourager la production nationale », ont-ils dit.

Les participants au rassemblement du 16 octobre dénoncent également la hausse vertigineuse du sac d’engrais sur le marché national.

« Un paysan doit avoir, aujourd’hui, entre 1,400 et 1,500 gourdes pour acheter un sac d’engrais qui se vendait à 185 gourdes » durant les années 1998 et 2000, déplorent Josué Vaval et Assancio Jacques.

Selon Sylvain Jean, représentant de l’organisation « Tèt Kole Ti Peyizan », la production nationale est en voie de disparition. Jean invite le peuple haïtien à se mobiliser davantage en cessant de consommer les produits importés de l’étranger, considérés comme un handicap à l’amélioration des conditions de vie dans le pays.

« Comment peut-on valoriser la production nationale en même temps qu’on consomme à longueur de journée des produits importés ? », s’interroge le dirigeant paysan.

La mobilisation de l’Estère a été également l’occasion pour les participants de stigmatiser la politique néolibérale des institutions internationales, dont le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale, appliquée en Haïti.

Une conférence-débat a eu lieu avec le professeur Jean Rénol Elie de l’Université d’Etat d’Haïti. Dans son exposé, l’universitaire a fustigé le comportement de l’Etat haïtien face au dépérissement de la production nationale.

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« Ce ne sont pas les connaissances techniques qui manquent, mais l’orientation d’un Etat responsable. Nous devons travailler pour changer l’orientation de l’Etat que nous avons aujourd’hui », avance le professeur Jean Rénold Elie.

La journée a été clôturée par une manifestation de rue. Les manifestants, dont des étudiants de la Faculté des Sciences Humaines, ont scandé des propos défavorables au Ministre de l’Agriculture, Philippe Mathieu qui, selon eux, monopoliserait le marché de l’engrais en Haïti.

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En 2003, Haïti a importé 340,000 tonnes métriques de riz. Le département de l’Artibonite en produit seulement 76,000 tonnes, soit 18% de l’ensemble de riz consommé dans le pays, lit-on dans un document préparé par la PAPDA.

Selon ce document, plus de 125,000 Haïtiens vivant de la riziculture occupent 60,000 hectares de terre. Dans la Vallée de l’Artibonite, 50,000 producteurs sont à pied d’œuvre contre 20,000 à 30,000 dans les autres régions du pays.

28,000 ouvriers agricoles participent régulièrement à la campagne de la production de riz dans le pays. 8,000 marchandes et marchands assurent la commercialisation de ce produit.

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A l’occasion de la mobilisation de l’Estère du 16 octobre 2005, les paysans ont exprimé leur mécontentement face à la présence de multinationales américaines, comme T&S Rice et Riceland, qui n’ont pas cessé d’investir le marché haïtien en riz importé.

La mobilisation de l’Estère est la deuxième activité organisée en moins de deux mois dans l’Artibonite par les organisations paysannes venues de différentes régions d’Haïti.

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Le 22 août 2005, la relance de la production nationale avait été soulevée par les secteurs paysans à la Petite Rivière de l’Artibonite.

Posté le mardi 18 octobre 2005 par Djems Olivier

Alterpresse