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Dette externe de Haiti: Campagne Jubilé 2000

La dette externe des pays du Tiers-Monde constitue aujourd’hui une des sources les plus importantes de reproduction des injustices qui caractérisent la réalité économique mondiale.

Son volume ne cesse d’augmenter malgré les politiques d’ajustement structurel dont l’un des principaux objectifs déclarés étaient de réduire le niveau d’endettement des pays sous-développés à travers l’instauration de nouveaux mécanismes de gestion fiscale. La dette exterieure totale des pays du Tiers-Monde est passée de 658 milliards de dollars US à 1.945 milliars de dollars pour l’exercice 1994 – 1995.

La dette externe exerce une ponction significative sur les maigres ressources des pays les plus pauvres du Tiers-Monde représentant dans certains cas jusqu’à 150% des recettes totales d’exportation de certains pays. Pour l’ensemble des pays du Tiers-Monde sévèrement endettés il représentait pour l’année 1987 plus de 400% de leurs recettes totales d’exportation. Il s’agit sans aucun doute d’une hémorragie destructrice. Les dimensions du Service de la dette empêchent que l’essentiel de nos maigres ressources soient affectées aux secteurs sociaux et aux investissements productifs. Chaque année les pays de l’Afrique paient en service de la dette 4 fois plus que l’addition des budgets de santé et d’éducation de l’ensemble du continent.

La dette externe constitue un mécanisme presque ‘diabolique’ d’appauvrissement des pays du Tiers-Monde. Sa logique proprement infernale enferme les pays pauvres et endettés dans une spirale dont on voit difficilement comment en sortir. En effet entre 1980 et 1992 les pays ont remboursé pour une valeur totale (intérêt et capital) de 1.672 milliards de dollars alors que la dette de 1980 se chiffrait à 658 milliards de dollars. Pourtant malgré ce remarquable effort financier la dette de 1993 (1.812 milliards) était largement supérieure au montant de 1980.

Initiatives

De nombreuses initiatives ont été prises pour endiguer ce phénomène. L’initiative pour les Amériques de Georges Bush, le plan Brady comportaient un élément essentiel de tentative de réduction rapide du volume de la dette du Tiers-Monde. Ces initiatives, tout en étant hautement souhaitable du point de vue éthique contiennent également une impeccable rationnalité économique et financière puisqu’il est mathématiquement démontrable qu’une portion significative du montant total de la dette ne pourra jamais être remboursée. Pourtant ces tentatives ont toutes échouées.

La dernière initiative prise récemment par le FMI et la BM est le fameux HIPC qui se propose d’enclencher des mécanismes particuliers permettant aux pays pauvres lourdement endettés de réduire le poids de la dette en annulant une partie significative de celle-ci. Une 1ère évaluation des mesures prises, surtout en Afrique, montre une grande déception dans la mesure où la plupart des mesures suggérées par les IFIs ne sont pas effectivement entrées en application et le carcan de la domination externe s’est aggravé dans le cadre de ces nouveaux mécanismes.

Les organisations signataires de ce projet sont particulièrement intéressées par la campagne Jubilée 2000. Elle représente une manifestation active de la révolte de la conscience universelle contre une intolérable injustice et a déjà suscité une salutaire mobilisation des organisations de la société civile au niveau mondial. Issue d’une préoccupation religieuse liée à la nécessité de faire table rase des dettes injustes elle a, à notre avis, de grandes chances de réussite et constitue pour la population haïtienne une occasion exceptionnelle de se mobiliser autour d’un objectif réaliste qui peut avoir un impact significatif sur le niveau de vie de la population. Les organisations qui lancent ce projet sont décidées à mettre tous les moyens disponibles pour participer à la campagne de collecte de signatures et profiteront de l’espace créé par ce programme pour mener à bien des actions d’éducation sur un problème fondamental – celui de la dette externe – dans le cadre d’un processus visant à renforcer les organisations de base et leur capacités d’analyse de négociation et d’intervention.

La dette d’Haïti

La dette externe d’Haïti représente aujourd’hui un montant de l’ordre du milliard de dollars. Elle est estimée par la Banque centrale (revue de Nov. 1997) à 1.030,2 milliards de dollars. Elle a connu une croissance exponentielle depuis la décennie des années 1980. Plus récemment elle est passée de 810 millions de dollars en 1991 à près du milliard actuellement. Pour les 3 périodes fiscales récentes 608,19 millions ont été décaissés en 1995, 442,35 millions, en 1996 567,49 millions en 1997

A la différence de la dette des pays latino-américains elle est contractée dans le cadre d’accords bilatéraux et de prêts consentis à moyen et long terme à des taux concessionnels par le FMI, la Banque Mondiale, la BID. La USAID, la France, l’UE et la Canada figurent aussi sur la liste de nos principaux débiteurs. D’ailleurs quelques uns de ces pays ont accepté d’éliminer en tout ou en partie les dettes contractées par l’État haïtien après le retour à la démocratie d’octobre 1994.

Caracteristiques

La dette externe de notre pays présente quelques caractéristiques qu’il importe de souligner :

Une partie importante de note dette actuelle représente des engagements pris par le Gouvernement Haïtien pendant la longue période de la dictature des Duvaliers. Cette dictature sanguinaire et obscurantiste renversée en 1986 n’a évidemment pas investi cet argent au bénéfice du Peuple haïtien. Des documents très fiables montrent que la famille des Duvalier a détourné des sommes considérables du Trésor public équivalant au moins à 900 millions de dollars US. Une autre partie importante de cette dette a été contractée par des régimes militaires anti-populaires et illégitimes au cours de la longue transition de l’après 1986.

Au cours de la période octobre 1991 à octobre 1994 notre pays a connu une situation de guerre qui a engendré un véritable désastre du point de vue des infrastuctures et de la continuité institutionnelle. 4 000 à 5 000 personnes ont été assassinées, 300 000 déplacés internes , près de 100 000 réfugiés. Cette catastrophe nous autorise à parler d’une situation de guerre qui nous autorise à solliciter un traitement spécial du dossier de la dette externe d’Haïti.

A ce jour notre pays n’est intégré à aucun mécanisme visant à soulager ce problème malgré que le service de la dette constitue un frein au développement national. En matière de comparaison au cours de l’exercice 1995 – 1996 nous avons payé 800 millions de gourdes au titre du service de la dette externe alors qu’au cours de cette même période fiscale seulement 120 millions ont été dépensés pour le secteur agricole.

La situation haïtienne représente un cas limite de pauvreté massive et d’effondrement économique. L’analphabetisme dépasse les 50%, les services publics sont inexistant pour la grande majorité de la population, plus de 70% de la population économiquement active est au chômage, 85% de la population rurale vit au-dessous du seuil de pauvreté absolue, l’espérance moyenne de vie est autour de 56 ans. Les taux de malnutrition sont élevés et la dépendance alimentaire du pays par rapport à l’extérieur atteint des dimensions alarmantes. Ce tableau qui place Haiti de très loin comme le pays le plus pauvre de l’hémisphère et qui exige des mesures ambitieuses et drastiques pour renverser les tendances actuelles nous autorise à penser que notre pays est en droit de solliciter un traitement particulier de sa dette. La lutte héroïque du Peuple haïtien pour la démocratie implique que la communauté internationale tienne compte de la profondeur de la crise économique et sociale que nous sommes en train de vivre. La dette constitue sans nul doute un mécanisme d’agravation du phénomène de pauvreté de masse dans notre pays.

La situation de la dette externe d’Haïti tend à s’agraver très rapidement. En effet en janvier 1995 le gouvernement haïtien a pris des engagements pour un montant de 2.5 milliards de dollars que notre pays devrait recevoir sur une période de 5 ans Dans ce paquet 1.5 milliards de dollars sont des prêts. Cette donnée bva se traduit très rapidement en une croissance exponentielle du poste service de la dette externe qui selon les projections de la Banque Mondiale devarient représenter à l’horizon 2000 X% du PIB. C’est une perspective relativement alarmante dans la mesure oú les exportations n’ont pas connu ces dernières années le dynamisme attendu. Bien au contraire suite aux effets du Coup d’Etat déjà évoqué les exportations ont tendance à s’effondrer. Les capacités de paiement de l’économie haïtienne diminuent et les dettes augmentent de façon vertigineuse.

BUT ET OBJECTIFS

La situation décrite plus haut exige une intervention rapide en faveur de notre pays sur le dossier de la dette externe. Elle a atteint la barre psychologique du milliard de dollars et tout semble indiquer une croissance exponentielle. Nous croyons que le respect des droits les plus élémentaires du Peuple haïtien exige une reconsidération de la dette de notre pays. C’est la condition sine qua non pour que le secteur externe devienne un élément de dynamisation de la croissance économique et non un frein chaque jour plus puissant de notre développement économique et social.

Ce programme vise donc à développer une intense campagne de sensibilisation, d’information, d’éducation et de mobilisation sur la question de la dette externe. Cette campagne contribuera aussi à intégrer les forces de la société civile haïtienne dans la campagne transnationale qui se développe autour de la question en particulier la campagne Jubilée 2000 qui vise à obtenir à l’horizon de l’an 2000 l’anulation d’une partie imporante de la dette externe des pays du Tiers-Monde.

A) Informer et Sensibiliser l’opinion publique haïtienne sur la question de la dette externe dans le monde, sur les dimensions et les conséquences de la dette externe d’Haïti

B) Éduquer les organisations de base sur la question de la dette en leur fournissant à travers du matériel pédagogique adapté des outils d’analyse de la question de la dette

C) Encadrer les organisations de la société civile dans leus actions sur le dossier de la dette

D) Organiser des actions de lobbying auprès de l’Exécutif du Parlement haïtien et des agences internationales influentes en Haïti pour modifier leur perception de ce dossier et les encourager à prendsre des mesures qui renforcent notre campagne.

E) Associer les organisations de la societé civile haïtienne aux actes de protestation et de mobilisation contre la dette exterieure, en particulier celles qui sont entreprises dans le cadre de la campagne Jubilée 2000.

F) Intégrer le dossier d’Haïti dan ses diverses campagnes mondiales visant à annuler en tout ou en partie la dette du Tiers-Monde à l’horizon 2000.