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Justice Economique nr 1 (1995) – Editorial

Le peuple haïtien vit un moment important de son histoire. Un moment de défis écrasants et d’immenses espoirs. D’intenses combats se développent aujourd’hui dans le cadre de la définition de nouvelles formules de vie et de nouveaux rapports sociaux permettant notamment d’actualiser les revendications essentielles du mouvement populaire et social des années 85-86.


Depuis un peu plus de 10 ans quel a été le chemin parcouru?

La transformation radicale dont était porteuse ce mouvement a été freinée, entravée, vilipendée, détourné par de nombreux facteurs au cours des diverses conjonctures agitées et contradictoires que nous avons vécues. Il a fallu aux forces anti-changement un coup d’Etat sanglant et une occupation militaire pour retarder, détourner, confisquer et tenter d’évacuer les revendications fondamentales nées à partir du puissant réveil des années 85-86.

Que nous reste-il maintenant? Certainement la mémoire souvent amère parfois exaltante des luttes menées avec la ferme conviction qu’ensemble nous pouvons construire une nouvelle société haïtienne juste et solidaire.

Il y a surtout à partir de Septembre 1994 une expropriation du processus démocratique. Les secteurs populaires, éléments moteurs de la vague de cahngements sont écartés, marginalisées, oubliés et commencent déjà à se consolider de nouvelles formes d’exclusion accompagnant ce qu’on appelle de façon trop rapide et sans fondement le nouvel Etat de droit en Haïti. On assite souvent déarmé, à une inquiétante croissance des gestes et attitudes qui trahissent le découragement, la déception et qui sont en fait une forme larvé de reddition.

Le Programme d’Ajustement Structurel (PAS) imposé par les Institutions Financières Internationales (IFIs) est un instrument central dans le processus de confiscation de la démocratie. Il représente une douloureuse agression contre les formes de résistance qui ont caractérisés nos 200 ans d’histoire de peuple. Hélas! ce programme bénéficie aujourd’hui d’une large alliance formée et dirigée entre’autres par des personnes qui, jadis, se déclaraient aux côtés du peuple haïtien.

On travaille à une rapide déstructuration de la société haïtienne en détruisant le peu qui restait d’un Etat rachitique et impuissant, en déstructurant les réseaux de solidarité de la société traditionnelle, en y substituant de nouvelles formes de solidarité externes, fragiles, éphémères et illusoires (la fameuse prolifération des ONGs). Sur la base d’une analyse dogmatique de la société haïtienne, des recettes technocratiques sont imposées. Elles ne peuvent que précipiter l’effondrement de la nation et de notre appareil productif.

Au Sud comme au Nord, la mondialisation se fait contre les peuples, contre le travail, et par le démantèlement des Etats. Cette viloence est générale et appelle à de nouvelles formes de résistances. En fait, de même que la paysannerie haïtienne a tenté de construire un espace semi-autonome de survie, les peuples se soulèvent aujourd’hui contre les multiples formes de domination qui se déguisent sous les masques séduisants de l’uniformisation culturelle. Nous devons, avec tous les opprimés de la planète, réinventer de nouveaux sens capables de galvaniser des stratégies efficaces.

La démocratie haïtienne sera fondée sur un système basé sur la justice économique ou est condamnée à mourir prématurément. Notre lutte devra s’insérer dans le foisonnement multiple de toutes les résistances authentiques contre la domination du système capitaliste mondial. Elle doit embrasser l’universel arc-boute sur les forces de notre culture populaire.

La Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA), composée d’une coalition d’organisations diverses lance cebulletin dans l’espoir de contribuer à la renaissance de notre pays et à l’accélération d’un processus de transformation profonde et durable s’inspirant des principes fondamentaux de JUSTICE ECONOMIQUE. Dans le cadre de cet objectif, le bulletin de conjoncture de la PAPDA es décidé à promouvoir:

– l’information sérieuse et documentée,
– la formation responsable et systématique,
– l’impulsion de vrais débats d’idées conduisant, sans sectarisme, à de solides rassemblements,
– le lobbying articulé à partir des cris des couches exploitées,
– l’accouchement des horizons alternatifs et de tout ce qui peut dynamiser l’émancipation des peuples,
– le renforcement des capacités et des compétences des acteurs fondamentaux des couches exploitées victimes de l’exclusion et des formes multiples de domination, contre l’apartheid social, pour la Justice économique.