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Note de dénonciation relative aux accaparements violents des terres des paysans et paysannes dans les départements du Nord et du Nord-est

Depuis plusieurs années, l’État haïtien met en œuvre des politiques économiques qui mettent en danger les individus, les animaux, l’environnement, le patrimoine historique et culturel, l’agriculture et la terre. Ces politiques économiques mises en œuvre par l’État haïtien, la bourgeoisie internationale et la bourgeoisie locale sous-tendent des enjeux fonciers, plus précisément l’accaparement de terres surtout fertiles et conséquemment la destruction de la vie de la paysannerie parcellaire, de son économie, son agriculture, son bétail et son environnement.

Ces dernières années, notamment après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, des entreprises multinationales, l’État haïtien et la bourgeoisie locale ont décidé de développer une série de mégaprojets contraires aux intérêts fondamentaux des populations locales : exploitation minière, zones franches industrielles, touristiques et agro-industrielles…

Dans le cadre de l’application de ces projets, des paysans et paysannes de divers départements du pays, notamment les départements du Nord et du Nord-est, font l’objet de persécution, d’intimidation et de violence de la part d’autorités politiques et judiciaires, de protégés de l’équipe au pouvoir – le Parti haïtien Tèt Kale (PHTK) – et de grands propriétaires terriens. Interpellées par des appels aux secours lancés par les communautés et les organisations partenaires de base autour de ces actes de violence, des organisations Kolektif Jistis Min – KJM (Collectif justice mine), Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA), Plateforme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains (POHDH), Institut culturel Karl Lévêque (ICKL), Batay Ouvriye (BO), Mouvement Démocratique et Populaire (MODEP), Tèt Kole ti Peyizan Ayisyen (TK), Mouvement Paysan Papaye (MPP), Cercle Goman, Mouvement pour la Décentralisation et le Développement du Nord et du Nord-est (MODOD), ont réalisé une visite de solidarité et d’information dans les départements du Nord et du Nord-est du 25 au 29 octobre 2020 en vue de mieux comprendre la situation.

Dans le cadre de cette visite, la délégation a constaté que:

a) Il existe beaucoup de cas d’accaparements de terres et de violence à l’encontre des habitants des communautés, particulièrement à Prévoyance (Ouanaminte), Pister (Limonade), Casimir (Ferrier), Terrier-Rouge, entre autres ;

b) Des autorités politiques et judiciaires notamment des juges de paix, des Commissaires du gouvernement, Des chargés de mission au Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique, des Parlementaires et anciens Parlementaires, des policiers accompagnés de civils armés (souvent des individus recherchés par la justice) et quelques familles préparent de faux titres de propriétés pour extorquer des terres que des paysans et paysannes habitent et travaillent paisiblement depuis plusieurs dizaines d’années. ;

c) Les paysannes et paysans de Prévoyance, Casimir, Pister, Caracol, Grand Bassin et d’autres localités vivent dans la peur et l’insécurité à cause de l’instrumentalisation de la justice par des potentats et zélés de l’équipe au pouvoir ;

d) Les autorités politiques et zélés du pouvoir en place et de la Justice piétinent la décision légale adoptée le 20 septembre 2020 par l’Institut National de la Réforme Agraire (INARA), dans le but de préserver la paix et la cohésion dans la région mettant en quarantaine les terres de la localité de Prévoyance sur lesquelles l’État haïtien a placé les paysannes et paysans ayant échappé au massacre du dictateur dominicain Trujillo en 1937 ;

e) En 2014, dans la localité de Prévoyance, au moins deux paysans sont tombés sous les balles assassines de la police et de civils armés et plusieurs maisons ont été détruites, des productions agricoles ravagées sous les tracteurs des protégés du régime au pouvoir ;

f) Dans les localités de Prévoyance et de Casimir, des autorités judiciaires, politiques et policières, impliqués dans les accaparements violents des terres émettent, sur la base de fausses accusations, des dizaines de mandats à l’encontre des leaders paysans, des jeunes et autres citoyens vivant dans les communautés opposés au processus d’accaparement ;

g) Plusieurs paysans sont obligés de prendre le maquis pour se mettre à l’abri de la répression des autorités, secondés par des bandits armés ;

h) Non seulement l’Etat haïtien ne s’engage pas à secourir les victimes, mais dans certains cas, il transgresse ses propres décisions prises par le passé pour accorder des terres aux paysans et paysannes, dans le cadre d’opérations humanitaires comme celles de mettre en place les « colonies agricoles » à travers la loi de 1939 pour relocaliser les paysannes et paysans victimes du massacre de 1937 en République Dominicaine.

La constitution en vigueur garantit, à travers son article 39, le droit de préemption aux paysannes et paysans pour l’exploitation des terres agricole du domaine privé de l’État situées dans leur localité. Ainsi les organisations, signataires de la présente note, saluent-elles l’intelligence des organisations paysannes du Nord et du Nord-est, particulièrement les paysannes et paysans de la localité Prévoyance, qui comprennent leur droit à l’accès à la terre et leur devoir de résister aux violences et intimidations. Parmi ces violences, on peut cité, le massacre orchestré par Estime Saint-Juste, un ancien vice-délégué du régime au pouvoir, Me Kerby Pierre,Commissaire du gouvernement à Fort-Liberté, Jean Eugène, juge de paix de Ouanaminthe, Luma Démétrius –agent exécutif intérimaire agissant en qualité de maire dans la commune de Ouanaminte avec l’appui des agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH) et de bandits armés, en dépit de la décision sage et légale prise par l’INARA pour mettre les terres en conflit en quarantaine.

Comment un groupe d’individus peuvent-ils s’arroger le droit de s’accaparer une surface faisant partie des terres du domaine privé de l’État et la réclamer comme étant leur propriété privé ? Comment un Commissaire du gouvernement peut-il décider à lui seul (à partir de faux jugements) de révoquer la décision de l’État haïtien prise sous le gouvernement de Sténio Vincent pour protéger la vie des paysans et paysannes de Prévoyance ?

Les organisations signataires de la présente note dénoncent énergiquement l’accaparement de terres dans les départements du Nord et du Nord-est. Elles protestent énergiquement contre toutes les répressions, persécutions, arrestations illégales et arbitraires, contre les massacres et toutes autres actions criminelles perpétrées pour extorquer les terres des paysans et paysannes de Prévoyance, Casimir, Grand Bassin et Pister, entre autres.

La situation précédemment décrite annonce des scénarii sanglants. Pour éviter un bain de sang presqu’imminent où les familles paysannes seraient les principales victimes, les organisations signataires demandent que :

  • Le régime au pouvoir cesse toutes les opérations d’accaparement de terres dans les départements du Nord et du Nord-est ;
  • Les paysannes et paysans de Prévoyance, Casimir, Pister, Caracol et les autres communautés continuent de se mobiliser pour défendre leur vie, leurs terres, leur agriculture et leur élevage ;
  • L’INARA mobilise en urgence l’intervention de l’Unité de Sécurité de la Réforme Agraire (USRA) pour forcer les fauteurs de troubles à respecter les mesures de mise en quarantaine ;
  • L’Office de Protection du Citoyen (OPC) et les autres organisations de droits humains réalisent une mission d’enquête dans les diverses localités touchées par l’accaparement de terres afin d’éviter que les paysannes et paysans soient victimes d’un bain de sang similaire au massacre orchestré à Jean Rabel en 1987 ou à d’autres cas ;
  • L’OPC et les autres organisations de droits humains apportent une assistance légale aux camarades emprisonnés parce qu’ils entendent défendre leurs droits et qui subissent des maltraitances et menaces ;
  • La justice agisse en toute urgence pour suspendre les plus de 20 mandats illégaux et les fausses accusations montées de toute pièce à l’encontre de paysans de Prévoyance et les 7 mandats émis à l’encontre des paysans de Casimir qui résistent à l’accaparement des terres ;
  • Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) diligente une enquête crédible sur tous les juges impliqués dans l’accaparement des terres dans l’intérêt des protégés du régime au pouvoir et les faux grands propriétaires ;
  • Les médias réalisent leurs propres enquêtes sur l’évolution de la situation dans les communautés touchées et partagent avec la population les informations recueillies en vue de contribuer à une plus large audience des revendications paysannes ;
  • Les organisations de droits humains et les organisations populaires contribuent à la dénonciation des actes de violence perpétrés à l’encontre des paysans et paysannes revendiquant leurs droits.

La lutte pour la défense des droits des paysans et paysannes à l’accès à la terre, c’est une lutte pour le respect du droit à la vie.

La lutte pour la défense des droits des paysans et paysannes à l’accès à la terre, c’est une lutte pour la souveraineté alimentaire.

Paysannes et paysans, soyez vigilants.es et restez mobilisés.es jusqu’à la victoire !!!

Organisations et institutions signataires:

MODEP
PAPDA
KJM
POHDH
Tèt Kole Ti Peyizan Ayisyen
Batay Ouvriye
ICKL
MODOD
Sèk Goman
MPP
SKDK

Pour authentification
Origène Louis
Tèt Kole Ti Peyizan Ayisyen

Ricot Jean-Pierre
Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA)

Alermy Piervilus
Plateforme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains